25 novembre 2024
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Les taux négatifs : s’enrichir en s’endettant ?

REGARD

Les taux négatifs : s’enrichir en s’endettant ?

C’est le titre le plus utilisé par la presse car il ne pouvait y en avoir d’autre en cette circonstance. Jusqu’à présent la maxime nous enseignait que « Payer ses dettes c’est s’enrichir ». Nous voilà dans une situation du marché monétaire mondial complètement inversée puisque les taux d’intérêt négatifs enrichissent celui qui s’endette.

Le Trésor français vient d’annoncer qu’il avait levé 200 milliards d’euros pour réaménager le remboursement de sa dette publique. Rien d’extraordinaire si ce n’est que la barre du taux zéro a été franchie pour en arriver à un taux négatif.

Il y a un peu plus de quarante ans, je me souviens d’un travail en travaux dirigés (TD). Le maître de conférence, équivalent du chargé de TD à la faculté, nous avait proposé un curieux document. Comme il occupait une fonction de cadre financier à la Banque Parisbas (le nom ancien m’échappe peut-être), le document portait sur une notion financière absolument déroutante, les taux d’intérêt négatifs. Nous n’en avions jamais entendu parler dans les médias.

Je me souviens que c’était en fait une situation théorique qui, si elle avait été observée dans de très rares cas, restait une simulation de ce qui pouvait arriver dans un certain environnement mondial.

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Nous y voilà donc avec la multiplication des emprunts à taux négatifs dans l’actualité financière mondiale. Pour comprendre l’incongruité notionnelle de ce phénomène, il faut une explication pédagogique simplifiée, je renvoie les plus curieux techniquement à des développements plus pointus dans des publications spécialisées.

Tous les lecteurs le savent, dans une économie de marché le prix se fixe en fonction de l’offre et de la demande. Le taux d’intérêt étant en quelque sorte le « prix de l’argent ».

La première explication de la chute des taux d’intérêt provient du gigantesque déversement de liquidités par les banques centrales afin de redynamiser les économies mondiales avec une inflation presque nulle.

Ces liquidités doivent donc trouver où s’investir, surtout lorsque certains pays se trouvent en situation d’excédent. D’autant que des institutions comme les banques et les sociétés d’assurances (qui sont souvent intégrées en une seule entité) doivent avoir des actifs en contrepartie de leurs engagements dans les bilans, base essentielle de leur sécurité et de leur rentabilité financière.

Mais à cette chute des taux est venue se rajouter un autre phénomène, tout à fait corollaire, celui qui nous intéresse car il est le catalyseur final de la situation.

Lorsque des investisseurs ne peuvent plus rentabiliser leurs liquidités avec un taux suffisamment élevé à l’intérieur comme à l’extérieur, ils sont vulnérables face au classique danger d’une situation internationale mouvementée qui fait prendre des risques colossaux de pertes.

Alors l’investisseur va faire appel à un « coffre fort sécurisé» pour que ses avoirs ne partent pas en fumée. Il préférera les placer à des taux négatifs plutôt que les perdre avec les guerres et autres instabilités économiques et politiques.

Le taux négatif est en quelque sorte le prix à payer pour placer son argent dans un endroit sûr. Récupérer la quasi totalité de son capital est beaucoup plus avantageux que d’espérer en tirer, dans des conditions incertaines et risquées, un avantage en intérêts. D’autant, nous l’avons dit, que les taux frôlent le niveau zéro de rémunération.

La France, la Suisse, l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et quelques pays du Nord sont les endroits rêvés pour garantir à plus long terme son capital. Raison pour laquelle les émissions de dettes publiques de ces pays sont recherchées car la sécurité est garantie. C’est le cas des obligations d’État à 10 ans que vient d’émettre la France.

Ainsi, comme toujours, l’économie est avant tout une question de confiance, ce qui est appris dès le premier mois d’un cours d’économie par un étudiant de première année.

Rien ne vaut la stabilité politique et donc la démocratie. Même des pays comme l’Italie sont sur la liste des pays à « coffre fort sécurisé » malgré une bouderie passagère des investisseurs. Car il ne faut pas seulement prendre en compte la situation conjoncturelle du moment.

Ces pays ne peuvent être considérés en faillite même lors des grandes crises comme celle de 2008. La raison est simple, ces pays possèdent des actifs considérablement plus élevés que les dettes, pourtant impressionnantes. Le ratio entre le capital humain (niveau de formation), les atouts technologiques ainsi que les avoirs physiques (infrastructures et immobilier) est largement en faveur d’une marge d’endettement par des bons d’État.

Voilà pourquoi nous sommes dans une situation tout à fait paradoxale où l’endettement permet d’obtenir des taux négatifs. Mais attention, ne pas penser que le créancier va verser une somme d’argent à la France. Le mécanisme consiste à récupérer un capital moindre à la fin de l’opération, dans dix ans pour la dernière émission française. La différence est minime puisqu’il faut aller chercher assez loin dans le rang décimal du taux annoncé. Le gain est multiplié par le volume et permet cette situation incroyable de ne rien payer et même de recevoir une petite ristourne par le fait de l’endettement.

Les lecteurs, même les moins avertis en économie, on déjà entendu parler du phénomène de la colossale dette des États-Unis financée par le monde entier. Tout simplement parce que l’émission d’un billet en dollar représente une créance auprès de la banque centrale américaine. Si le dollar est toujours la devise des transactions mondiales c’est que l’ensemble des pays considèrent que les risques sont moindres lorsque la créance est sur le Trésor d’un pays que l’on considère le plus stable à long terme et le plus performant. Tant que cette confiance durera, le déficit gigantesque des États-Unis ne posera aucun souci à ce pays (en tout cas dans la dimension redoutée) puisque financé par les autres économies mondiales.

Nous en revenons donc toujours à la stabilité politique qui fonde la solidité économique des pays. Et nous concluons toujours par la même réflexion, les centaines de milliards de l’économie algérienne, engendrés par la rente pétrolière, glissent sur du sable pour disparaître sans aucun bénéfice.

L’Algérie est en intérêts négatifs depuis 1962 car son travail, son intelligence productive ainsi que ses matières premières financent un régime militaire, très gourmand en fonds publics y compris par la corruption abyssale.

Auteur
Sid Lakhdar Boumediene, enseignant

 




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