23 novembre 2024
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L’intelligentsia : l’éternelle « chien de garde » du système (1) 

TRIBUNE

L’intelligentsia : l’éternelle « chien de garde » du système (1) 

«Oui, Messieurs, c’est la guerre entre les riches et les pauvres : les riches l’ont voulu ainsi ; ils sont en effet les agresseurs. Seulement ils considèrent comme une action néfaste le fait que les pauvres opposent une résistance. Ils diraient volontiers, en parlant du peuple : cet animal est si féroce qu’il se défend quand il est attaqué.» Louis-Auguste Blanqui – 1805-1881.  

Décidément, l’histoire bégaie.  Et l’intelligentsia éructe toujours autant bruyamment son mépris du peuple travailleur.  Elle vomit toujours avec autant de répulsion sa haine contre les classes laborieuses, particulièrement en période de soulèvements populaires, notamment comme lors du mouvement des Gilets jaunes. Ou, comme actuellement, de manière plus sournoise, contre les activistes hirakiens brocardés pour leur refus d’agréer la compromission de la majorité de l’élite bourgeoise algérienne avec le nouveau pouvoir recyclé porté aux nues par les « représentants autoproclamés du Hirak » en quête de sinécures et de prébendes. 

Les intellectuels organiques, ces parasites à la plume élitiste vénale, n’ont d’autre utilité sociale que de tresser des lauriers à leurs maîtres (les classes dirigeantes) et de se dresser avec hargne contre les classes populaires.  

Avec la révolte du mouvement des Gilets jaunes, les médias et les intellectuels organiques, ces voix de leurs maîtres, avaient dévoilé, avec des aboiements rhétoriques emphatiques, dans un lexique mordant pour le peuple et léché pour les puissants, leur rôle de Chien de garde de l’ordre établi. Leur aversion invétérée du peuple. Leur propension pavlovienne à se mettre au service des classes dominantes. 

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Durant toute la période de la lutte des Gilets jaunes, journalistes et intellectuels, ces clercs des temps modernes, avaient communié dans la même ferveur de la surenchère de propagande haineuse contre le mouvement, rivalisant d’ingéniosité pour le dénaturer, le discréditer, le diffamer. Pour distiller contre le mouvement les pires calomnies.

En Algérie, c’est à la faveur du durcissement de l’autoritaire régime recyclé que les douces et dociles élites algériennes ont dévoilé leur hideuse figure « harkie » contre le hirak défiguré par leurs coups de griffes infligés à la manière des chattes domestiques réputées pour leur combativité menée au moyen de miaulements d’obéissance.  

En France, à l’époque de la révolte des Gilets jaunes, même le multimillionnaire Bernard-Henry Levy avait pris l’initiative de publier une tribune au titre évocateur « L’Europe est en péril ». En termes moins hypocrites, le capitalisme est en péril. En défenseur invétéré du capital, dans ce texte, ce plumitif de salon s’alarmait de l’émergence des « populismes », autrement dit, des mouvements sociaux en lutte en Europe, notamment le mouvement des Gilets jaunes, dédaigneusement catalogué de raciste, d’antisémite, d’homophobe.

Dans sa croisade contre les mouvements populaires « antisystème », le richissime Bernard Henry Levy avait débauché une trentaine d’écrivains célèbres pour mener son opération de propagande et de calomnie contre les peuples révoltés. Conduits par ce calamiteux philosophe à la pensée polémologique ruisselant de sang vampirique et à l’activité nourrie d’affairements belliqueux macabres sur fond de fructueuses opérations financières, ces littérateurs avaient appelé à se mobiliser contre la « vague » populiste qui menacerait l’Europe.

Autrement dit, qui menacerait la stabilité des privilégiés de l’Europe, le règne des classes possédantes. 

Plus tard, dans une émission de télévision « On n’est pas couché », Bernard Henry Levy avait fustigé le mouvement des Gilets jaunes, qualifié de « mortifère » le mouvement et ses défenseurs de « populistes qui sont les profiteurs du désespoir, de la misère, pour casser la République et s’en prendre aux institutions ». Traduction : s’en prendre au capitalisme.  

Face aux « Gilets jaunes », les porte-paroles de la bourgeoisie s’étaient uniment tous rassemblés dans un front commun pour les fustiger, les qualifier de racistes, de fascistes, d’homophobes, de factieux. Mais aussi d’idiots. « Gilets jaunes : la bêtise va-t-elle gagner ? », se demandait Sébastien Le Fol dans Le Point (10 janvier 2019). Un autre intellectuel domestiqué, journaliste de son État, avait déclaré sur la chaîne du pouvoir BFM TV, « Les vrais “gilets jaunes” se battent sans réfléchir, sans penser ». Son confrère « de laisse » du Figaro Vincent Trémolet, avait écrit le 4 décembre 2018 : « Les bas instincts s’imposent au mépris de la civilité la plus élémentaire ». Voici quelques autres perles journalistes vomies par ces plumitifs de service dans leurs périodiques respectifs mais sûrement pas respectables : « Mouvement de beaufs poujadistes et factieux » (Jean Quatremer), « dirigé par une « minorité haineuse » (Denis Olivennes), s’apparentant à un « déferlement de rage et de haine » (Le Monde) dans lequel des « hordes de minus, de pillards » « rongés par leurs ressentiments comme par des puces » (Franz-Olivier Giesbert) libèrent leurs « pulsions malsaines » (Hervé Gattegno).  
 
