Vendredi 22 mai 2020
Le français comme langue officielle
Comble de l’hypocrisie, l’islamiste Makri qui envoie ses enfants étudier en Occident veut criminaliser le français en Algérie !!!
Au côté de tamazight et l’arabe, le français mérite sa place amplement en Algérie. La suggestion peut être perçue comme un affront pour certains conservateurs en panne de perspectives, car ils vont la réfuter par principe de précaution à la langue arabe et non par l’intérêt d’une réalité sociolinguistique du pays. Il y a une harmonie entre ses trois langues.
La destinée du pays est entre les mains de ce qui se battent le pavé depuis le 22 février, et les grands choix en vue de l’avenir de la nation en termes culturels, identitaires, et de langues officielles seront de l’œuvre de ces citoyens et d’instances légitimes et non d’un gouvernement potiche.
Abderzak Makri, un islamiste aveuglément soumis au pouvoir, qui vient de proposer un projet de loi pour criminaliser l’usage de la langue française est un bel exemple de mépris. N’importe quoi comme idée pour nous aliéner du projet de la constitution que Teboune souhaite faire passer en catimini. Un autre, Salah Blaid, président du Conseil supérieur de la langue arabe (CSLA), sous les pas de Mouloud Kacem Naît Belkacem un zélé défenseur de la langue arabe, de l’Islam et du nationalisme algérien, monte au créneau pour s’opposer à l’officialisation de la langue tamazight.
Avec de tels laudateurs, avec de telles absurdités qu’on peut comprendre que la société algérienne est biaisée depuis l’indépendance. C’est la dégénérescence. Les oulémas qui étaient contre la révolution en novembre 54, soumis à la France coloniale, sont pour grand-chose pour avoir semé le désordre dans l’espace culturel et linguistique algérien.
Dès lors que Ben Bella fut intronisé par les militaires, un vassal des Égyptiens, d’un ton menaçant, comme un perroquet, répéta trois fois : « l’Algérie est arabe ». Son successeur, Boumediene, depuis son accession, a adopté par ordonnance et décret plus d’une douzaine de lois et règlements relatifs à l’arabisation de l’ensemble des structures de l’état : de leurs fonctionnements à leurs usages. Les écoles sont les premières à exécuter les oukases. Son ministre, issue de la confrérie des oulémas, le fils de Bachir Ibrahimi, Taleb un fervent de l’arabisation déclarait : «L’école algérienne doit viser en premier lieu à former en arabe, à apprendre à penser en arabe».
Après plus d’une décennie de batifolage, d’incessantes décisions et d’impositions, le pays recule dans le domaine de l’éducation et la prise de conscience. Pour pallier à cette régression, en avril 77, Mustapha Lachraf a eu la délicate mission de la part de Boumediene de reprendre en charge le dossier. Une charge impossible à réaliser avec l’objectif de maintenir l’arabisation dans le système éducatif aux différents paliers et d’entretenir en même temps mythe du panarabisme. Il a déjà estropié le pays.
Kateb Yacine qui voyait de la langue française un butin de guerre s’est démarqué de la politique d’arabisation de Boumediene, il dénonça le projet avec argument. Pour lui, la langue française est en nous, elle mérite sa place.
Sortir du dogmatisme colonial est une étape à franchir, un impératif auquel il faut se pencher. Se dissocier de la France coloniale sans faire d’amalgame avec la langue française ne doit pas être un tabou, au contraire c’est une occasion pour en finir avec ces préjugés entretenus dans un objectif de domestiquer la société.
Peu intéressante qu’elle soit pour une société qui souhaite s’émanciper dans une diversité culturelle, la langue arabe a été imposée via la religion. Une béquille sur laquelle on s’appuie pour faire admettre un projet sans se soucier des conséquences dans lesquelles les Algériens pataugent aujourd’hui. La fresque murale vandalisée cette semaine à Alger est un cas inquiétant, il est le résultat d’une volonté d’annihiler la société.
L’hypocrite politique de nos dirigeants est pérenne. Leurs progénitures ne fréquentent pas les universités algériennes. Après avoir étudié au lycée Alexandre Dumas à Alger, ils s’en vont dans d’autres pays pour s’instruire avec des langues dites « étrangères », et surtout que la majorité préfère la France.
