Jeudi 13 juin 2019
“Un Dandy en exil”, une première compilation consacrée à Mohamed Mazouni
© Capture d’écran Youtube / Born Bad Records
Le label Born Bad Records sort une compilation de référence consacrée à Mohamed Mazouni, chanteur algérien, exilé à Paris de 1969 à 1983. L’album se concentre sur sa période d’exil en France et mêle des influences variées, faisant se rencontrer la musique traditionnelle algérienne, le rock’n’roll et les yéyés.
Écoute-moi camarade chantait au début de sa carrière Rachid Taha, décédé en septembre dernier. La chanson devient un symbole, un pamphlet, une critique acerbe d’une France peu intégratrice envers ses immigrés. Pourtant lorsque Taha le chante en 2006, le texte a déjà plus de 30 ans. Son auteur original : Mohamed Mazouni, chanteur algérien oublié, qui bénéficie cette année d’une belle compilation initiée par le label Born Bad Records et intitulée “Un Dandy en exil (Algérie-France – 1969-1983)”.
Une première compilation pour le dandy algérien
C’est la premiere fois que l’oeuvre de Mohamed Mazouni est compilée en un album. Le label Born Bad Records a regroupé dans une compilation d’une quinzaine de chansons tous ses hits, tels que Ecoute-moi camarade, Adieu La France ou encore Tu n’es plus comme avant et des titres plus confidentiels et rares tels que Bleu Délavé ou Daag Dagui. Mazouni est un artiste à part, dont les références puisent autant dans la musique traditionnelle berbere avec ses mélodies intégrant le derbouka et la cithare, mais aussi dans le rock et le twist. Son style de dandy raffiné et élégant détonne avec le ton résolument critique et acerbe de ses chansons. Mazouni dénonce, avec sa petite voix et ses belles manieres. Il dénonce l’atmosphere de la France des années 70 et son attitude face aux immigrés maghrébins.
Des chansons qui racontent l’exil, entre Paris et Alger
Après le coup d’Etat de Houari Boumédiene, Mazouni quitte l’Algérie pour se réfugier à Paris en 1969. C’est sur sa période française, qui dure jusqu’en 1983, avant qu’il ne regagne son pays et sa ville natale de Blida, que se concentre cette compilation.
Il y chante alors l’exil depuis Paris, la solitude loin de ses proches, l’atmosphère raciste de la France des années 70, et porte alors un regard, souvent peu tendre, sur les moeurs françaises de l’époque. Il y évoque l’infidélité, le mariage mixte ou encore la prostitution. “Toi debout devant la porte ! C’est combien la passe ? Je ne monte pas avec toi parce que tu es un Arabe. Regardez-moi cette salope, raciste même quand il s’agit d’amour tarifé…” chante-t-il dans L’Amour Maak.
C’est sur la scène de petits cafés, tenus par d’autres immigrés maghrébins comme lui, que Mazouni fait ses débuts à Paris, entre Nation, Belleville, Barbès et Bastille dans les années 70. 50 ans plus tard, l’écho de ses chansons résonne toujours avec la meme intensité, mais a troqué les troquets parisiens contre le meilleur des écouteurs et enceintes bluetooth. Une belle façon de rendre hommage à celui qui chantait la difficulté à s’intégrer. C’est désormais, loin de la France, de retour en Algérie, que Mazouni chante et compose.
Mazouni Un Dandy en exil (Algérie-France 1969-1983) Born Bad Records 2019