Ainsi, à l’occasion du surgissement de cet inédit mouvement de masse des Gilets jaunes, l’intelligentsia avait dévoilé sa véritable fonction d’auxiliaire intellectuelle servile de la classe dominante. Journalistes, intellectuels et membres de la classe dominante, toute cette mafia élitiste officielle, s’étaient ligués pour pilonner le mouvement des Gilets jaune. Les journalistes, à coups de projections informatives insidieusement anti-mouvement gilets jaunes ; le pouvoir, à coups de projectiles balistiques handicapants ; les intellectuels, à coups de projets de mobilisation de l’armée et de l’incitation de la police à user de leur arme contre les gilets jaunes.  

En effet, d’aucuns avaient appelé le gouvernement Macron à mobiliser l’armée pour rétablir l’ordre. À l’instar de l’intellectuel organique, Luc Ferry, frère d’arme de Bernard Henry Levy, professeur de philosophie et ancien ministre, qui avait défrayé la chronique en sommant les policiers à faire usage de leurs armes. Luc Ferry avait demandé à la police de tirer à balles réelles contre les Gilets jaunes lors des manifestations. « Qu’ils se servent de leurs armes une bonne fois, ça suffit », avait-il déclaré lors d’une émission radiophonique intitulée « Esprits libres » (Cela ne s’invente pas. Esprits libres… de massacrer le peuple quand il se révolte contre son esclavage). Mais aussi en exhortant l’armée à intervenir contre le mouvement des Gilets jaunes. Autrement dit, à écraser dans le sang ce mouvement. « On a la quatrième armée du monde, elle est capable de mettre fin à ces saloperies », s’était-il exclamé sur un ton furibond empli de haine de classe.   

La dénonciation génocidaire des Gilets jaunes par Luc Ferry n’était pas le délire d’un esprit égaré, psychopathe, mais la pensée profonde de ces « Esprits libres » (thuriféraires de la démocratie des riches), de la majorité de cette intelligentsia décadente, et de ses maîtres, la classe dominante bourgeoise. Cette dernière, incapable d’appliquer d’autre politique pour protéger ses privilèges, notamment par la « redistribution des richesses », impossible en cette période crise systémique, avait envisagé officiellement de recourir à l’armée pour réprimer et enrayer la révolte des Gilets jaunes. Au reste, dans l’urgence, elle avait blindé son régime répressif par le vote de lois despotiques.

À cet égard, il est utile de rappeler que le budget alloué à la répression étatique a agressivement augmenté. En France, les dépenses en équipements et matériels des forces de police et de gendarmerie « ont progressé de 181% entre 2012 et 2017, passant ainsi de 132,4 millions d’euros à plus de 372 ». Depuis lors, il a encore été considérablement augmenté. Le budget de l’armée et de la police est le seul à ne pas connaître la crise, comme dans tous les pays, notamment en Algérie. 

Ce ton haineux de l’élite contre le peuple rappelait curieusement celui des écrivains de l’époque de la Commune engagés de manière enragée contre le mouvement de révolte des communards. 
En effet, historiquement, ce déversement de haine contre le peuple révolté s’était déjà produit au cours de la Commune de Paris.  

La Commune est cet événement historique où le peuple parisien s’était emparé du pouvoir. Effectivement, du 18 mars au 21 mai1871, le pouvoir avait été concentré entre les mains du peuple. Au cours de cette phase révolutionnaire, la Commune avait gouverné dans la ville de Paris. La Commune avait organisé la société dans l’unique intérêt du peuple. Elle avait été le premier « État ouvrier », première expérience de l’autogestion populaire. Durant cette éphémère période de prise de pouvoir par le peuple, la classe dominante, réfugiée à Versailles, avait déployé tous les moyens meurtriers pour récupérer les rênes de son pouvoir. Jusqu’à se compromettre avec l’Allemagne de Bismarck, la veille encore combattu sur les champs de bataille.  

La Commune de Paris avait immédiatement donné lieu à des réactions véhémentes. Tout ce qui comptait en France d’écrivains et d’intellectuels avait manifesté pour le mouvement et pour ses protagonistes une haine assassine. Toute ressemblance avec l’intelligentsia contemporaine déchaînée contre le mouvement des Gilets jaunes n’était pas fortuite, comme n’est pas fortuite l’entreprise de dénigrement et de torpillage politique du mouvement hirakien actionnés par certains intellectuels algériens dévorés d’ambitions gouvernementales.  

Contre la Commune de Paris, la bourgeoisie, effrayée par la mise à mal de l’ordre social, avait trouvé aussitôt un allié de poids : l’intelligentsia littéraire, qui avait mis sa vénale plume au service des classes dominantes. Dans un sursaut d’union sacrée de classe, la majorité des écrivains s’était associée à la bourgeoisie pour fustiger la Commune de Paris, pourfendre les révolutionnaires. La Commune de Paris avait aussitôt déchaîné, chez ces littérateurs, un tombereau d’injures et de falsifications.   

À l’exception notable de Jules Vallès, Arthur Rimbaud, Paul Verlaine, Villiers de l’Isle-Adam, partisans de la Commune, et partiellement de Victor Hugo qui avait conservé une certaine neutralité, tous les écrivains de l’époque s’étaient soudés dans une haine inexpiable contre les communards. Ces écrivains s’étaient emportés avec virulence contre la révolution parisienne, « gouvernement du crime et de la démence » (Anatole France).  

Mesloub Khider 

Auteur
Khider Mesloub

 




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