Jeudi 25 avril 2019
Note au Premier Ministre. Financement de l’économie algérienne : écueils et solutions possibles
Nous publions ci-après cette Note au Premier Ministre Abdelmalek Sellal sur le financement non conventionnelle. Elle a été rédigée par Raouf Boucekkine et Nour Meddahi le 24 avril 2017
Préambule
Le recul marqué du niveau des liquidités bancaires depuis 2015, couplé avec la faible profondeur des marchés financiers domestiques, pose plus que jamais la question du financement de l’économie nationale à court terme. C’est dire si la situation requiert une réponse institutionnelle de toute première urgence qui ne saurait s’embarrasser de dogmatismes ni dans un sens ni dans un autre.
Le Nouveau Modèle de Croissance (NMC), dont le Ministère des Finances vient de publier un résumé, fixe un cap à horizon 2030. Sa crédibilité, génératrice de confiance (qui est un ressort essentiel du développement), dépend fortement de la prise en compte des préconditions institutionnelles à remplir durant la période de transition 2017-2019, préconditions clairement mentionnées dans le document.
En particulier, nombre de ses préconditions se rapportent au financement de l’investissement privé. Augmenter l’investissement privé doit être la colonne vertébrale de notre politique économique, à commencer par la politique monétaire. Dans l’élaboration du NMC, nous avons ainsi proposé une réallocation de l’investissement de l’Administration vers les entreprises afin de réduire la charge pesant sur le Trésor et l’endettement subséquent alors même que la diversification de l’économie réduit la part de la fiscalité des hydrocarbures : la part de l’investissement privé hors hydrocarbures devra alors passer de 41.3% en 2015 à 48.8% en 2020 puis à 57.7% en 2030.
Pour cela, il faudra réformer en profondeur le financement de l’économie, à commencer par la dynamisation des marchés financiers avec un nouveau cadre légal plus propice à l’investissement dans ces marchés. Cette note est plus orientée vers la crise bancaire abordée lors de réunions successives depuis décembre 2016 et dont la dernière remonte au 9 avril 2017. Elle propose des solutions pour les problèmes évoqués lors de cette réunion, notamment : – L’assèchement des liquidités, ce qui requiert de notre point de vue un approfondissement de la politique monétaire accommodante démarrée en 2016 – Le problème de mismatch entre les structures temporelles des crédits et des dépôts des banques publiques, ce qui oblige à considérer des scenarii de restructuration de la dette à long terme, qui est aussi un moyen efficace pour augmenter la liquidité bancaire – La baisse du niveau d’épargne (voir note de Boucekkine/Meddahi remise au Premier Ministre, le 8 avril 2017), c’est-à-dire la baisse de la quasi-monnaie, ce qui doit nous inciter à mettre en place de nouvelles formes d’épargne, en plus du traitement du problème des taux d’intérêt réels négatifs – Le problème de la collecte déficiente de l’épargne par les banques combinée à l’atonie des marchés financiers dont nous avons déjà fait état à plusieurs reprises depuis 2015 et de façon encore plus pressante depuis janvier 2016 , et qui requiert en particulier une série de mesures incitatives – L’insuffisance criante du système de financement national en termes de diversité des sources de financement, ce qui nous oblige à lancer rapidement les réformes nécessaires du marché financier réclamées dans le NMC mais aussi à en ajuster le contenu aux besoins de financement immédiats de notre économie.
Nous résumons d’abord nos propositions puis nous apportons les justifications requises.
Résumé rapide des propositions de mesures à prendre
– Baisse continue du taux de réserves obligatoires avec une cible de 2 à 3% en 2018. – Lancement par la BA d’un programme de Quantitative Easing (Q&E) sous forme d’achat d’obligations émises par l’Etat, les banques et certaines entreprises publiques dans un premier temps. – Le montant maximal de la création monétaire (incluant réescompte, open market, et Q&E) que nous recommandons est de 1100 mds DA en 2017, 700 mds DA en 2018 et 750 mds en 2019. Cette proposition amène l’encours de prêt de la BA à 1600 mds DA en 2017, 2300 mds DA en 2018 et 3050 mds DA en 2019. – Restructurer les prêts bancaires de long terme avec période différée pour supprimer ce différé et rendre ces prêts éligibles à un refinancement par la BA. – La crise actuelle montre de façon presque tragique à quel point il est essentiel de passer à la fois à un autre modèle de gestion bancaire et à un autre modèle de financement des grandes entreprises nationales.
