21 avril 2025
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La démocratie, la forme de domination politique la plus idoine du capital

OPINION

La démocratie, la forme de domination politique la plus idoine du capital

Dans sa forme antique comme dans sa version moderne, la démocratie est le mode de gouvernement élaboré par les classes dominantes pour administrer pacifiquement leurs conflits.

À l’époque grecque antique, berceau de son éclosion, la démocratie, qui avait eu une existence éphémère, ne s’appliquait qu’aux hommes libres. Elle était exercée exclusivement par les hommes libres, en l’espèce une portion infime de la population. En effet, la majorité de la population laborieuse (les esclaves, les métèques et prolétaires) était exclue du jeu et des enjeux « démocratiques » des propriétaires d’esclaves.

Plus tard, avec les révolutions bourgeoises anglaise, américaine et française, la remise sur la scène historique de la démocratie comme mode de désignation des saltimbanques politiques préposés à l’administration des intérêts politiques des riches n’avait pas été le fruit du hasard, ni un accident de parcours de l’Histoire.

La démocratie bourgeoise s’était imposée d’emblée comme la forme de domination politique la plus efficiente et la plus durable, en ce qu’elle associait l’esclave salarié au choix de ses maîtres. Cette forme d’organisation politique de gouvernance moderne est la plus idoine pour protéger les intérêts économiques de la bourgeoisie.

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À cet égard, il est important de relever que la sphère économique est paradoxalement exclue du scrutin démocratique. Voit-on un banquier, un patron de conglomérat industriel élu au vote universel ? L’économie – le capital et sa reproduction élargie –, propriété exclusive de la minoritaire classe capitaliste, ne fait l’objet d’aucune forme de gouvernance démocratique.

Les dirigeants d’entreprise ne sont jamais élus démocratiquement par les travailleurs mais désignés discrétionnairement par les détenteurs du capital ; l’entreprise, lieu de production des richesses et matrice de la reproduction de la vie, n’est pas soumise à une gestion coopérative démocratique mais à un management dictatorial patronal exercé contre les salariés, à qui il n’est pas permis de s’immiscer dans les affaires de l’entreprise de capital privé ou public.

À ses débuts, de la fin du XVIIIème siècle jusqu’à la fin du XIXème siècle, la démocratie bourgeoise était élitaire, « mandarinale », socialement ségrégationniste. En effet, les classes bourgeoises dominantes en phase de consolidation de leur pouvoir politique et étatique, plus honnêtes qu’aujourd’hui quant à la caractéristique sociale inégalitaire de leur société de classe, ne se trompaient pas (et ne trompaient pas le peuple opprimé) sur la visée réelle de leur démocratie inique. D’emblée, leur démocratie avait été placée sous le signe de la propriété privée, de l’opulence, apparentée à la richesse. Aussi, pour être éligible et électeur, fallait-il posséder un grand patrimoine, s’acquitter d’impôts élevés, en un mot être riche. Cette démocratie des riches était symbolisée par le suffrage censitaire.

L’institutionnalisation du suffrage universel est récente. Ce mode de scrutin a été instauré sous la pression des révoltes populaires en lutte pour bénéficier des mêmes droits parlementaires que les classes possédantes.

Ce sont les classes populaires qui avaient acculé et contraint les classes dominantes, notamment par leurs révoltes récurrentes, à instituer le suffrage universel. Plus près de nous, l’Algérie avait vécu la même expérience historique avec l’instauration du multipartisme obtenu au lendemain de la révolte populaire écrasée dans le sang en octobre 1988. Actuellement, avec le Hirak, quoique timidement, en dépit de la répression étatique, le soulèvement populiste a ouvert une brèche démocratique bourgeoise appelée à s’élargir et à s’approfondir.

Dès le XIXe siècle, après avoir consolidé sa domination sur la totalité de la société, pour mieux mystifier le peuple, en particulier dans les pays développés en proie à l’âpreté de la lutte de classe, la bourgeoisie avait eu l’ingénieuse idée d’associer politiquement le peuple à son système régalien de gouvernance. Mais à une condition fondamentale : à aucun moment ce « privilège politique électoraliste » formelle, concédé par les représentants du capital, ne doit servir de tremplin aux classes populaires pour remettre en cause la hiérarchie des pouvoirs de la société de classe, ni le mode de production capitaliste.

Historiquement, le droit de vote avait été concédé avec parcimonie, de manière graduelle, aux différentes couches sociales de la société, des propriétaires fonciers jusqu’aux couches populaires en passant par les paysans et les femmes sans emploi. L’expérience électorale élargie ayant été concluante – à savoir qu’aucune formation politique subversive ne profitait de cette fenêtre d’opportunité « démocratique » pour contester l’ordre établi et s’emparer du pouvoir parlementaire pour promouvoir les intérêts du salariat au détriment des intérêts du capital -, la bourgeoisie s’était convaincue de l’utilité politique du suffrage universel, lui assurant toutes les garanties de pérennité de son pouvoir.

