25 novembre 2024
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La Méditerranée, tombeau de nombreux Algériens désespérés

REGARD

La Méditerranée, tombeau de nombreux Algériens désespérés

Crise économique, régime répressif et quasi-indifférent à la situation du pays et de ses habitants, horizon bouché… Ils sont, chaque année, des milliers d’Algériens à tenter de traverser la Méditerranée pour fuir le pays. 

La tragédie des jeunes de Tigzirt est un mauvais présage pour l’avenir de nos enfants, c’est le résultat d’un malaise social profond. L’image désolante des corps qu’on a repêchés au large interpelle les consciences s’il en existe. Vues dans les réseaux sociaux et les médias, ces victimes qui flottent sur l’eau sont un signe de désespoir profond et de la faillite de l’État, incapable d’offrir un avenir à ses enfants.

Il n’y a pas un jour qui passe sans qu’une mauvaise nouvelle de ce genre nous arrive, de l’est à l’ouest du pays. Des jeunes, à majorité, par groupe, prennent le risque dans des embarcations de fortune pour un nouvel « Eldorado ». ils préfèrent traverser la mer en plein hiver que rester encore en Algérie. Terrible constat !

Pour les malchanceux, ils finissent sur les récifs de la Méditerranée, les autres, qui ont réussi à mettre pied à terre, doivent faire face à une galère quotidienne insoupçonnable dans les villes européennes. Il y a ceux qui sont confinés dans des centres de rétention ou carrément incarcérés dans des prisons des pays où ils ont échoué, il y en a d’autres qui errent des jours entiers dans les rues froides de ce continent. Pour autant, cela ne semble pas arrêter les jeunes Algériens qui choisissent de mettre leur vie en danger que de rester mourir à petit feu au pays.

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C’est un phénomène très inquiétant qui a pris des proportions alarmantes. Des familles avec femmes et bébés ont été vues partir dans une aventure à leurs dépends. Le drame des jeunes de Pointe Pescade (Alger) est une des illustrations de ce drame national.

Même dans les années 1990, la période de la décennie noire, on n’a pas assisté à ce supplice que les habitants de la région Tigzirt viennent de vivre. Et pourtant la Kabylie, à un degré moindre, a été presque épargnée de cette calamité.

Pourquoi les jeunes quittent le pays en masse ?

Les déclarations incendiaires de certains commis de l’Etat peuvent en être la cause en partie. Mais l’indicible situation du pays en est la cause principale. En septembre 2017, Ouyahia, trop prolixe, connu pour son esprit provocateur, décrit aux Algériens un tableau sombre sur le plan financier, et il annonce : «que les caisses sont vides»; il poursuit : «que l’état n’a pas les moyens de couvrir ces dépenses pour les prochains mois»; il persiste : «que l’avenir pour les 5 prochaines années sera douloureux»; et il affirme : «les Algériens doivent serrer la ceinture».

De tels propos, d’une extrême gravité, qu’un père de famille ou un jeune doit nécessairement entendre? On l’a inquiété brutalement et sans y réfléchir aux conséquences, car il vient d’être soumis à un véritable dilemme : subir ou partir.

D’abord, il faut bien s’interroger pour comprendre dans quelle culture politique l’État algérien bouillonne. Au lieu d’assumer leurs échecs et expliquer la prodigalité qui est aux alentours de 1 000 milliards de dollars, des individus aux mœurs dissolues persistent dans l’indifférence totale à nier les méfaits. Ils sapent le moral des citoyens en les incitant à commettre l’irréparable.

Par surcroît, le climat social qui se détériore de jour en jour, suivi d’une situation politique axée sur l’accaparement des pouvoirs en faisant du cinquième mandat une vision d’avenir, et les blocages que subissent les opérateurs économiques sont, en somme, des éléments qui alimentent des sentiments de haine et de frustration. En effet, ils provoquent un excès de désespoir et d’atonie chez l’individu.

L’Algérien aujourd’hui ne voit son avenir qu’exil

D’ores et déjà, un jeune d’aujourd’hui, universitaire ou chômeur, est livré à lui-même, il ne croit plus aux solutions proposées par un pouvoir monarchique. Désorbité, il est affecté par un désordre psychologique.  

Lors d’une entrevue accordée par Yahia Arkat, journaliste correspondant de Liberté au Canada, au sociologue Sid-Ahmed Soussi, professeur l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et directeur du Centre de recherche en immigration, ethnicité et citoyenneté (Criec), ce dernier a associé la problématique des flux migratoires sud-nord à une panne de perspectives des gouvernements des pays du sud. Entre autres, il déclare : « Parce que l’Algérie, à l’image d’autres pays, a été incapable de prévoir son avenir économique, se contentant de vivre depuis l’indépendance sur une rente pétrolière occupant plus de 98% de ses exportations. C’est cela la véritable question que posent les flux migratoires d’un peu partout dans le monde» (1).

En revanche, nos voisins, le Maroc et la Tunisie, nous surprennent de jour en jour avec leurs réalisations au profit de leurs citoyens. Le projet du grand port de Tanger est un exemple de réussite qui incite le Marocain à se détourner des aventures. Pour les Tunisiens qui sont en train de nous donner des leçons politiques sur l’exercice démocratique, savent pertinemment leur beau pays est une destination touristique, une source de revenus et qu’ils doivent prendre soin pour faire bonne presse.  

Tout le contraire du côté algérien, tout se résume en deux mots : la « hogra » politique et « harraga », communément dans le jargon algérien, désignent « le mépris » pour le premier et pour le second « brûle : dans un sens en bravant la règle », c’est-à-dire forcer le passage, tout simplement prendre le large en traversant la Méditerranée avec espoir de trouver son salut.

Le « harrag » n’est qu’une traduction d’un climat général politique, économique et social engendré par une gestion irrationnelle, voire clientéliste, en privatisant l’État. Cette privatisation de l’État a exclu le citoyen de la vie active dans la cité en le transformant en un sujet voire un esclave d’une caste monarchique.

Sans une véritable démocratisation du pays, la Méditerranée va demeurer cet espace qui symboliserait cette possibilité d’accéder à une rive qui pourrait prendre en charge les rêves voire les rêveries des jeunes révoltés.

En choisissant l’Europe comme destination, le choix n’est pas fortuit, car elle incarne cette démocratie dans laquelle le jeune pourrait traduire sa vision du monde moderniste. Pendant que les pouvoirs en place importent des idéologies rétrogrades, le « harrag » a choisi son projet de société tourné vers la modernité et le progrès. Cette décision irrationnelle de risquer sa vie pour un autre monde n’est pas ce signe de désespoir, mais aussi une expression politique du rejet des choix idéologiques adoptés depuis l’indépendance à travers le système éducatif obsolète axé sur l’arabisation pendant que leurs progénitures fréquentent jusqu’à présent les écoles et universités occidentales.  

M. M.

(1) : https://www.liberte-algerie.com/actualite/cest-la-faillite-des-etats-qui-pousse-les-jeunes-a-partir

Auteur
Mahfoudh Messaoudene

 




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