Ainsi, Sonelgaz doit désormais se résoudre à se financer sur le marché obligataire. – Augmenter la rémunération des dépôts à terme. Augmenter les taux de prêts, même symboliquement. – Rendre les obligations plus liquides : Création de SICAV et OPCVM obligataires. Rendre les obligations de l’Emprunt National éligibles à être dans des SICAV et OPCVM. Amorcer la pompe à OPCVM et SICAV : Une bonification de l’Etat pour les personnes physiques, avec plafonnement. – Créer de la demande pour les obligations : Des fonds de retraites complémentaires. – Augmenter la démonétisation en mettant un maximum d’un million de dinars en liquide à toute transaction commerciale et en remboursant une partie de la TVA pour les personnes physiques en cas d’utilisation de carte bancaires. – Création d’obligations protégées de l’inflation (TIPS) – Lancement de Sukuks et financements participatifs pour financer des projets d’infrastructure et productifs. Cibler des projets attractifs. – Financement des programmes de logement : o Emissions d’obligations et utilisation de l’ijar (chariaa compatible). o Création d’un marché secondaire pour les prêts hypothécaires. – Inciter le privé à se lancer dans l’intermédiation financière. – Harmonisation des règles de crédit de la BA et des banques. – Refinancement incitatif par la Banque d’Algérie. – Dynamiser la bourse. A court terme, établir des enchères de préouverture.
Développement.
1. Approfondissement de la politique monétaire accommodante
Notre pays est entré pour un long moment dans un épisode d’assèchement des liquidités, ce qui est arrivé un peu partout dans le monde, chez nos voisins maghrébins depuis un certain temps et chez nos voisins européens depuis la Grande Récession. Dans tous ces pays, les banques centrales ont dû assouplir considérablement la politique monétaire pour ne pas asphyxier les banques, il ne saurait en être autrement en Algérie. Ceci passe par les initiatives suivantes. – La baisse continue du taux de réserves obligatoires (TRO) : Le TRO a été certes ramené de 12 à 8% par la Banque d’Algérie (BA) mais il y a encore de la marge pour cet instrument. Pour mémoire, la très rigoureuse Banque Centrale Européenne (BCE) a été amenée à baisser son TRO à 2% en 2011 suite à la sévère crise de liquidité bancaire qui a affecté les établissements du continent. Même remarque pour les banques centrales des pays voisins.
La BA ne peut pas gérer les liquidités que par le marché monétaire. C’est une excellente idée de le réactiver mais cela ne saurait occulter tout le spectre d’instruments de politique monétaire qu’elle peut manipuler. Comme la BCE, la BA devrait planifier à la baisse le TRO pour atteindre un niveau plus en rapport avec les difficultés des banques publiques, ce qui ne signifie pas les déresponsabiliser (voir plus loin). Un niveau de 2 à 3% en 2018 nous semble un objectif raisonnable. – Par ailleurs, la BA doit pouvoir envisager de procéder à des opérations de quantitative easing (Q&E) comme nous l’avons maintes fois suggéré depuis janvier 2016.
En clair, la BA peut parfaitement s’engager à acquérir des obligations émises par les agents économiques nationaux. Nous ne demandons pas ici d’aller jusqu’au niveau de Q&E de la BCE qui est allée très loin dans le domaine du refinancement mais au moins de considérer cette configuration pour le Trésor et les banques publiques en 2017 et 2018. – Bien entendu, la planche à billet a des limites (voir note Boucekkine adressée au Premier Ministre de mars 2017 sur «Création monétaire, inflation et croissance ») et en particulier, elle doit être strictement encadrée aussi bien quantitativement que par des critères prudentiels propres à la supervision bancaire et au monitoring de la BA, et surtout elle doit être limitée dans le temps comme indiquée dans la note ci-dessus mentionnée.
