Samedi 1 mai 2021
El-Djida Tameqrant : « Err-as tili » à l’artiste tombée dans l’oubli
El-Djida Tameqrant fait partie de ces artistes qui, malgré le souffle donné à la chanson traditionnelle kabyle, sont tombés dans le gouffre vorace de l’amnésie collective.
Pourtant, quelques-uns des refrains de ses chansons comme « Err-as tili » ont été repris par des statures de la dimension de Matoub Lounes. Ce dernier avait transformé le « Err-as tili d neţţa ay tesεa d lwali » d’origine en « Erras tili a d-iqegel u Djazaïri ». La rime est quasiment la même, mais les registres sont différents.
Même si le temps assassin a précipité ces joyaux de notre patrimoine culturel dans l’oubli, il est de notre devoir de les faire connaitre à la génération actuelle afin qu’eux-mêmes s’en saisissent pour les transmettre à leur tour si tant est que l’éradication programmée de notre culture n’atteigne pas le point de non-retour que nous redoutons tous.
El-Djida Tameqrant a été la seule chanteuse kabyle, me semble-t-il, à avoir eu droit au titre de Cheikha. C’est dire le respect dont elle jouissait auprès des artistes et le public de son époque.
Biographie (*)
El-Djida Tameqrant, de son vrai nom Mhenni Mebrouka, est née le 04 juillet 1912 dans le village de Ras-n-Tala, dans la wilaya de Sétif. Sa voix raisonnait comme les pierrailles de la montagne qui l’a enfantée et ses mains agiles tambourinaient avec brio, dès sa tendre enfance.
Djida vécut une dure enfance dans son douar de Kabylie, et comme toutes les femmes, elle s’acquittait des tâches ménagères quotidiennes tout en ayant, dès son jeune, une grande passion pour les mélodies et les poèmes qu’elle aimait écouter lors des cérémonies et fêtes familiales.
Dès l’âge de 12 ans, la musique s’est incrustée dans ses veines. Elle commençait déjà à animer des fêtes entre femmes (Urar), au grand bonheur de la gente féminine locale qui aimait entendre sa voix suave. C’est au début des années 1940 qu’elle quittera son village pour s’installer à Alger. Elle épousera un homme qui comprenait son amour pour la chanson et qui l’encourageait à faire éclater son talent. El Djida Tameqrant intégrera le groupe de femmes qui chantaient dans une émission de la Radio de l’époque, animée par Cheikh Noureddine. Elle accompagnera ce dernier dans plusieurs duos.
Son riche parcours est jalonné de succès avec, à la clé, une centaine de chansons, dont les plus célèbres sont « Am-yiḍ am-as », « Err-as tili », « Nekini ad-ṛuḥ-aɣ », « Boulaɛyun », « Al musiw », ou encore « Inas ma-adassen », « Askab ajdid », « A chikh l-kadi », « Wah a ɛomri wah » et tant d’autres.
Sa notoriété durera jusqu’à la fin de la guerre. La mort de son mari, dès les premières années d’indépendance la pousse à se consacrer entièrement à ses quatre enfants.
Elle meurt, comme la plupart des artistes de sa génération, dans une indifférence absolue, à Belcourt, où elle habitait depuis son installation à Alger. C’était en 1992, elle avait 80 ans.
À sa mémoire, nous vous retranscrivons son titre phare « Err-as tili », suivi de la piste audio. La chanson parle d’une femme d’émigré restée au bled, et qui invoque les saints pour que son bien aimée soit protégé de toutes sortes de calamités.
Mot à mot « Err-as tili » signifie « mets le à l’ombre », c’est-à-dire protège-le ! Encore une métaphore pas facile à décoder si l’on n’est pas berbérophone. Pour preuve, le « Err-as tili a d-iqegel ou djazaïri » de Matoub ne signifie pas du tout la même chose puisque, dans ce cas, c’est l’expression « mets à l’ombre l’algérien pour qu’il se prélasse dans sa torpeur » qui s’en rapproche le plus.
El-Djida et Matoub auraient été fiers de voir le peuple enfin sortir de la torpeur dans laquelle on l’a précipité des décennies durant !
(*) Texte s’inspirant de https://www.depechedekabylie.com/culture/131065-djida-une-artiste-oubliee/
Err-as tili
Atayen deg Fṛansa a deg Fṛansa
Yecεel agaṛṛu s walim
A ţiliḍ d yellis n laṣel d yellis n laṣel
A ţ-ḥezzveḍ iymawlan-im
A lɣuṛva teḥkem fell-as teḥkem fell-as
Yak yeǧǧa y-am- d axxam-im
Ah err-as tili err-as tili
I win ixeddmen fell-i
Ah err-as tili err-as tili
D neţţa ay tesεa d lwali
Ah err-as tili err-as tili
D neţţa ay tesεa d lwali
Atayen deg Fṛansa a deg Fṛansa
Yecεel agaṛṛu s tmes
A ţiliḍ d yellis n laṣel d yellis n laṣel
A ţ-ḥezzveḍ i wexnunes
A lɣuṛva teḥkem fell-as teḥkem fell-as
Yak yeǧǧa y-am-d amwanes
Ah err-as tili err-as tili
I win ixeddmen fell-i
Ah err-as tili err-as tili
D neţţa ay tesεa d lwali
Ah err-as tili err-as tili
D neţţa ay tesεa d lwali
Atayen deg Fṛansa a deg Fṛansa
Yecεel agaṛṛu ar ukanki
A ţiliḍ d yellis n laṣel d yellis n laṣel
A ţ-ḥezzveḍ i nekkini
A lɣuṛva teḥkem fell-as teḥkem fell-as
Yak yeǧǧa y-am-d lwali
Ah err-as tili err-as tili
I win ixeddmen fell-i
Ah err-as tili err-as tili
D neţţa ay tesεa d lwali
Ah err-as tili err-as tili
D neţţa ay tesεa d lwali
Atayen deg Fṛansa a deg Fṛansa
Yecεel agaṛṛu s tuga
A ţiliḍ d yellis n laṣel d yellis n laṣel
A ţ-ḥezzveḍ i tagara
A lɣuṛva teḥkem fell-as teḥkem fell-as
Yak yeǧǧa y-am-d dderya
Ah err-as tili err-as tili
I win ixeddmen fell-i
Ah err-as tili err-as tili
D neţţa ay tesεa d lwali
Ah err-as tili err-as tili
D neţţa ay tesεa d lwali
Ah err-as tili err-as tili
I win ixeddmen fell-i
Ah err-as tili err-as tili
I win ixeddmen fell-i