23 novembre 2024
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Les zélés du vieux monde

Débat

Les zélés du vieux monde

« Le vieux monde se meurt », comment dirait Gramsci, mais il ne le sait pas. Et pourtant quand on voit et on entend les aberrations qui se disent ou se font chez nous, on a le vertige. Oh pas le vertige dû à l’ivresse des merveilles du monde ou celui de l’amour.

Non, c’est celui qui aspire les gogos dans le trou noir de l’univers livré au silence des cimetières et aux noirceurs des ténèbres. Inutile de faire la liste des mots et aberrations en question. Je me bornerai à signaler quelques mots ou expressions de ce vieux monde qui ne veut pas nous lâcher les baskets pour qu’on puisse respirer et chanter un autre air qui sied à notre ère. Pour s’attaquer au vieux monde, il ne faut surtout pas utiliser les mêmes mots et les mêmes expressions.

Car le nouveau monde auquel on aspire, dixit encore Gramsci doit nous inciter à fouetter l’intelligence et l’esprit de création qui font rêver les hommes à la conquête de nouveaux horizons. Or une certaine catégorie de ces ‘’élites’’ d’aujourd’hui qui tiennent le haut du pavé, d’ici et d’ailleurs, ont tourné le dos à ce genre d’ambitions. Ils préfèrent continuer de fourguer les vieilles idées de ce vieux monde engoncé dans des habits des lieux communs et du mépris. Le drame pour les ‘’élites’’ du vieux monde de l’Occident, c’est leur formatage par une éducation étriquée et la peur de perdre leurs privilèges.

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Quant aux pays récemment libérés du vieux monde en question, beaucoup de leurs ‘’élites’’ plongent tête baissée dans les marécages de la vieille idéologie réactionnaire. Ça ne se voit pas tout de suite. Mais leurs textes et leurs ‘’analyses’’ sont parsemés de mots  et de notions qui trahissent leurs idées creuses, surannées, caduques et carrément méprisantes. Ils pensent que les mots sont ‘’neutres’’ et qu’ils peuvent en faire ce qu’ils veulent. Hélas pour eux les mots ont une histoire et ne sont pas manipulables si facilement.

Jouer avec les mots est un ‘’privilège’’ des poètes soucieux de donner plus de sève à des mots banalisés par la routine langagière ou par le détournement du sens par des charlatans travaillé par le mépris de classe. Et leurs mots ne sont que la manifestation de complexés voulant se démarquer et oublier leur origine sociale dont ils ont quelque peu honte. Quels sont ces mots que l’on rencontre ici et là au milieu de phrases et d’analyses qui se veulent originales et percutantes ? Un de ces mots, el ‘’ghachi’’ (un magma de gens) a collé à la peau d’un homme politique bien de chez nous. Il le traine derrière lui comme une bruyante casserole qui transforme ses écrits en psalmodies dénuées de tout intérêt.

D’autres évitent de l’utiliser et lui préfèrent le mot ‘’Populace’’ dérivé de population dans la langue de Molière. Il y a enfin cette expression ‘’régression féconde’’ utilisé par un zélé de formules et qui a sonné dans ma tête en ‘’la bête immonde est encore féconde’’ (formule de Brecht contre le fascisme). Ces gens-là n’ont même pas l’excuse de faire appel à de l’argot. Car l’argot est un langage pour à la fois habiller des mots d’une certaine poésie et les différencier du langage dominant. Ainsi le mot ‘’argent’’ se traduit dans le langage populaire par ‘’blé’, ‘’tune’’ ‘’flousse’’ (dérivé de l’arabe populaire) etc.

Les mots ont donc une histoire et concourent à la construction d’un statut social et par extension d’un certain pouvoir. (1). Ce dernier donne ainsi une aura qui engendre chez certains de l’arrogance. C’est pourquoi, le rêve de ces gens-là, c’est d’accepter d’être à la fois jouet et serviteur du système dominant. Le rêve de leur vie, c‘est de sortir de l’anonymat d’el ‘’ghachi’’ pour rejoindre les rangs des ‘’chorfas’’ (nobles). De nos jours, c’est de faire partie ou de ressembler à ‘’l’élite’’ de cet Occident qui fascine.