Une façon de fixer l’amplitude de la création monétaire additionnelle requise est de l’insérer dans le calcul des besoins de financement de l’économie, et notamment celui de l’investissement privé, tel qu’indiqué dans le NMC. Une façon beaucoup plus rapide de borner la création monétaire, intéressante du double point de vue du calcul (élémentaire) et de politique générale du gouvernement, est de s’indexer sur l’objectif des réserves de devises du pays (100 mds de $ comme niveau plancher). Si le niveau nominal de la masse monétaire M2 ne baisse pas en 2017, le volume maximal de la création monétaire (incluant réescompte, open market, et Q&E) est l’équivalent en dinar du déficit de la balance de paiement d’ici la fin de l’année, soit 10 mds 4 $ ou 1100 mds DA puisque le niveau des réserves de change était à fin février de 110 mds $. Pour ce qui est des années 2018 et 2019, il faut envisager une augmentation maximale de la masse monétaire M2 par la combinaison du réescompte, l’open market et Q&E de l’ordre de 5%, soit à peu près 700 mds DA en 2018 et 750 mds en 2019.
Notons que l’encours actuel de la création monétaire est proche de 500 mds ; cette proposition nous amène à 1600 mds DA en 2017, 2300 mds DA en 2018 et 3050 mds DA en 2019. Nous réitérons ici que bien entendu le rôle de la BA est essentiel dans le monitoring de cette nouvelle politique monétaire que nous appelons de nos vœux. Précisément parce que l’inflation actuelle est très faiblement monétaire, il ne faudrait pas que la BA mette de l’huile dans le feu en alimentant également la spirale inflationniste. De même, il est important de ramener graduellement le taux du marché interbancaire au plus près du taux directeur afin de ne pas inonder le marché de liquidités. La création monétaire prescrite, limitée dans tous les sens du terme comme indiqué dans le paragraphe précédent, est de notre point de vue nécessaire vu l’asphyxie actuelle des banques. Un simple et circonstanciel arbitrage inflation/croissance (ou inflation/chômage), en sus de court terme, ne laisse que peu de latitude à cet égard.
2. Restructuration des dettes de long terme avec période différé pour atténuer en urgence le problème du mismtach bancaire
Selon le rapport du Gouverneur de la banque d’Algérie de décembre 2016, plus de 70% des crédits accordés par les banques publiques fin 2016 sont de moyen et long terme, ce qui est un facteur aggravant majeur de la crise de liquidité actuelle. Cet état de fait s’explique aussi bien par un défaut de déclaration des banques(qu’il convient de régulariser rapidement à titre exceptionnel) que par un défaut de supervision de la BA. Le problème ne peut se régler à notre sens que par la restructuration de partie de cette dette consentie par les banques publiques, notamment celle de long terme. Plusieurs gros prêts (un encours supérieur à 3000 mds DA) à très longue maturité (30 ans) avec période de différé (7 à 10 ans) ont été accordés par des banques publiques à des entreprises publiques sous la pression de l’Etat. Ces prêts ne sont pas éligibles à un refinancement par la Banque d’Algérie à cause de la période de différé.
Nous proposons de restructurer ces dettes en supprimant la période de différé. Pour fixer les idées, prenons l’exemple d’un prêt de Sonelgaz auprès de la BNA d’un montant de 100 mds DA, contracté en 2012, de maturité 30 ans, à un taux de 5,5%, avec un différé de 10 ans pour remboursement du capital. Ceci veut dire que Sonelgaz doit payer 5,5 mds DA entre 2013 et 2022, et 8,368 mds DA entre 2023 et 2042. Ce prêt est classé long terme car sa maturité est supérieure à 7 ans. Un tel prêt peut être refinancé à hauteur de 50% pendant 5 ans au taux de réescompte une fois la période de différé terminée. Ainsi, ce prêt ne peut pas être refinancé par la BA avant 2023. Nous proposons de restructurer un tel prêt en enlevant la période de différé afin que cette année la Banque d’Algérie puisse prêter 50 mds à la BNA. Il y a plusieurs façons de faire cette restructuration. Voici un scénario que nous privilégions. Le prêt de 100 mds de DA n’a plus de période différée. Il doit être remboursé entre 2018 et 2042. Ce qui implique un remboursement de 7,455 mds DA par an par Sonelgaz à la BNA. Pour faire face à 5 l’augmentation de remboursement de prêts entre 2018 et 2022 d’un montant de 1,945 mds DA (7,455 mds DA au lieu de 5,5 mds DA), la Sonelgaz contracte chaque année entre 2018 et 2022 un prêt de 1,945 mds DA au taux de 5,5% et qui se termine en 2042. Voici les remboursements que Sonelgaz devra faire entre 2018 et 2042: – 2018 : 5,5 mds DA – 2019 : 5,648 mds DA (au lieu de 5,5 mds DA) – 2020 : 5,799 mds DA (au lieu de 5,5 mds DA) – 2021 : 5,954 mds DA (au lieu de 5,5 mds DA) – 2022 : 6,112 mds DA (au lieu de 5,5 mds DA) – 2023-2042 : 8,230 mds DA (au lieu de 8,368 mds DA) Ces prêts deviennent éligibles à un refinancement par la Banque d’Algérie. Ainsi, en 2017 la BNA peut emprunter 50 mds DA auprès de la BA à rembourser en 2022. La liquidité bancaire va donc augmenter. Cette restructuration et les montants à rembourser montrent que des prêts de long terme avec période différée devraient être proscrits à l’avenir. Il est très facile de construire des montages financiers qui minimisent les remboursements à court terme tout en excluant les périodes de différées. Par ailleurs, la crise actuelle montre de façon presque tragique à quel point il est essentiel de passer à la fois à un autre modèle de gestion bancaire et à un autre modèle de financement des grandes entreprises nationales.
