Mercredi 10 mars 2021
La mémoire historique des camps de concentration préemptée
L’historiographie occidentale contemporaine concentre, sans jeu de mot, toute sa narration politique et sa pédagogie scolaire sur les camps de concentration nazis. Cette focalisation sur ces uniques camps de concentration n’est pas gratuite.
Elle se paye chère en termes de pauvreté historique. Cependant, elle permet l’enrichissement de certaines catégories de personnes par l’exploitation mémorielle lucrative de ce travestissement de l’histoire concentrationnaire.
Cette propagande tortionnaire sur les camps a fini par enfermer la mémoire historique universelle dans une vision mémorielle partisane, partiale, partielle, destructrice. Destructrice, car elle a anéanti de la connaissance, pour des raisons mercantiles inavouées et inavouables, tout un champ de l’histoire humaine délibérément occulté. Ce faisant, tout un pan de l’histoire des camps de concentration est escampé. Seuls sont campés sur les champs historiques, désertés par l’objectivité scientifique, les camps nazis.
Aujourd’hui, sur ce chapitre des camps, les historiens campent sur une narration mémorielle exclusiviste minée d’explosives contrevérités, barbelée de lois restrictives et liberticides. La recherche sur les camps de concentration est préemptée, domptée. Cette domestication de la recherche laisse le champ libre au camp de la falsification de l’histoire. Elle leur permet lucrativement d’enfermer l’histoire dans un espace fertile en manipulation idéologique, fécond en matière d’enrichissement pécuniaire ; fructueux de soumissions réflexives, d’assujettissement méthodologique, d’asservissement narratif doctrinaire.
Ainsi enfermée dans un champ favorable à la culture de l’ignorance, l’histoire des camps est fructueuse de rentabilité pour certaines notabilités jamais en peine d’inventivités narratives dénuées historiquement de crédibilité.
Depuis quelques décennies, la doxa concentrationnaire ne souffre aucun débat historique, ne tolère aucun questionnement philosophique, n’agrée aucune autre thèse ni un autre paradigme, n’autorise aucune autre recherche historique. Sa vérité historique lucrative s’impose comme une loi divine. De fait, cette narration mémorielle rémunératrice a fini par se graver dans le marbre historique de la société.
Chaque citoyen doit l’apprendre à l’école comme une prière religieuse. La réciter, telle une litanie républicaine laïque, tout au long de sa vie. Cette « narration mémorielle » dominante politiquement rentable dispose également de ses temples où viennent se recueillir et s’agenouiller les adeptes de la nouvelle religion mémorielle mercantile.
Ironie du sort, combien de ces adeptes enfermés dans leur dogme mémoriel concentrationnaire exclusiviste connaissent-ils réellement l’histoire des camps ? Ces zélateurs de la « doxa concentrationnaire » exclusiviste ignorent-ils que l’authentique histoire des camps a été phagocytée par les adorateurs du veau d’or.
En effet, contrairement à l’opinion communément répandue par la propagande occidentale, l’histoire des camps de concentration ne prend pas naissance en Allemagne nazie. La première apparition de la dénomination « camp de concentration » est l’œuvre des Britanniques d’Afrique du Sud durant leur guerre contre les Boers (Guerre du Transvaal, 1899-1902).
Dans ces devanciers camps de la première puissance économique civilisée de l’époque, l’Angleterre, les Britanniques internent femmes, vieillards et enfants des Boers et des membres de tribus indigènes alliées.
En ce qui concerne les Hottentots et les Boers, il s’est agi de véritables camps d’extermination. Et pour les Hottentots, du premier génocide de l’ère moderne. Pourtant, ces faits historiques sont méconnus, délibérément occultés par l’historiographie mémorielle vénale, banale, bancale.
A la vérité, Hitler n’a rien inventé en matière d’internement génocidaire : il s’est contenté de recycler de vieilles inventions concentrationnaires des pays démocratiques occidentaux.
Plus tard, les seconds camps de concentration sont construits en 1904 en Namibie pour éliminer le peuple Herero opposé à la colonisation et aux armées du chancelier Von Bülow. L’hécatombe humanitaire est effroyable : plus de 70 000 hereros morts dans les camps de concentrations (pour causes de malnutrition, mauvais traitements, maladie, exécutions sommaires). Ces populations internées sont également l’objet d’expérimentations anthropologiques, scientifiques. Elles sont transformées en cobayes pour des expériences médicales (le régime nazi, avec à sa tête le docteur Joseph Mengele, n’innove pas en la matière).
Au pays de la civilisation capitaliste royalement raffinée, le Royaume-Uni, l’expérience concentrationnaire est importée sur son territoire. En effet, en pleine Première Guerre mondiale, 32 000 étrangers (dont de nombreux Irlandais) sont internés dans des camps de concentration, notamment dans le champ de course de Newbury transformé en camp.
