Dimanche 27 décembre 2020
Lounis Aït Menguellet revisité : « Avehri » c’est toute une philosophie
Bien que ne faisant pas partie des grands succès de Lounis Aït Menguellet, le titre Avehri du monumental Ammi, sorti en 1983, mérite le détour.
Mot à mot Avehri signifie brise mais pour des raisons faciles à deviner quand on a lu la traduction ci-après, nous lui préférons le mot vent (se traduisant par adhu en kabyle) car la chanson parle du vent justement, un vent singulier et sournois facile à décrypter.
Dès les premiers couplets on en saisit toute la philosophie. Une philosophie déjà bien creusée dans l’album précédent, avec le très populaire Ettes ettes mazal el-hal. À la différence que Ettes ettes décortique des contours spécifiques à l’Algérie, alors que Avehri a une connotation universelle indéniable. Notre poète s’adresse aux hommes au sens générique, c’est-à-dire à l’humanité dans son ensemble.
C’est dire la maturation et le recul avec lesquels les textes sont élaborés par Lounis Aït Menguellet. Que l’on soit né juif, chrétien, bouddhiste ou musulman b’seif, on puise dans Avehri cette lucidité qui manque tant à ces va-t’en-guerre toujours prêts à s’exciter et suivre des chants de sirènes fallacieux (l’exemple d’un Donald Trump galvanisant moult foules pour inverser les résultats de l’élection 2020 en est le plus probant). C’est le drame de l’humanité depuis que le monde est monde. Il suffit qu’une petite minorité excitée se laisse entraîner par un panurgisme aveugle pour que tout bascule dans la folie et l’horreur.
Le monde meilleur dont rêvent les majorités ne pointe malheureusement pas à l’horizon de ces lendemains incertains.
Petite pensée à Chaâvane, un ami d’enfance qui avait lancé à l’écoute de Avehri : choukagh, taqsit-agui ghaf’elboun-diou itsid’yawbi Lounis à Velka !? Dans le mille à Chaâvane aghma !
« Avehri », vent sournois
Oh vent sournois
Dis-nous qui tu es
Ne me connaissez-vous donc pas
Vous croyez tous en moi
C’est vous qui m’avez créé
C’est vous qui me créez
Quand vous êtes déroutés
Celui qui s’égare de ses trajets
Fait appel à moi
Que puis-je donc accomplir
Tout ce que moi je sais
Vous le savez aussi
Je ne puis rien faire
De facile ni de difficile
Oh vent sournois
Tous en toi nous croyons
Tant qu’en moi vous croyez
Vous devez avoir un osselet
Planté dans le cervelet
Quiconque croit en moi
Se fait du tort à lui-même
Les racines du mal sont en vous
Sans relâche vous les irriguez
Tout ce qui apparait
C’est vous qui l’implorez
Une fois dénommé
Contre vous il s’est retourné
Et repart là où il était
Oh vent sournois
Où est la lumière
À chaque fois qu’elle jaillit
Vous vous endormez
Quand survient l’obscurité
Vous vous réveillez
Même les saisons vous les brouillez
Quand jaillit la lumière
Vous cherchez l’obscurité
Quand vient l’obscurité
C’est la lumière que vous réclamez
Ce que vous ne cessez de chercher
Vous ne l’avez pas encore compris
Devant vous il est peut-être tapit
Vous ne le voyez pas
Oh vent sournois
Sur nous ne veilles-tu pas
Celui qui me croit sur lui veiller
Quand son dû pointera
Glacé il l’avalera
Celui qui me croit sur lui veiller
N’est qu’un dadais il fait pitié
Quand il cherchera ce qui lui revient
Il ne le trouvera point
Si vous me laissez sur vous veiller
Sans fondements vous édifiez
Un jour sur vous le mur s’écroulera
Plus personne ne survivra
Oh vent sournois
Tu as tout brouillé
Celui qui rêve qu’il atteint ses fins
Qu’au réveil on a maraudé son butin
C’est moi qu’il accuse du larcin