Regardons maintenant du côté des outils ‘’conceptuels’’ qui servent de socle à leur ‘’philosophie’’. On trouve un concept vieux comme l’origine du temps, celui de la nature ‘’humaine’’. Pour justifier ou fermer les yeux sur des choses révoltantes, ces zélés n’ont qu’un mot à la bouche, c’est normal ça fait partie de la ‘’nature humaine’’. L’utilisation de cette notion quand l’humanité naissante voguait dans l’ignorance en se cherchant,  quoi de plus normal. En ce temps-là, il était plus facile de survivre en n’affrontant pas directement la Nature. Mais depuis la découverte du feu et de l’agriculture et de l’écriture, l’homme s’est libéré  du poids et de la terreur de la dite Nature. Pourquoi donc cet attachement à ce concept de nature ‘’humaine’’ si ce n’est pour nier le mouvement de la vie elle-même. La négation de ce mouvement arrange tellement de gens d’une certaine catégorie sociale, nés avec une cuillère en or dans la bouche.

Pour Oscar Wilde, poète, la vie imite l’art bien plus que l’art n’imite la vie. Tout est dit dans cette phrase. L’art est ce fruit précieux et délicieux dû à cette conjugaison de l’intelligence, de l’imagination et du travail concret propre à l’homme lequel a ainsi transformé son environnement pour perpétuer la vie, sa vie. Ce que dit Oscar Wilde, ce n’est pas autre chose que le lien dialectique entre le travail abstrait et le travail concret.

Enfin le dernier péché mignon des vieilles idéologies qui ne veulent pas bénéficier des lumières de l’art, c’est d’être prisonnier de la règle de comparaison entre des situations ou des phénomènes qui entretiennent en apparence des liens entre eux. Ces gens qui confondent comparaison et corrélation (similitude, rapport etc) devraient réviser leur vocabulaire. Tout le monde sait que comparaison n’est pas raison, mais certains persistent à appliquer cette règle qui séduit des paresseux.

Le lecteur qui maîtrise l’intelligence d’une situation s’aperçoit très vite que l’auteur de la règle de comparaison prend des libertés avec la réalité. Celle-ci, outre l’époque historique obéit à de multiples facteurs qui ne jouent pas la même fonction et n’ont pas le même poids dans le phénomène étudié. Je prendrai un exemple, celui de la Palestine qui est victime de la règle stupide de comparaison. Cette règle qui a fait appel à une inflation de mensonges, de mépris et qui cautionne le déni de la réalité et de l’histoire dans le but de refuser d’appliquer à la Palestine la notion de colonisation. Cette notion fait dresser les cheveux des sionistes et de leur affidés. Leurs arguments ? Non Israël n’est pas l’Algérie, donc pas de colonisation. Pourquoi ? Parce que les Juifs reviennent à leur terre promise. Promise par qui ? Par dieu pardi c’est écrit dans la Bible.

La Palestine c’est une terre sans peuple pour un peuple sans terre. Ah bon les millions d’habitants chassés de leur pays par la terreur (Dar Yacine), ils descendent de Mars ! C’était un désert nous l’avons transformé en paradis. Ah bon le Néguev est toujours un désert. Israël est une démocratie entouré d’un océan de dictature. Et les Arabes israéliens, citoyens de second collège raffolent de leur statut n’est-ce pas etc… Voilà le chapelet de mensonges d’où suintent l’ignorance, la bêtise et la veulerie des zélateurs. Quand bien même cette terre eut été promise par dieu en personne et devenue un paradis grâce à la pluie de dollars déversés par l’oncle Sam et la diaspora juive, pourquoi un peuple mérite t-il d’être puni, chassé, massacré et enfermé à Gaza dans une prison à ciel ouvert.

Au nom de qui et au nom de quoi ? La stupide règle de comparaison ne peut pas répondre à cette réalité historique. En revanche l’analyse qui repose sur les faits historiques dans le contexte du phénomène colonial du 19e siècle range le sionisme comme une entreprise coloniale facilitée par la puissance mandataire de l’époque, l’Angleterre… Tout le reste n’est que littérature de salon mais à la fin la Littérature finit par répondre aux questions de l’histoire

J’ai commencé cet article en citant Gramsci. A son époque l’intelligence n’avait pas abdiqué devant le mensonge. Hier les défenseurs du système en crise avaient comme adversaires des gens de la trempe de Gramsci. Pour l’heure, le système est arrivé à étouffer des voix dissonantes et laissent s’agiter des ‘’élites’ pas du tout dangereuses car elles empruntent des chemins inondés par la logique des apparences qui lui sied à merveille.

A.A

Note

(1) Pouvoir social : des études ont été faites et ont montré que les gens dont le vocabulaire ne comporte que quelque 400 mots sont marginalisés. Le lien entre statut social et pouvoir social saute aux yeux dans des sociétés d’aujourd’hui de plus en plus complexes.

Auteur
Ali Akika. cinéaste

 




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