Dans deux notes précédentes adressées au Premier Ministre sur la réforme bancaire (Boucekkine, « Notes sur la réforme bancaire », septembre 2016) et sur le financement des grandes entreprises publiques (Boucekkine, E. Chitour et Meddahi, «Quel avenir pour l’investissement des grandes entreprises nationales ? », Mai 2016), nous avons décliné un certain nombre de voies de réforme aussi bien pour la gouvernance des banques publiques que pour le financement optimisé et viable des grands champions nationaux. A cet égard, le cas de Sonelgaz est paradigmatique. La dette de Sonelgaz viole deux règles prudentielles importantes : d’abord elle est démesurée, plus de 2000 mds DA sur un total de 8000 mds DA à fin 2016, soit 25% des prêts ; et ensuite elle est concentrée auprès d’une seule banque. La dette de Sonelgaz constitue un risque majeur pour le système bancaire et financier, cette entreprise doit désormais se résoudre à se financer sur le marché obligataire.
3. Mesures pour augmenter l’épargne
Dans la note du 8 avril dernier, nous avons montré à quel point la quasi-monnaie (soit l’épargne rémunérée) est en train de décliner dans notre pays : rapportée à la masse monétaire M2, la quasi monnaie ne pèse plus que 31.6% en 2016 alors qu’elle pesait 41.6% en moyenne sur la période 2000- 2008, avec un pic de 51% en 2002. Ce recul est évidemment un handicap pour le financement de l’investissement, et il convient de prendre les mesures qui s’imposent.
L’urgence est d’augmenter la rémunération de l’épargne pour atténuer le problème des taux d’intérêt réels négatifs et aussi de faire preuve d’innovation financière pour financer l’économie, point que l’on aborde plus loin. – Augmenter la rémunération des dépôts à terme : il est impératif d’augmenter la rémunération des dépôts à terme pour deux raisons. D’une part l’inflation a beaucoup augmenté sur la période récente, sans que la rémunération du gros des dépôts à terme n’atteigne les 3 %, soit un taux réel négatif de -4%. Par ailleurs, la baisse de la liquidité bancaire crée une demande d’argent qui justifie donc une rémunération plus élevée. – Augmenter les taux de prêts : ces taux doivent augmenter, si nécessaire de manière symbolique de 0,25%.
Il y a quatre objectifs à une telle augmentation. Il faut d’abord lancer un signal au marché que le pays traverse une période difficile avec une baisse des ressources financières et une augmentation de l’inflation. Ensuite, il faut faire le tri de manière endogène entre les projets rentables et non-rentables, l’allocation des ressources financières devant être prioritaire aux projets les plus rentables. Par ailleurs, il faut donner de l’air aux banques pour pouvoir augmenter la rémunération de l’épargne, ce qui est une priorité du plan proposé. Enfin, ça aidera à justifier à posteriori une baisse du taux de croissement des crédits, ce qui est inévitable. – Rendre les obligations plus liquides : Création de SICAV et OPCVM obligataires. Dans tous les pays du monde, les obligations sont moins liquides que d’autres actifs financiers, ce qui les rend moins attractives auprès d’une clientèle à fort potentiel, en particulier les personnes physiques et les personnes morales qui peuvent avoir des chocs de liquidités.