Ce paradoxe ne devra pas durer longtemps, il faut mettre un frein en donnant au reste des Algériens la possibilité d’étudier eux aussi avec les langues où ils se sentent le mieux pour communiquer, mener leur recherche scientifique, produire leur littérature et faire leur poésie. Et sans détour, le français a déjà un ancrage solide dans notre société, autant lui donner son véritable statut.
Sinon que ferait-on de tout le travail de nos élites ? Ils ont consacré toute leur vie pour à nourrir tout un patrimoine historique, linguistique et scientifique en langue française dans lequel on puise des connaissances et des faits historiques. À les nommer un à un, de Said Boulifa à Kamel Daoud, la liste sera très langue. Justes les écrivains, il existe plus d’une centaine qui ont enrichi l’environnement littéraire algérien. Quelques-uns : Mohammed Dib, Rachid Mimouni, Assia Djebbar, Yasmina Khadra, Boualem Sensal, Mouloud Mammeri, Rachid Boudjedra, Mouloud Feraoun, Mohammed Harbi, Malek Haddad…….
Ce qui est intéressant de le souligner, ils écrivent en français avec une pensée algérienne. Comme les autres nations d’ailleurs qui sont admises dans la francophonie. Un Québécois ou un Belge, il écrit en français, mais jamais il ne va penser comme un Français. Contrairement aux inconscients qui sèment l’ambiguïté en jetant l’anathème sur une langue qui est considérée comme responsable de la colonisation. Doit-on leur rappeler que les Algériens ont combattu la France, mais pas la langue.
Il n’y a pas un politique qui n’a pas rédigé ses mémoires avec la langue de Molière : d’Imache Amar à Said Sadi, le nombre d’ouvrages est considérable. Notamment Ferhat Abbas, Mohammed Boudiaf, Yaha Abdelhafidh, Hocine Ait-Ahmed, Mostepha Lachref, Ali Kafi…., chacun a laissé son empreinte. Même Chadli Bendjedid, lui qui a encouragé l’arabisation pendant son règne de chef d’État, a écrit ses mémoires en français.
Pour les ouvrages et publications scientifiques dans le cadre universitaire, il y a de quoi remplir des bibliothèques. Il y aussi, les journalistes francophones, très nombreux à résister au démantèlement de la langue française en Algérie. C’est grâce à eux qu’on pratique celle-ci au quotidien.
C’est suffisant comme arguments pour dire que le français sera langue officielle. Que l’idée soit débattue sans intransigeance pour franchir le Rubicon.
Il est sage de le rappeler, que certains intellectuels issus des régions arabophones ont bien contribué avec audace pour dénoncer les hérésies décrites par une caste de conservateurs comme Amine Zaoui. Kamel Daoud, journaliste et écrivain, fait partie de ces engagés, il s’est exprimé dans les colonnes du Courrier international: «Nos différences sont la source de nos enrichissements. Dire le Monde arabe me gêne, c’est une sous-catégorie de la vision orientaliste. Pourquoi le Français est français, l’Allemand est allemand et l’Algérien est arabe ? Cela me dérange. L’arabité est un beau patrimoine, mais je n’ai jamais vu de passeport arabe. J’ai vu des passeports différents, des Histoires différentes, des langues différentes, des combats différents…» (1)
C’est une mise au point intéressante du journaliste, lui qui rédige ses textes en français, mais qui pense en algérien. Du succès de ses romans, Kamel Daoud est un produit édifiant, défiant et imposant au sein de l’élite de la littérature française. Un argument parfait pour cesser de lier la langue française à la France : la langue c’est une chose la France c’est une autre. La francophonie compte plus de 88 états et gouvernements et elle est dirigée par un Sénégalais en l’occurrence Abdou Diouf. Du même titre que la langue de Shakespeare, peut-on la haïr puisqu’elle est la langue principale des Américains? Mais je ne le pense pas un instant.
Le dirigeant algérien doit inévitablement se décomplexer de ce prétexte qui le dogmatise, il est bon de lui rappeler que la France a quitté l’Algérie depuis 58 ans, de cesser de vivre en victime du passé, le mieux est de s’ambitionner pour l’avenir.
M.M.
Renvoi
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https://www.courrierinternational.com/article/entretien-kamel-daoud-je-mene-une-bataille-contre-une-pensee-unanimiste-dominant