23 novembre 2024
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Différence entre un mouvement populiste et un soulèvement populaire (II)

TRIBUNE

Différence entre un mouvement populiste et un soulèvement populaire (II)

De fait, leur ambition politique principale est de suppléer à la défaillance des corps intermédiaires corrompus et disqualifiés, sans transformer l’organisation sociétale fondamentale du système économique (de production et d’échange) sur lequel repose l’organisation sociale. Ils se présentent comme les meilleurs gardiens du temple du capital, à savoir l’État ; les sauveurs suprêmes de l’ordre public tiraillé violemment par la recrudescence de la lutte des classes ; les protecteurs patentés des institutions étatiques et politiques menacées d’éclatement.

En outre, convaincus d’être pourvus d’exceptionnelles compétences, impatients d’offrir leur servile collaboration, les petits-bourgeois déploient toute leur énergie managériale libérale et leu ferveur collaboratrice pour s’imposer comme les nouveaux partenaires de la modernité capitaliste agitée de multiples crises systémiques.

Assurément, avec les mouvements démocratiques bourgeois, le système n’est pas attaqué dans ses fondements économiques. Les rapports sociaux capitalistes ne sont pas remis en cause. Au contraire. Seuls les rouages de l’État sont incriminés, les symboles du pouvoir, contestés.

Au reste, leur principale occupation politique est de mobiliser la « société civile », ces lambeaux d’individualités atomisées, tétanisées par la crise, crétinisés par l’idéologie dominante, pour contraindre l’État à restaurer le lien social et politique rompu, par le biais de la constitution d’apparentes nouvelles instances dirigeantes supposément plus démocratiques et incorruptibles, afin d’assurer, selon leurs prétentions, la gouvernance de manière plus transparente et efficiente, et de garantir une meilleure redistribution des richesses, dans une période historique où le capitalisme, en pleine crise systémique, est réduit à distribuer la misère, le chômage, les guerres et, en guise de nourriture, les psychotropes. Les mouvements démocratiques militent pour la régénérescence de la politique mais dans le maintien de la démocratie représentative bourgeoise blindée, et surtout la préservation de l’ordre économique capitaliste.

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Pour ces mouvements, la contestation se focalise uniquement sur quelques aspects défaillants de la domination politique des classes dirigeantes. De là vient qu’ils cantonnent leurs incriminations sur un dirigeant politique, sur un chef d’État, sur une faction du régime rendue responsable de la crise. Sur un clan du pouvoir accusé de corruption. Ou, comme en Algérie, sur l’institution militaire, commode bouc émissaire, accusée de toutes les injustices, accablée de griefs. Parfois, plus radicalement, sur le « Système », mais un système abstrait, aux contours jamais définis.

Aussi se bornent-ils à réclamer des agencements différents des composantes du système, du régime, sans remettre en cause radicalement l’ensemble de l’ordre économique hégémonique ; d’exiger une refondation politique, dans une perspective qui aspire à l’élargissement des libertés (formelles et illusoires) mais conditionnées à la préservation de la paix sociale, autrement dit à la conservation de l’ordre social inégalitaire, de la misère, à la perpétuation de l’exploitation et de l’oppression de classe.

Au vrai, les refondations préconisées par ces mouvements petits-bourgeois n’aboutissent à terme qu’au renforcement de la domination étatique sur la classe prolétarienne, à la perpétuation du système capitaliste dominant, dirigé par une nouvelle élite politique (aussi vénale que la précédente) propulsée aux commandes de l’État à la faveur des soulèvements sociaux, avec le soutien naïf des classes populistes bercées d’illusions sur les nouveaux locataires du pouvoir dictatorial et mafieux immuable, expurgé de quelques lampistes pour illusionner la population, comme l’exemple de l’Algérie l’illustre avec le Hirak.

De surcroît, avec les mouvements démocratiques bourgeois les confrontations se restreignent aux estocades contre les incartades de l’État des riches. Ces coups d’épée (dans l’eau) ciblent uniquement quelques personnalités du pouvoir, une clique du régime ou l’armée. Les mouvements démocratiques bourgeois investissent principalement la rue pour protester contre les symboles de l’Exécutif. Jamais pour renverser l’ordre existant. Ils n’entravent pas le processus de valorisation et d’accumulation du capital, ossature de la reproduction du système vulnérable.

Au mieux, ils versent dans la culture émeutière, celle qui sème la casse urbaine futile, pour provoquer et justifier contre l’ensemble de la population la répression étatique réactionnaire. Aussi, par leur stratégie et leurs tactiques de lutte bourgeoises, renforcent-ils les assises de l’État et le pouvoir du capital. Mais jamais ils contribuent à l’émancipation de la classe prolétarienne qu’ils méprisent souverainement.

Quoi qu’il en soit, les luttes réformistes bourgeoises ont correspondu à une période historique aujourd’hui largement révolue, illustrée par l’inefficience du parlementarisme depuis longtemps disqualifié, par l’incapacité du système capitaliste d’accorder de nouvelles concessions économiques et sociales pour satisfaire les revendications populistes, du fait de la crise systémique en cours.

La démocratie bourgeoise (ses institutions parlementaires, communales, départementales, syndicales) n’est plus en mesure de négocier quelque aménagement social progressiste, ou quelque compromis économique avec le capital qui exerce de fait le pouvoir concret, qui gouverne avec de piètres médiateurs politiques et sociaux, devenus superfétatoires dans cette conjoncture de crise systémique et de guerre commerciale exigeant l’embrigadement de la population nationale dans la perspective de l’imminente conflagration armée généralisée.

Au vrai, le capital a délaissé le terrain politique classique. Pas étonnant qu’il soit investi par des politiciens sans envergure, des populistes. Le capital, en butte à une crise profonde, préfère occuper le champ de la guerre commerciale, monétaire, financière, économique, et transformer chaque « citoyen » national en soldat pour la future confrontation armée globalisée. Pour le capital, la démocratie est devenue une serpillière tout juste utile à nettoyer les détritus politiques de la société qu’il a polluée par sa corruption, un paillasson sur lequel il essuie ses bottes belliqueuses bruissant de futures détonations guerrières.

En revanche, historiquement, le mouvement ouvrier transcende le régime démocratique parlementaire et vise non seulement le renversement du régime autoritaire ou démocratique bourgeois mais la destruction de l’État (de tous les États), afin d’instaurer une société coopérative fédérative, sans classes sociales antagonistes, sans argent, sans exploitation, sans oppression, sans aliénation.

Autre particularité du mouvement prolétarien en devenir : l’insurrection populaire ouvrière (qui ne peut être populiste et interclassiste sans se trahir) prend directement d’assaut les usines, les ateliers, les chantiers, les mines, les bâtiments institutionnels de l’État bourgeois, les prisons, les casernes, les établissements étatiques et partout où l’on produit et où l’on gère la plus-value dont s’engraisse le capital.

Au cours de la phase insurrectionnelle, le prolétariat s’impose comme principale tâche de transformer le soulèvement populiste (interclasses) initial en mouvement insurrectionnel ouvrier, sous peine de sclérose, de paralysie, voire de récupération du mouvement par la petite-bourgeoisie toujours aux aguets pour confisquer et phagocyter tout mouvement social de révolte. C’est ce qui est advenu du Mouvement des Gilets jaunes comme nous l’avons diagnostiqué dans notre ouvrage Autopsie du Mouvement des Gilets jaunes.
 

Auteur
Mesloub Khider

 




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