La solution standard est d’utiliser les OPCVM (Organisme de placement collectif en valeurs mobilières) et les SICAV (Société d’investissement à capital variable) obligataires, ce que permet la législation actuelle. Elles sont créées et gérées par des intermédiaires financiers, incluant les banques. Le principe est simple. Ces intermédiaires achètent des obligations avec un certain taux, disons 5,75%. Elles les mettent dans un OPCVM ou une SICAV qu’elles vendent avec un taux de rémunération inférieur à 5,75, disons 4,25%. L’intermédiaire financier gagne 1,5% sur les obligations ; les acheteurs des OPCVM et SICAV ont un produit qui offre un rendement de 4,25% qui est supérieur à la rémunération des dépôts à terme de court terme. Ce dernier point est crucial ; la rémunération des OPCVM et SICAV doit être supérieure à la rémunération des dépôts à terme de court terme, ce qui implique que la rémunération des obligations doit être bonne et que l’intermédiaire financier ne fait pas preuve de voracité. Une compétition importante dans l’émission des obligations et dans l’intermédiation sont les garants de la réussite des OPCVM et SICAV. – Rendre les obligations de l’Emprunt National éligibles à être dans des SICAV et OPCVM. De ce que nous avons compris, les obligations de l’emprunt national de 2016 ne sont pas éligibles à être dans des OPCVM et SICAV. Une anomalie à corriger pour les rendre plus liquides. Ceci pourrait être fait dans une étape ultérieure. – Amorcer la pompe à OPCVM et SICAV : Une bonification de l’Etat. Etant donné l’état du système financier et l’urgence de rendre liquide les obligations et d’augmenter leur encours, nous pensons qu’il serait utile que l’Etat, en plus de la fiscalité actuelle qui est avantageuse, booste la vente des SICAV et OPCVM en bonifiant la rémunération de ces produits, au moins pour les personnes physiques, avec possibilité de mettre un maximum éligible. Il ne s’agit pas de bonifier pendant une longue période ; deux à trois ans devraient suffire pour amorcer la 7 pompe. Notons qu’une bonification de 1% pour un montant de 10 mds $, ce qui serait une réussite, représenterait 100 millions $ par an. Une telle bonification devrait être clairement affichée pour qu’elle puisse être réduite de manière graduelle. – Créer de la demande pour les obligations : Des fonds de retraites complémentaires. Il est impératif de créer de la demande d’obligations, en particulier de longues maturités. Un moyen simple et standard est de lancer des fonds de retraites complémentaires (et d’assurance vie à la française).
La retraite est un enjeu important, ce qui devrait rendre ces produits populaires auprès des classes moyennes et supérieures. L’Etat doit mettre les dispositifs législatifs pour créer ce type de fonds (c’est peut-être le cas). Il doit évidemment mettre les incitatifs fiscaux pour rendre ces fonds attractifs, avec encore une fois des règles limitant les dépôts en fonction des salaires. Notons que ce dispositif existe par exemple en Tunisie. – Augmenter la démonétisation. Il ne faut surtout pas négliger de lancer des opérations qui aiderait à faire rentrer de l’argent dans les banques. La première opération consisterait à rendre toute opération financière supérieure à un certain montant obligatoirement faite par chèque ou une opération bancaire. Cette opération est déjà faite pour l’immobilier à parti d’un certain montant. Nous proposons de la généraliser à toutes les opérations et de baisser de manière substantielle le montant maximal, un million de dinars étant le grand maximum. Par ailleurs, il faut inciter les personnes physiques à utiliser les cartes bancaires pour payer leurs transactions. Pour cela, il faut évidemment réduire les coûts de ces cartes. Il faut aussi, pour lancer la pompe, mettre des incitations fiscales. Nous pensons à un remboursement d’une partie de la TVA, par exemple 2%. Encore une fois, ce type d’avantages fiscaux devrait être limité dans le temps.
4. Innovation financière, diversification des sources de financement et ajustement aux besoins immédiats de l’économie nationale
Durant une longue période, le financement de l’économie a été assuré en grande partie par le Trésor, ce qu’il ne peut plus faire étant donné la baisse drastique de la fiscalité pétrolière. Il faut donc faire preuve d’innovation pour financer l’économie. Néanmoins, nous pensons que ce n’est pas le rôle de l’Etat ; c’est le rôle des banques et des institutions financières. L’Etat n’a pas à s’exposer à d’éventuels échecs. En cas de succès d’une innovation financière, la banque ou l’institution financière initiatrice de l’opération se fait récompenser en devenant leader sur le marché pour le produit en question. Les instruments suivants de financement nous semble particulièrement appropriés (voir aussi notes produites, notamment Boucekkine/Meddahi, octobre 2015). – Les TIPS (Treasury Inflation Protected Securities).