De même, sur le sol du pays des Droits de l’homme, à la même époque, durant la Première Guerre mondiale, la France utilise des camps de concentration pour y enfermer les ressortissants allemands, austro-hongrois et ottomans présents sur son sol. À cet effet, de nombreuses îles françaises de la Manche, de l’Atlantique et de la Méditerranée sont utilisées pour implanter des camps de concentration. La France réitère l’expérience à l’issue de la guerre d’Espagne par l’ouverture de nouveaux camps pour interner les réfugiés républicains fuyant le régime franquiste.
Plus près de nous, durant la Guerre de Libération nationale de l’Algérie, la France renoue avec ses vieux démons (Notamment, les sinistres enfumades où, dans les années 1844/1845, pour mater la résistance algérienne, l’armée française allume des feux à l’entrée des grottes où sont réfugiées les tribus résistantes. Dans le massif du Dahra, plus de 700 personnes meurent asphyxiées) en internant des centaines de milliers d’Algériens dans des camps de concentration (ne pas oublier que la France a exterminé 1,5 millions d’Algériens durant juste cette courte période de Guerre de Libération, sans compter le nombre de morts au cours de 132 ans de colonisation, estimé à 6 millions. 132 ans durant, l’Algérie est transformée en camp de concentration à ciel ouvert dans lequel le peuple algérien est réduit à survivre dans l’indigence sous le code de l’indigénat, décimé régulièrement par la famine, provoquée par la politique d’expropriation territoriale et d’exploitation génocidaire.
Pourtant, pour l’historiographie française négationniste, cette tragédie génocidaire séculaire demeure un détail de l’Histoire : « Dans l’imaginaire contemporain, le crime contre l’humanité est lié au nazisme. Qualifier sous ce terme cent trente-deux ans de souveraineté française sur l’Algérie est une accusation insignifiante, tant elle est excessive. », a écrit sans vergogne, sans risque d’encourir la moindre condamnation, l’historien français Jean Sévilla).
Dans la première démocratie mondiale, les USA, durant la Seconde Guerre mondiale, des milliers de civils japonais, d’asiatiques ou simplement Américains d’origine asiatique, sont enfermés dans des camps de concentration. Le Canada recourt aux mêmes méthodes d’internement concentrationnaire.
Quant à la politique d’extermination massive de populations, l’Allemagne n’innove pas en la matière. L’histoire est jalonnée de massacres collectifs. Qu’il nous suffise d’évoquer le génocide des amérindiens, des esclaves africains, des Arméniens, des Aborigènes d’Australie, le génocide des Algériens perpétré durant la colonisation française, le bilan sanglant du colonialisme belge au Congo, le massacre des Malgaches assassinés par l’armée française en 1947, la décimation des indonésiens au Timor-Oriental, le massacre et la spoliation du peuple palestinien, le génocide perpétré lors de la guerre du démembrement de la Yougoslavie, le génocide du Rwanda (avec l’implication de la France).
Sans oublier bien évidemment le Génocide des génocides, l’Holocauste des holocaustes perpétré par le capitalisme à notre époque moderne civilisée : à savoir le massacre annuel de millions de personnes, victimes des famines provoquées par ce mode de production capitaliste mortifère.
Quelle est la différence entre le génocide des Juifs et le génocide de ces millions de morts annuels, victimes de famines, de malnutrition, de maladies bégnines aisément soignables en Occident (toutes les cinq secondes un enfant meurt de faim, autant d’adultes, au total 25 000 êtres humains meurent de faim chaque jour, au bas mot 10 millions par an, 100 millions en l’espace de 10 ans nombre de morts appelé à se multiplier avec la crise économique et sociale actuelle accentuée par la pandémie du Covid-19) ?
La différence est de degré, non de nature. Dans les deux cas, c’est le capitalisme qui est responsable de leur mort. Excepté que les victimes des famines meurent à petit feu, dans l’indifférence générale, en pleine époque d’abondance alimentaire, de société de consommation, et en période de “paix”. De surcroît, les populations survivantes de ces pays meurtris par les famines génocidaires permanentes ne disposent pas de structures économiques dominantes pour influer sur le champ de l’historiographie mondiale, ni de cénacles médiatiques influentes sur la scène internationale pour monnayer leurs ‘‘droits mémoriels’’.
Aussi, pour quel motif ne s’alarme-t-on pas, ne se mobilise-t-on pas contre ce génocide humain actuel pour y mettre fin ? Qu’attend-on pour traduire devant le Tribunal de l’Humanité les responsables de ce génocide quotidien contemporain ?