Jeudi 28 mars 2019
«Eh bien ! Dansez maintenant» !
Chaque année, le Marathon de Marseille attire des coureurs du monde entier.
Le soleil et la vue sur la mer pendant le parcours n’y sont pas pour rien. En bas de la Cannebière, les manifestants algériens se mélangeaient aux sportifs satisfaits par l’effort fourni.
L’Algérie aussi a un long parcours devant elle. Et on ne parle pas de 42,2 km. Les élections annulées, puis un gouvernement resté longtemps silencieux face au mouvement populaire. Pour finalement demander l’application d’un texte qu’il a toujours ignoré. Il y a de quoi devenir chèvre pourrait-on penser. Que nenni. Les citoyens militent sans faiblir, armés d’espoir et de courage, depuis plusieurs semaines maintenant.
Les Algériens se fédèrent autour de principes pacifiques, partagent l’enthousiasme, l’hospitalité, l’écologie et nombre de valeurs qui n’avaient plus vu la lumière du pays.
La « révolution du sourire » est sur le point de devenir source d’inspiration mondiale.
Le Vieux Port se noircit autour d’un groupe de musiciens algériens. Des personnes de tous les âges dansent avec notre drapeau, scandent des slogans antisystèmes tout en bougeant les épaules. Les voitures klaxonnent , des coureurs s’arrêtent, des touristes filment.
Force est de reconnaître que cette forme de contestation génère de l’admiration. On se croirait à un mariage. Pourtant impossible d’ignorer la raison de notre présence à cet endroit. Les discussions vont bon train en périphérie du spectacle. Chacun partage son pronostic sur la prochaine réaction du gouvernement. Les amis marseillais nous posent des questions sur la situation.
Je dois le reconnaître, malgré la gravité de la situation, un sourire s’est invité sur mon visage pour ne plus le quitter. J’ai filmé la foule en liesse pensant répandre cette bonne humeur communicative sur les réseaux sociaux.
« Ce n’est pas un carnaval, n’importe quoi » « On dansera quand on gagnera notre vraie indépendance » « Un peu de sérieux, la situation est grave ». Un torrent d’indignation s’abattait sur Facebook.
Serions-nous les cigales de la fable de La Fontaine ? Aurions-nous chanté trop vite ?
La questions divise, y compris au sein de la rédaction. Bien sûr qu’il ne faut pas crier victoire trop vite. Mais ce n’est pas ce qu’il se passe. Un bras de fer de longue haleine s’est engagé entre la rue et le gouvernement algérien. Si celui-ci s’érode, il est loin de lâcher le poing.
Nos parents ont beaucoup pleuré pendant la décennie noire. Ce qu’ils ont fini par obtenir ? Bouteflika ! Si danser doit nous donner le courage de rester dans la rue le temps qu’il faudra, je suis prête à faire la cigale.