Les obligations souveraines protégées de l’inflation ont connu un essor phénoménal dans les pays anglo-saxons et les pays émergents. Il nous parait très pertinent de le faire en Algérie. L’Etat pourrait le faire et ce serait la seule exception à l’innovation financière mentionnée ci-dessus. L’alternative est qu’une grande société publique pourrait faire l’expérimentation pour un montant faible, disons 250 à 500 8 millions $, pour tester le marché. Sonelgaz est tout indiquée étant donnée ses besoins de financements et sa difficile situation financière. – Les Sukuks et financements participatifs pour financement des projets d’infrastructure et productifs. Certains pays musulmans ont fait appel à ce type de produit pour le financement de leur économie. Il faut faire l’essai dans le pays. Encore une fois, l’Etat n’a pas d’exclusivité de ce type d’opérations. Une société publique, par exemple Sonelgaz pour le financement une centrale électrique, ou d’un organisme public, par exemple pour le financement de silos agricoles, pourraient parfaitement y avoir recours. Il parait aussi opportun de cibler des produits populaires comme le montre le cas du Canal de Suez en Egypte.
Le nouvel aéroport d’Alger, le grand port, un grand hôpital, voire la Grande Mosquée, nous paraissent des pistes à explorer. – Financement des programmes de logement. L’investissement que maitrise le mieux les algériens est l’immobilier, bien plus que les projets d’infrastructure ou productifs. Dans tous les pays du monde, le marché de l’immobilier est de loin le plus grand par la taille. Par ailleurs, beaucoup de projets de l’Etat se concentrent sur le secteur du logement et sont financés par le secteur bancaire. Il apparaît que le refinancement ces projets par obligations et aussi des financements chariaa compatible (comme le « ijar » qui est une forme de leasing) sont très opportuns. Le financement du programme de logement promotionnel déjà engagé et supporté par les banques a une maturité de quatre années. C’est le plus facile à faire refinancer, en particulier par un financement de type « ijar ». Les banques publiques doivent se lancer dans cette opération. Il faut aussi impliquer les banques privées qui ont de l’expertise dans le domaine. Pour ce qui est du financement des logements AADL et qui sont actuellement financés par des banques publiques avec des prêts à maturité de 30 ans avec période différé (à enlever comme expliqué ailleurs), la longueur de la maturité va compliquer le refinancement. Il faut alors privilégier un financement par obligations rachetées par des SICAV, OPCVM, société d’assurance et fonds de retraite. La longueur de la maturité oblige à augmenter la rémunération de ces obligations pour les rendre attractives. Une version chariaa compatible doit être aussi trouvée.
Une possibilité est de créer une société qui achète massivement ces logements et se finance par du ijar ou de la mourabaha. – Marché secondaire pour les prêts hypothécaires : Fannie Mae et Freddie Mac à l’algérienne. Aux Etats-Unis, le refinancement du logement est assuré par des sociétés privées, implicitement garanties par l’Etat fédéral, les plus importantes étant la « Federal National Mortgage Association » (FNMA, connue sous le nom de Fannie) et la « Federal Home Loan Mortgage Corporation » (FHLMC, connue sous le nom de Freddie Mac). Ces deux sociétés jouent le rôle de second marché pour les prêts hypothécaires. Le fonctionnement est simple.
Les banques et les courtiers prêtent de l’argent aux personnes pour acheter les biens immobiliers. Pour ce financer, ces banques et courtiers revendent ces prêts à Fannie Mae et Freddie Mac. Pour ce financer, Fannie Mae et Freddie Mac émettent des obligations à faible taux par rapport à la concurrence et proche des obligations souveraines. Ceci est faisable car elles sont implicitement garanties par l’Etat à cause de leur taille dans l’économie (le fameux « too big to fail »), ce qui s’est vérifié lors de la dernière crise financière. Rien n’interdit d’adapter le procédé à l’Algérie. 9
5. Mesure incitatives sur l’intermédiation financière pour augmenter la captation de l’épargne
Les problèmes de financement de l’économie et aussi de la faiblesse de l’épargne révèlent un problème majeur d’intermédiations bancaire et financière, qu’il faut absolument traiter. Il faut explorer plusieurs pistes : attirer de nouveaux joueurs, clarifier les règles de risque de la Banque d’Algérie, mettre plus de compétition entre les banques publiques, renoncer à des bénéfices de court terme, et réveiller la bourse d’Alger. Notons qu’au moment où la croissance des services baisse, augmenter la taille du système financier est crucial pour prendre le relais d’autres secteurs en difficulté pour maintenir une croissance robuste. – Inciter le privé à se lancer dans l’intermédiation financière. Le privé algérien se plaint souvent d’être exclus du système bancaire national. Une opportunité se présente à lui : se lancer dans l’intermédiation financière, en particulier les SICAV, les OPCVM, les produits islamiques et le financement du logement.
