25 novembre 2024
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Passeport vert, cauchemars aux frontières (IV) : Paris-New-York-Baltimore

Mémoires d’un émigré

Passeport vert, cauchemars aux frontières (IV) : Paris-New-York-Baltimore

Au mois de juin 1996, quelques mois après ma soutenance d’habilitation (HDR), nous nous rendons à une conférence organisée à Baltimore. Conférence à laquelle je devais présenter une communication orale.

Nous sommes trois à nous y rendre. G. Stallion, P. Brillant et moi. Trois papiers à présenter ; après tout, c’était normal que nous nous y rendions à trois !

Nous voilà donc à l’aéroport Charles De Gaulle dans la zone de contrôle. La longue chaîne devant les contrôles aux passeports avance de façon continue, jusqu’à ce que je ne vienne tout arrêter ! Jusqu’ici tous les passeports étaient couleur rouge bordeaux mais voilà que surgit un passeport vert ! Yakhh ! 

Du coup, la file s’arrête et s’entasse. Tout le monde se penche pour voir qui est à l’origine de cet arrêt soudain !

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Eh oui, c’était « moua » avec mon passeport vert !

– Vous allez où ?

– Aux USA !

Le contrôleur prend un malin plaisir à tourner le document dans tous les sens avant de se résoudre à me dire : Ah ok, vous avez un visa ! 

Il me laisse franchir la zone internationale sans tamponner mon passeport (ce qui vaudra quelques remontrances au retour) ! De l’autre côté mes collègues gloussent de rire : -Eh oui tu ressembles à un terroriste avec ta moustache ! Moustache que je ne tarde pas à raser d’ailleurs, croyant me tirer d’affaires par la suite, sans bacchante !

Traverser l’Atlantique avec plus de 8h de vol est éprouvant. Heureusement qu’en ces temps d’opulence planétaire, la bière était servie gratuitement ! Pendant que les uns ronflaient, nous les insomniaques nous gavions de canettes en surveillant les étoiles et les galaxies qui défilaient à travers les hublots.

Avant l’atterrissage il faut remplir un document sur lequel vous devez répondre à certaines questions, simplement par oui ou par non. La simplicité à l’américaine :

– Avez-vous appartenu ou appartenez-vous un à un parti communiste ? 

– Avez-vous des plantes ? 

– Quel est le montant de vos cadeaux ? 

Et tutti quanti…

Connaissant tout ce tralala par cœur, j’avais rempli le formulaire en moins d’une minute, car toute l’astuce était de répondre non à chaque question, pour ne pas éveiller le moindre soupçon !

Nous voilà débarquant à New York. La queue s’effiloche petit à petit. Quand arrive le tour d’un petit groupe de deux ou trois voyageurs, le douanier s’emporte !

B… de m… vous ne savez pas remplir ce f…formulaire ! s’emporte-il sur ce groupe de Français !

Et là une boule se forme dans mon ventre. S’il est exaspéré contre les Gaulois comment va-t-il réagir face à un Nord-Africain basané et son passeport vert ?

J’avais envie que la queue s’éternise pour que n’arrive pas mon tour !

Mais voilà, il arriva !

Je tends mon passeport VERT avec le visa et le formulaire d’entrée.

-Que venez-vous faire aux USA ?

-Je viens pour une conférence !

-Une conférence sur quoi ?

-Sur les Lasers !

-Ah BON !? -son visage soudain devenant radieux- je vais me faire opérer des yeux et on m’a suggéré le laser, qu’en pensez-vous ?

Wouah ! du coup je deviens important !

– “Oh yes you should, it is safer and easier!” Oui, vous devriez, c’est plus sûr et plus simple.

– « Oh, thank You, I shall follow your advice » ! répond-il tout en tamponnant mon passeport avant de me le rendre et me souhaiter un bon séjour.

Et là, je me retourne vers mes collègues, sourire aux lèvres, question de leur signifier : ici je suis chez moi ! à vous de démontrer que vous n’êtes pas des terroristes Français !

Au-delà de nos communications qui se sont bien déroulées, c’était l’occasion de parler de mon avenir à l’EIST. Ce n’est même pas moi qui ai enclenché la discussion sur le sujet. Un soir, après une journée éprouvante, nous sommes partis crocheter quelques bières dans un bar. Au retour des toilettes, Stallion me tint à peu près ce langage : -Nou étions en train de nous dire (avec P. Brillant) qu’avec ton HDR, il fallait absolument te trouver un poste permanent chez nous pour continuer nos projets, mais le hic c’est que l’unique recrutement permanent qui sera ouvert c’est celui de mon départ à la retraite, dans 02 ans ! -Ben, j’ai attendu 6 ans, je peux bien attendre 2 ans de plus, répondis-je. Ce poste fut effectivement ouvert au concours en 1998, mais personne n’a appuyé ma candidature ! (*)  

Voyage retour vers l’aéroport Charles de Gaulle. Tout à l’air de bien se passer jusqu’à ce que je tende mon passeport à l’officier des douanes qui s’avère être une femme. 

-D’où venez-vous ? me lance-t-elle en me dévisageant comme on dévisage un terroriste. Il ne manquait plus que la barbe, aurait dit Fellag.

-Des USA ! repondis-je.

-Mais d’où êtes-vous parti ?

-Ben, d’ici, de Charles de Gaulle !

-Ah non, c’est impossible !! 

-Comment ça !? demandais-je, inquiet.

-Je ne vois aucun tampon de sortie sur votre passeport. 

Ben voilà qui est clair, comment rentrer en France alors qu’aucune trace ne prouve que j’en suis sorti ! Sacrée équation non linéaire à résoudre !

-Evidemment madame, c’est normal, tout simplement parce qu’à la sortie, votre collègue avait omis de tamponner mon passeport !

-Oui mais votre parole ne me suffit pas, enchaine-t-elle ! Il ne manquait plus qu’elle me dise : je vous renvoie à…Alger.

Je trifouille dans mes affaire et retrouve la souche du billet d’avion et le lui tend !

-Et ça, ça vous suffit ? demandais-je.

Elle arrête de grogner mais se crut obligée de rajouter :

-La prochaine fois, il faudra demander qu’on vous appose le tampon de sortie !

En d’autres termes, il m’appartenait de signifier aux contrôleurs de bien faire leur travail !

« Joli passeport vert, joli passeport vert, avec toi le monde est de travers ! » me suis-je mis à chantonner, sur l’air de « jolie petite Sheila », le premier tube de Sheila, dans les années 1960. (À suivre).

 (*)https://lematindalgerie.commes-combats-pour-la-survie-letranger-iv-avec-lema-gouilles-leist-ma-tuer

Auteur
Kacem Madani

 




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