22 novembre 2024
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Fenêtre ouverte sur la ville

REGARD

Fenêtre ouverte sur la ville

« Ni le feu ni la glace ne sauraient atteindre en intensité ce qu’enferme un homme dans les illusions de son cœur. » Scott Fitzgerald, Gatsby le magnifique

Le temps n’est ni fixe ni filant, il est flottant et incertain. On dirait que les aiguilles de l’horloge se sont mises en berne. Le temps est hésitant, il a peut-être été révoqué. Il ne court pas, ne s’endort pas, ne se repose même pas. Il a peut-être oublié de se mettre en marche comme il l’a toujours fait depuis la naissance du monde, depuis des temps immémoriaux. Le temps manipule les êtres et les choses. Il s’active et se dépêche mais se laisse conter fleurette en s’assoupissant en chemin. Cependant, il n’oublie pas de semer des petits cailloux pour retrouver son chemin.

Le genre humain, d’ordinaire tellement impatient, s’offre depuis quelques semaines une récréation. Il s’accorde une trêve. Notre planète, d’habitude si expéditive, retient maintenant son souffle. Étonnamment, son cœur ne bat plus au rythme apaisé qu’elle s’est habituée à produire. Notre monde est, plus que jamais, submergé. Il vit au rythme d’un surmenage que nul n’avait prévu jusqu’à présent. La ville est moins habitée que d’habitude, moins fréquentée, moins écrasée par le piétinement quotidien. Ou les gens ne sortent plus comme avant. Ils ont, peut-être, déserté vers d’autres endroits plus propices au recueillement.

Le monde est brinquebalé, il est ballotté entre le silence et le chuchotement. Il titube malgré lui. Une chape de plomb s’est abattue depuis trois semaines sur la ville. Plus aucun souffle d’air, plus de cris de gamins, plus de klaxons intempestifs – seulement un murmure ininterrompu. Nul ne sait encore combien de temps durera cette réclusion que les femmes et les hommes se sont infligés.

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À l’évidence, nous vivons dans un endroit en dehors du temps. Une atmosphère ouatée qui submerge tout ce qui nous entoure. L’extrême lumière est de la partie. Un arrêt impromptu dans le tohu-bohu qui nous prenait du lever au coucher du soleil. Nous vivons comme une suspension du temps. L’air lui-même est chargé de suspension.

Le regard se tourne vers ce qui a de plus personnel et l’attente de quelque chose que nous ne saurions décrire est ce qui nous perturbe. Instants inestimables où les gestes les plus simples deviennent des projets à mettre en place dès la levée des perturbations. Prendre un verre avec Philippe boulevard de la Villette, se retrouver avec Mohamed du côté de la Bastille pour déguster de magnifiques pâtes aux truffes et exceller dans les médisances envers ceux que nous n’aimons pas, essayer de faire sortir de leur séance de football mes merveilleux Amine et Ayman, déguster un Mojito avec la magnifique Hala rue Mazarine…

Il va falloir résister au temps fixe et au temps qui ne se presse pas. Il va falloir ouvrir les fenêtres que l’hiver a barricadées. Il faut s’obliger à dormir la nuit et s’activer le jour. Se défaire de l’angoisse difficile à gérer quand on se retrouve seul et qu’il n’est pas possible d’aller voir ou de recevoir sa progéniture. Il faut penser aux autres, se souvenir des belles choses, prévoir des séances de câlins avec ceux que l’on aime et qui nous manquent. 

Il faut juste ouvrir la fenêtre sur la ville et laisser rentrer toutes les belles pensées qui nous obsèdent, celles de l’amitié indéfectible et des discussions à n’en plus finir lorsqu’il sera temps de rencontrer Hala, Mohamed et Philippe, celles de l’amour que nous avons pour les nôtres et pour les autres. Et ne pas se laisser submerger par les mauvaises pensées inhérentes à ce genre de situation….

Auteur
Kamel Bencheikh, écrivain

 




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