Il nous parait important que le Gouvernement invite le privé à investir ce créneau, mette les incitations fiscales adéquates et annoncer clairement que l’ouverture du système bancaire au privé national sera en priorité réservée aux intermédiaires financiers qui auront fait leur preuve. – Harmonisation des règles de crédit. Le refinancement des prêts bancaires étant appelé à être un outil majeur du financement de l’économie du pays, la Banque d’Algérie doit clairement annoncer sa grille de risque du refinancement pour que les banques en tiennent compte dans l’allocation de crédits. Par ailleurs, l’Etat ne doit pas obliger une banque publique à financer un projet sous des conditions excluant de facto un refinancement par la BA.
Evidemment, une banque sera libre d’allouer un crédit non finançable par la BA (par exemple en cas de relation privilégiée avec un client), quitte à charger un taux élevé, ce qui est la pratique courante. – Compétition entre les banques. Il n’y a pas d’incitations à la concurrence entre le banques publiques, ce qui devrait être le cas étant donnée sa taille (près de 90% du marché). Etant donnée la situation actuelle, l’Etat, actionnaire unique des banques publiques, doit renoncer aux dividendes des banques publiques. Plus précisément, nous pensons que sur la période 2017-2019, l’actionnaire principal doit assigner aux banques publiques comme objectif premier de performance la collecte des dépôts, sous contrainte de ne pas faire de déficits. Une augmentation de la collecte des dépôts passera nécessairement par une augmentation de l’épargne rémunérée.
La contrainte à ne pas faire de déficit implique que cette collecte sera aura allouée à des crédits. – Refinancement incitatif par la Banque d’Algérie. La Banque d’Algérie doit aussi inciter les banques à augmenter leur degré d’intermédiation financière. Voici un exemple. Les banques sont détentrices d’obligations émises par l’Etat (par exemple l’emprunt national) et pourraient aussi transformer des prêts à des entreprises publiques en obligations. Nous avons indiqué cidessus que les banques devraient revendre ces obligations sous forme d’OPCVM et de SICAV. La Banque d’Algérie pourrait mettre un schéma incitatif, par exemple pour 100 obligations vendues par la banque sous forme d’OPCVM et de SICAV, la Banque d’Algérie en achète (Q&E) 10 ou en refinance un certain nombre, ce nombre pouvant varier avec l’état de la liquidité bancaire. – Dynamiser la bourse. La bourse des actions et des obligations est appelée à jouer rôle majeur dans le financement de l’économie avec deux objectifs majeurs : attirer de l’épargne et indiquer les prix des actifs financiers.
La bourse des actions est dans un état lamentable : peu de transactions ; des prix suspects, des dividendes pas élevés, sans parler de l’échec de l’introduction en bourse de la cimenterie de Ain-El-Kebira (la notice d’information ne contenait pas d’information sur les dividendes versés dans le passé ; il faut le faire…). A court terme, la priorité parait être l’établissement de prix réels reflétant la vraie valeur des sociétés cotées. Le système actuel de cotation ne parait pas adapté à un tel ajustement. Nous proposons de faire des enchères de préouverture (enchère par tâtonnement Walrasien) comme c’est le cas dans la plupart des autres bourses. Dans un premier temps, nous suggérons une enchère par semaine et ensuite une par jour. La première enchère sera évidemment cruciale. Il pourrait être intéressant d’augmenter le nombre d’actions des sociétés cotées, en particulier celle de Saidal et l’Hôtel Aurassi, pour booster la première enchère et aussi augmenter les revenus de l’Etat.
Lire aussi : https://nourmeddahi.github.io/El-Djazair/El-Djazair.htm