Parallèlement, l’éruption menaçante du prolétariat sur la scène politique, avait contraint la bourgeoisie à changer son fusil d’épaule : à ne plus l’épauler contre les prolétaires souvent en lutte, en révolte. Aussi, pour mieux museler le mouvement socialiste subversif naissant (autrement dit, acheter la paix sociale), avait-elle discerné tout l’intérêt qu’elle pouvait tirer de la participation des partis ouvriers (longtemps interdits) aux mascarades électorales.

La bourgeoisie avait ainsi consenti à intégrer les partis socialistes et communistes au cirque électoral pour mieux les corrompre de l’intérieur, les vider de leur substance révolutionnaire en transformant leurs dirigeants en mandarins parlementaires dotés de substantiels appointements. Elle y est parvenue, à observer la mutation des partis ouvriers qui avaient troqué la révolution contre le parlementarisme. Cette transmutation avait donné naissance au Réformisme, cette naïve croyance qu’on peut améliorer la condition de l’ouvrier en faisant l’économie de la Révolution.

Cette concession « démocratique » avait constitué une imposture « électoraliste » dictée par le grand capital à la gauche collaboratrice pour lui permettre de se crédibiliser auprès des ouvriers et de dévoyer la gronde du prolétariat pressuré.

Ainsi, en lieu et place de la satisfaction des revendications sociales portant notamment sur la hausse du salaire, la diminution du temps de travail, l’amélioration des conditions de vie, la bourgeoisie avait-elle opportunément concédé la généralisation du suffrage universel et la distribution des bulletins de vote à la plèbe affamée, sous les ovations complaisantes des bureaucrates syndicaux ravis et l’approbation opportuniste des partis parlementaires infatués de leur collaboration. Comme plus tard dans les pays du Tiers-monde, notamment en Algérie, où la « démocratie » de papier avait été généreusement octroyée au peuple misérable en lieu et place de besoins sociaux essentiels.

A la vérité, depuis son apparition, la démocratie parlementaire n’a jamais concerné les classes dominées, si ce n’est pour être sollicitées périodiquement, au moyen de campagnes électorales racoleuses, aux fins de déposer un bulletin de vote dans l’urne, au nom évocateur tant elle symbolise le réceptacle mortuaire des illusions déposées par l’ensemble des classes populaires enterrées socialement vivantes.

La démocratie bourgeoise a toujours revêtu un caractère de classe. Les mascarades électorales ont toujours été une affaire de riches par lesquelles chaque fraction (clan) de la classe dominante tente d’accaparer les leviers de l’État pour l’exercer à son profit. Surtout, la démocratie constitue un efficace adjuvant politique prescrit aux dociles citoyens comme antidote à leur misère sociale, citoyens reconnaissants pour ce « privilège démocratique » généreusement octroyé par le pouvoir dominant.

Ces dociles citoyens sont satisfaits d’élire leurs respectifs représentants aux prétendues différentes casquettes politiques, mais en vrai à l’alternative électorale réduite au choix entre le candidat de la droite du capital et le candidat de la gauche du capital (candidat de la nomenklatura FLNesque et de la confrérie maffieuse islamique, toutes deux affiliées à la patronale institution tentaculaire militaire).

Longtemps, dans les pays développés libéraux, par leur participation aux élections, les masses populaires avaient cru naïvement qu’elles pouvaient infléchir la politique du gouvernement à leur profit, améliorer leurs conditions de vie par le vote, transformer « démocratiquement » la société en leur faveur.

Or l’histoire nous enseigne que jamais un acquis social important n’a été accordé par la démocratie, obtenu grâce au scrutin. Il a toujours été arraché par la bataille de rue, par la lutte collective, tout comme l’indépendance de la bourgeoisie algérienne n’avait pas été concédée par la démocratie française colonialiste mais conquise de haute lutte par le versement du sang du peuple algérien pour le bénéfice du « capital algérien ». « Capital algérien », sitôt installé au pouvoir, avait été accaparé par l’armée et les apparatchiks du FLN, dont le prolétariat algérien ne parvient toujours pas à s’en affranchir, du moins par le moyen du mystificateur scrutin.

Plus près nous, l’élargissement du suffrage universel intervenu au XXème siècle avait répondu au besoin de la bourgeoisie de pallier la désaffection de la politique de larges couches de la population désabusées par les cirques électoraux. C’est la raison pour laquelle elle avait étendu le suffrage aux femmes, reconnaissantes de disposer enfin de ce privilège longtemps réservé aux hommes, de participer à la plus vaste imposture du régime capitaliste. Plus tard, les politiciens décrèteront l’abaissement de l’âge de participation électorale. En effet, dans de nombreux pays, le droit de vote sera abaissé à 18 ans, auparavant fixé à 21 ans (certains pays envisagent aujourd’hui de l’abaisser à 16 ans).

Par ces subterfuges contorsionnistes constitutionnels, autrement dit en trafiquant le thermomètre de l’âge, la bourgeoisie espérait faire grimper vertigineusement le corps électoral. Mais, elle n’a pas pour autant endigué le désintéressement de la population laborieuse pour le cirque électoral, enrayé l’hémorragie abstentionniste. En dépit des campagnes médiatiques de propagande électoralistes, de culpabilisation des abstentionnistes, dans de nombreux pays, ces dernières décennies, les taux d’abstention ne cessent de croître.

