Dimanche 2 décembre 2018
Mohamed Sekat : l’étoile des cieux
Humble et modeste, et sans aucune fioriture déguisant sa personne, Mohamed Sekat abusait plutôt, en visant l’idéal, dans sa façon de composer ses mélodies et de rimer sa poésie.
L’art était pour lui un monde à part, il était cet univers où confluaient les mésententes verbales et les ententes conciliables pour à la fin s’ouvrir sur l’amour du partage où l’altruisme portait les couleurs de son empathie et les reflets de ses discrétions.
Mohamed Sekat s’en est allé le 19 novembre 2018 à 66 ans à Tixeraïne, son village natal perché sur les hauteurs de Birkhadem, à dix kilomètres d’Alger-Centre.
Souffrant d’un isolement forcé causé surtout par l’altération de sa santé, le voici parti avant l’âge des suites d’une longue maladie. De son vivant, il ne cessait de se projeter dans la retenue et l’effacement, ainsi était donc sa propre modestie. Discrets étaient ses jours meilleurs, discret était son dernier jour : sa philosophie sur l’existence était celle qu’il souhaitait projeter sur le jour de son déclin.
Dans son sens connoté et métaphorique, sa romance universelle « Taninna » (« Thaninna », une aigle en français) est fredonnée par nous tous, car, même si elle est destinée à la femme en l’invitant à se rebeller contre les injustices orchestrées, soutenues par le sexisme et la domination masculine, elle est aussi un appel aux jours s’écoulant tacitement devant la réalité d’un miroir qui ne trompe jamais : la fermeté face à la ternissure ; la vigueur face à la langueur.
Immense et valeureux, Sekat Mohamed était auteur-compositeur et interprète. Il était l’un des fondateurs du groupe Issoulas créé en 1973.
Après l’avoir quitté en 1977/78, il composa « Taninna » en la chantant d’une voix sublime, celle qui fut d’ailleurs pour lui un refuge moral. De ce réconfort naquirent d’autres chansons, et en 1985 et dans un style toujours moderne et développé à sa manière, Sekat décida de donner de l’ombre à ses mélodies en n’enregistrant que huit titres déposés à la radio Chaîne 2.
Chez lui et dans son silence, il nourrissait le souhait de rechanter un jour sa chanson phare « Taninna » en langue française, celle traduite par Tahar Djaout de son vivant, mais voilà que le destin en a décidé de bifurquer les rimes auxquelles deux âmes s’étaient sacrifiées : l’un fauché par la horde sauvage et l’autre emporté par la maladie, les corps ensevelis, le verbe, le timbre de la voix et la mélodie en vie.