Lundi 15 avril 2019
La proposition de sortie de crise du colonel Chabane Boudemagh
Chers compatriotes
L’Algérie est aujourd’hui à la croisée des chemins de son destin. entre espoirs nourris par tout un peuple manifestant en masse ses aspirations légitimes de liberté et de progrès d’une part, une opposition autoritaire au changement là où il ne s’agit que de raison d’autre part, mais aussi et surtout, un environnement extérieur hostile à tout projet national consolidant les fondements de la Patrie, les enjeux sont alors multidimensionnels et complexes et nécessitent un consensus national devant aboutir sur une sortie de crise telle que désirée et exprimée par le peuple dans son ensemble.
L’heure n’est pas à l’affrontement mais au patriotisme
Les défis auxquels l’Algérie est confrontés sont tels qu’ils nécessitent l’adhésion du peuple en entier et sa participation effective à la conception et à l’édification d’un État fort, basé sur les principes qui ont vu l’Algérie naître, de manière à consolider le sentiment d’appartenance à la patrie et consacrer de manière effective le patriotisme comme étant la seule source de légitimité en lieu et place de la légitimité historique autour de laquelle s’est érigé l’État au lendemain de l’indépendance.
Le passage à témoin entre les générations passée et présente doit s’effectuer dans la sérénité et la responsabilité. Le système de gouvernance patriarcal, tel qu’esquissé par une génération appelée à disparaître par la force de la nature, est plus que jamais révolu et ne répond pas aux défis d’un monde changeant et globalisant de surcroît.
Le développement du pays, la consolidation de son indépendance et de sa souveraineté, et la préservation de l’État national exigent une transformation structurelle du mode d’organisation et de fonctionnement de l’État et nécessite la mise en place de mécanismes consensuels aux fins d’opérer l’inéluctable passage à témoin entre générations et en sécurisant ce processus stratégique de transfert du Pouvoir.
Préalablement à cela, serait-il capital de définir ensemble l’Algérie de demain, et prendre le temps d’engager un dialogue ouvert et inclusif aux fins de jeter les bases consensuelles présidant à l’édification d’un État moderne, permettant la libération des énergies locales et à l’emploi entier des forces vives de la nation au développement du pays et à la conduite du destin national, de manière à s’assurer de la consolidation de l’Être national et à la préservation des acquis payés au prix du sang sacré des martyrs de novembre.
La diversité et la richesse que recèle le peuple algérien et notamment la génération de l’indépendance en termes de projets politiques ne sauraient être en contradiction avec ce qui fait que l’Algérie se soit érigée en État national, et ne devrait pas pour autant mettre en question les idéaux de nos aïeux ni même le socle identitaire et historique dont est puisée la légitimité de l’État ainsi que le sens du patriotisme des Algériens sortis pour exprimer leurs désir et volonté de prendre les rennes de leur pays en continuité du combat libérateur d’antan et toujours d’actualité.
C’est pourquoi nous devons tous ensemble nous accorder sur ce minimum commun qui unit au lieu de désunir et nous rassembler autour de cet idéal national, seul à même de permettre la contribution de tous à l’écriture de l’Algérie de demain.
La situation de blocage qui prévaut aujourd’hui devrait pouvoir être éludée que si nous nous résolvons à nous hisser à la hauteur des enjeux du présent et de l’avenir.
Élection présidentielle et légitimité constitutionnelle
La légalité constitutionnelle avancée comme étant le rempart contre toute dérive de ce processus impérieux de transfert du pouvoir a démontré ses limites et constitue aujourd’hui la cause première de l’inertie qui caractérise la situation.
L’Armée nationale populaire, garante de la souveraineté et de l’indépendance nationale, ainsi que de l’ordre républicain, se trouve inopérante du fait de sa résolution à ne pas interférer dans tout processus extra-constitutionnel tout en clamant être au service exclusif du Peuple dans ses revendications légitimes.
Du fait de cette fatalité, le choix d’une élection présidentielle tenue par l’application stricte de la Constitution ne pourra aucunement exaucer les aspirations du Peuple ni même répondre à la nécessité de refonte du système de gouvernance et encore moins à assurer la consécration de la légitimité populaire et patriotique en substitution de la légitimité historique et révolutionnaire.
Le contexte constitutionnel, légal et réglementaire, le cadre politique, judiciaire, et autres paramètres de l’environnement présent ne peuvent conduire qu’à une reconduction du Système avec le même personnel politique encore qu’il fut de l’opposition, et ce, sans permettre l’émergence des élites politiques potentielles longtemps marginalisées car non incorporées dans le système politique.
Le processus électoral sous les présentes conditions conduira à l’élection d’un Président jouissant d’une légitimité constitutionnelle voire démocratique issue d’une victoire proportionnelle à un jeu électoral où les règles permettent de se faire élire par une minorité d’Algériens, même de manière transparente et honnête et ce dans un moment où la prochaine phase devrait être celle de l’impérative adhésion du peuple dans son ensemble aux travaux de construction nationale, de manière inclusive, en faisant abstraction de nos différences et en suspendant le temps d’une transition les concurrences partisanes et la course au pouvoir.
Transition patriotique et légitimité populaire
Prétendre solutionner la crise présente par le recours aux voies constitutionnelles notamment par le biais d’une élection présidentielle hâtive, transférant ainsi les commandes à un Président élu avec peu de représentativité, éloignerait l’Algérie de sa chance historique d’effectuer sa transformation systémique en profitant de cet élan patriotique de tout un peuple hâtant de reprendre le flambeau et manifestant sa pleine disposition à jouer son rôle de dépositaire de cette nouvelle légitimité populaire, tirant sa source de celle l’ayant précédé, puisant dans la lettre et l’esprit de Novembre.