Certaines élections attirent à peine 30% de votants. Cette forte augmentation de l’abstention reflète un désaveu total de la démocratie formelle bourgeoise, du système politique parlementaire et présidentiel. Elle révèle surtout de la part des abstentionnistes une maturité politique quant à la facticité des échéances électorales captieuses. À l’évidence, la supercherie de la démocratie parlementaire a été démystifiée : les abstentionnistes ont compris que, en matière électorale, les dés sont pipés, les parties (partis jouets) jouées d’avance. Car le véritable pouvoir décisionnel est concentré entre les mains de l’oligarchie économique (nations développées) ou étatique (pays sous-développés despotiques), et non entre celles de la classe politique. Les parlements sont de simples chambres d’enregistrement des décisions dictées par le pouvoir économique ou étatique despotique.

De manière générale, il est communément répandu que la démocratie est l’ennemie de la dictature, et réciproquement. Or, il n’y a rien de plus fallacieux. En réalité, la démocratie et la dictature sont des frères siamois. C’est l’avers et le revers de la même médaille de l’imposture. Pour preuve : il ne faut jamais perdre de vue que Mussolini et Hitler avaient accédé démocratiquement au pouvoir, appelés à la rescousse pour dompter les soulèvements ouvriers.

Historiquement, Démocratie et Dictature se succèdent selon les besoins et intérêts du Capital, au sein du même mode de production, le capitalisme. Pour prendre un exemple récent : au Chili, au mois d’octobre 2019, avec la révolte sociale, l’État « démocratique » avait démontré sa véritable nature dictatoriale. Le gouvernement chilien avait lancé une répression brutale qui, selon les chiffres officiels, aurait fait 20 morts, mais au moins 50 morts selon certaines organisations humanitaires. L’état de siège avait été décrété et le maintien de l’ordre, confié à l’armée.

Les tortures avaient été infligées aux protestataires comme à la sinistre époque de Pinochet. Cela démontre que la démocratie et la dictature sont les deux faces du même État capitaliste. Aujourd’hui, sous couvert de lutte contre l’épidémie du Covid-19, nombre de pays censément démocratiques se sont métamorphosés en dictature, avec l’instauration du confinement, couvre-feu, surveillance électronique, contrôle policier, etc.

En Algérie, avec le Hirak, sous la menace d’un soulèvement populaire exacerbé, pour sauvegarder son système, le régime a inventé un nouveau système politique : la démocratie militarisée, caporalisée. La Démocramilitaritie. La Démocaporalitie. Une démocratie sous tutelle militaire. Une démocratie enrégimentée, encasernée. Au reste, si l’État-major de l’armée se fait actuellement le chantre de la démocratie, c’est parce qu’il a pris conscience de l’innocuité de ce mode de gouvernance.

De la vacuité de la démocratie formelle bourgeoise. La démocratie est la forme efficace de domination politique de la classe dominante. Elle ne permet jamais au peuple d’accéder au pouvoir, totalement concentré entre les mains des classes possédantes.

Indéniablement, la démocratie est la feuille de vigne derrière laquelle se dissimule la dictature du capital. Dans notre société prétendument démocratique, les élections sont partout mais la démocratie populaire et sociale n’est nulle part. Un homme digne ne s’avilit pas à choisir ses maîtres mais se dresse pour les destituer. L’histoire retiendra plus tard que la société démocratique bourgeoise aura été la seule structure sociale au sein de laquelle ses citoyens auront cultivé la servitude volontaire jusqu’au délire d’élire eux-mêmes intrépidement leurs propres bourreaux. Le vote, c’est ce que concède le capital au vaincu pour qu’il accepte sa défaite sociale mais, bien sûr, dans la « dignité démocratique ».

N’est-ce pas que l’exploitation, l’oppression et l’aliénation sont plus supportables sous la démocratie que sous la dictature, selon Winston Churchill, dont l’enfant prodige, le grand démocrate Boris Johnson, n’avait pas hésité à suspendre récemment, manu militari, le parlement pour passer en force son projet de Brexit.

La démocratie n’est qu’une imposture. Cette forme de gouvernance de classe est appelée à disparaître avec la fin de la société de classes. Dans la future société humaine sans classes, comme l’a écrit Friedrich Engels : « Le gouvernement des personnes fera place à l’administration des choses et à la direction de la production. La société libre ne peut pas tolérer un État entre elle et ses membres ».

Demain, une fois le système capitaliste anéanti, la nouvelle communauté universelle humaine sans classe saura inventer le moment venu une nouvelle forme de gouvernance égalitaire et horizontale, éloignée des délégations de pouvoir et des représentations théâtrales politiques actuelles proposées lors des spectacles électoraux pour divertir le peuple asservi, pour le grand profit des classes parasitaires dominantes régnantes.

Auteur
Khider Mesloub

 




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