27 novembre 2024
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Lettre à mon camarade Sadek Hadjeres

TRIBUNE

Lettre à mon camarade Sadek Hadjeres

Que soit ensoleillé le jour où vos idées seront enseignées à l’école, malgré la délicatesse et l’habileté de votre style et la rigidité des professeurs dans le comportement de conditionnement des élèves ! Qu’enseigne-nous l’idéologue converti en programmateur de l’esprit révolutionnaire ? Être politique contraint au désembourgeoisement de la posture idéologique.   

1- L’Idée : un astre angoissé 

Que la fraternité devra régner dans tous les pays. La fraternité n’est pas, selon mes modestes capacités de lecture, un lien névrotique. Aimons-nous pour nous attaquer à nos vrais adversaires, que, par humilité pathologique (né modeste, bien que, de par ses positionnements idéologique, tu ne crois pas à l’essentialisation) et par prudence obsessionnelle, vous ne subordonnez à la matérialité qu’à la condition de viser les systèmes avant les personnes. Vous détestez la droite, non pas par un quelconque ressentiment, mais par l’éthique scientifique, que vous prenez pour principe d’honneur. 

Que la laïcité n’est pas un concept élitiste, ni un défi antipopulaire : votre modestie nous obsède jusqu’au souci de vous faire notre mentor, ou carrément un prophète de la pensée délivrée de la quête de la spiritualité marchande. 

Notre père nous fait élèves : le savoir précède la morale. Votre clairvoyance vous a mis dans le viseur des droitiers, qui, comme dans tous les pays, s’occupent de la confection de l’opinion publique. Dévergondée et extravagante, cette opinion est imposée aux masses qui, par la répression exercée par la machine capitaliste sur le monde des idées, ne se rendent pas compte qu’elles doivent abattre la morale et la pensée droitières qui jouent du destin qu’elles tentent, malgré tout, de contrôler. Les masses laborieuses ne sont pas autorisées à se faire des repères pour un semblant de vie auquel elles ne croient point, humiliant qu’il est l’espoir d’être soi. Maudite cette vie qui nous tourne le dos, disent-ils. 

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Que la lutte communiste veille à l’union des peuples. L’union des peuples ne passe pas par les concepts extravagants que les droitiers adoptent pour imposer une lecture ethniciste et identitariste de l’acte politique. Le communisme serait, s’il venait à s’allier aux identitaristes, indigne d’une quelconque lexicalisation ; il n’aura pas de nom, tout en étant. Tragique. Se serait-il produit en Algérie ? Eh bien, oui : les néophytes et les dinosaures se sont ligués contre le peuple, par la droitisation du savoir dit neutre. Mais, notre camarade Sadek n’a pas capitulé : déjouons les manipulations de l’idéologie droitière. Attention à la division des classes sociales. 

Que les luttes sociales ne sont pas le prolongement de la pensée bourgeoise, qui a le monopole de désigner les groupes idéologiques qui mènent le jeu politique. La presse algérienne, de droite presque dans sa totalité, en confisquant la mission de nommer, donne le droit à la parole à qui elle veut. Je parle de la presse écrite, qui a eu un rôle important dans les mouvances idéologiques : l’Être collectif est-il si courtois pour se départir du « devoir » de la rancune ? La mémoire est contraignante. Elle agit au nom de la justice, qui a fait de Fanon notre frère par les convictions que sa science ne lui ôte pas : les frontières, vous les franchissez par votre verve révolutionnaire et par vos adhésions « scandaleuses ».  Vos frères pourraient-ils oublier que vos concepts étaient (et sont toujours) rebelles à tout classement réducteur et à toute passion paralysante ? 

2- Le militarisme : pathologie/perversion

Les droitiers cessent d’être de droite quand ils se rendent compte que le profit n’est qu’intellectuel. Sommes-nous capables de vous éviter une interpellation que votre santé nous interdit ? Votre éclairage nous contraint à forcer la main à la maladie de vous quitter pour nous inspirer de votre parcours et de vos positions. Votre pensée politique est occultée par les libéraux de gauche –une droite dont le penchant au désenchantement est un immense plaisir- qui ont préféré s’occuper des schémas transitoires pour la gestion de l’opinion publique. Le maître à penser ne s’interviewe que quand certaines subjectivités se découvrent rebelles aux logiques imposées par le capitalisme : l’interview se passe du savoir, que pourtant réclament les masses, pour s’orienter vers des questions mineures. 

Le réflexe militariste gangrène l’Être algérien. Les militaristes croient pouvoir contrôler le destin commun par le recours aux pulsions enfouies dans la psyché de chacun : la pulsion de domination a des limites que la culture a réussi à tracer. Mais, cette culture n’avait pas pu introduire dans l’Être collectif la notion de totalité dans ses tendances antibourgeoises. La militarisation de la vie politique, du fait de l’emprisonnement de la logique discursive dans un dualisme vif et aigu, a renversé l’ordre pourtant établi dans plusieurs espaces humains. L’institution militaire devient un centre de décision qui oppose à tous des dogmes ayant un soubassement éthique fragile (en construction) un hégémonisme droitier (hégémonique et inhumain).

La démocratie ne veut pas dire l’élection : le communisme préfère la formation (conditionnement culturel) à la compétition électorale : la production de la pensée a été sabordée par l’œuvre militariste qui fait de l’Idée une séquence fermée à toute dialectique. Les militaires oublient que la dramatisation historique leur est défavorable, tant les artistes, de quelque nature qu’ils soient, affrontent la vie et ses protagonistes par une énergie qui se crée dans la consommation de soi. La militarisation est-elle civilisante ? L’embourgeoisement n’épargne aucun espace, le technicisme devient le moyen le plus prisé des militaires (réflexe connu chez les conservateurs de la période post-guerre froide, notamment les islamistes).

Les limites de la Raison pacifiste : à qui revient le droit de les tracer ? Les Etats aiguisent leur penchant pour la militarisation : toutes les cérémonies sont marquées par des activités menées par des militaires. Les militaires n’ont pas à penser les limites de l’institution qu’ils dirigent : le bras armé de l’Etat représente un vrai danger pour le progrès des peuples. L’agressivité, en tant que pulsion, reste très vive dans tous les espaces, mais, en Algérie, elle l’est davantage parce que les décideurs de l’institution militaire exercent leur pouvoir dans des moments historiques déterminants (les moments de refondation) : la fermeture du temps est l’œuvre à laquelle se livrent les militaristes. Mettre tout le monde devant le fait établi et sceller le futur par des actes qui n’ont nulle retenue humaine ; c’est par cela que les militaristes agissent. Une pensée pour Kateb Yacine. René Vautier ne s’oublie pas. 

Cher camarade, 

Que vous nous lisiez : le sacré n’a pas besoin d’envol pour nous purifier de nos salissures bourgeoises. Léguez-nous votre lucidité et votre détermination : vous saurez que les procédés scientifiques par lesquels vous approchez le politique ne pourront être qu’historiques. 

Votre dignité fait que nous oublions de vous autoriser une quelconque subjectivité. C’est une école que j’ouvre pour vous dire notre profond attachement à vos idées et postures éthiques et intellectuelles. Le révolutionnaire le naît, il ne le devient pas. Tant pis pour les subjectivités dont le droit à l’embourgeoisement est freiné par nos roturières problématiques, toutes attachées à la destruction des syntaxes légitimes. La révolution ne peut être légitime que par une éthique ébréchée, donc impure. 

Auteur
Abane Madi

 




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