Le processus démocratique est aujourd’hui biaisé et perverti par ses propres mécanismes inopérants et inconsistants et ne peut être générateur de liberté et de progrès. Le nécessaire rétablissement de ce processus et la correction des distorsions dont il fait l’objet ne peuvent être réalisés que dans le cadre du projet de transformation de l’État au terme d’une période transitoire que nous ne pouvons ne pas faire l’économie.
Toute solution doit être pensée dans le cadre d’un consensus national entre tous les acteurs effectifs de la scène nationale, en toute responsabilité et courage, et avec l’assentiment ultime et souverain du Peuple. Phases de la période de Transition Une phase de transition doit être mise en place sur la base d’une feuille de route commune à tous les Algériens et qui devra définir la substance du projet de transformation de l’État et en réaffirmant son essence novembriste.
Une présidence collégiale de cette période nécessaire par des personnalités patriotes et intègres ne souffrant d’aucun équivoque auprès du peuple sera à même d’assurer une large représentativité et une meilleure légitimité à engager ce processus auquel devra participer la société dans son ensemble.
Durant cette période, la Présidence collégiale devra entamer préalablement à toute autre action, la modification de Lois organiques notamment : Loi relative au régime électoral, Lois relative à l’information et à l’audiovisuel, Lois relative aux associations et partis politiques, Lois relatives aux collectivités locales, etc. Ceci permettra au peuple de se réunir, d’échanger, de communiquer et par conséquent de participer de la base au sommet à la production d’idées, à s’organiser à l’effet de désigner ses représentants à différents niveaux, et de contribuer à l’enrichissement à la rédaction de sa première Constitution qui constituera un bien commun à toutes les Algériennes et tous les Algériens, ainsi qu’à alimenter le projet de développement tous azimuts de l’Algérie de demain.
C’est aussi par ce mécanisme qu’une Assemblée Constituante devra être mise en place en lieu et place du Parlement qui devra être dissous et dans l’intervalle duquel la Présidence collégiale devra être pourvue d’un pouvoir légiférant provisoire à l’effet de modification des lois organiques.
Les partis politiques doivent être dissous et reconstitués sur des bases non dogmatiques et par l’interdiction de s’articuler autour de ce qui constitue l’identité et l’histoire de tout un peuple qui se revendique dans son ensemble de Novembre et du socle de l’islam, de l’amazighité et de l’arabité.
Il est temps que les partis politiques s’affirment en tant que récipients de projets nationaux et que la concurrence s’effectue sur la base des idées et non pas des dogmes et des personnes. Aussi, il est impératif que la chance et le temps soient donnés aux élites politiques non structurées à l’effet de s’organiser, à émerger et à recomposer le système politique national.
Ce n’est qu’après cette mise à zéro des compteurs que pourra être rétabli le processus démocratique assaini, par l’organisation d’élections communales, législatives et présidentielle. L’élu, à quelque niveau qu’il soit, devra être directement comptable devant ses électeurs dont il devra en être le représentant et non le substitut à travers des mécanismes de consultations systématiques durant son mandat électif auprès de sa propre population dont il représente les intérêts.
Le parlement devra être le réel dépositaire de la souveraineté populaire et devra être doté de pouvoirs plus larges notamment législatif et de contrôle.
L’élection du Président de la République devra consacrer la clôture de la période de transition au terme de laquelle la transmission générationnelle des leviers aura été effective ainsi que la transformation du système et ce par la participation de toute la dynamique populaire du 22 février à l’édification d’un État national, moderne, tourné vers l’avenir tout en puisant ses références de la mémoire de ceux qui ont permis que l’Algérie soit indépendante.
Entre légalité et légitimité, le plébiscite populaire
La composition de Présidence collégiale devra être le résultat d’un consensus entre les acteurs publics et à laquelle devra être transféré le pouvoir de la chefferie de l’État ainsi que le pouvoir de légiférer par ordonnance aux fins de pouvoir procéder à la modification du cadre et ce par le plébiscite ultime du peuple à l’occasion d’une journée dite du Plébiscite où le peuple concède toute la légitimité au processus qu’il entreprend.
L’Armée Nationale Populaire est garante de la volonté du Peuple et devra accompagner ce processus où le Peuple donne mandat à l’Institution dont il est propriétaire à l’effet d’exécuter ou de faire exécuter le transfert du Pouvoir entre les mains des représentants que le Peuple aura choisi.
L’État c’est le Peuple
« L’État puise sa légitimité et sa raison d’être dans la volonté du Peuple », Article 12 de la Constitution
L’ANP veille au respect de la Constitution par souci de non interventionnisme dans le champ politique, mais demeure au service exclusif de son Peuple dont l’État n’est que l’émanation.
La démission de l’actuel intérim du Chef d’État, ou encore la démission du Premier Ministre et du Président du Conseil constitutionnel ne sont pas à elles seules une solution. La démission du Chef d’État intérimaire, non prévue par la Constitution, ne donne pas lieu à son remplacement mais instaure plutôt un vide constitutionnel né de l’absence de Chef d’État sans que les dispositions constitutionnelles ne puissent y palier.
Son maintien jusqu’à expiration de son intérim conduira, au mieux, à une élection àa très faible représentativité laissant le peuple en marge de tout projet national, ou au pire, à la non-tenue de l’élection présidentielle et à un vide constitutionnel causé également par l’absence de Chef d’État.
Le consensus, une nécessité inéluctable
La sagesse et la responsabilité nous commandent toutes à et tous d’engager un dialogue serein entre l’ensemble des acteurs pour la conclusion d’un consensus aux fins de désignation des algériennes et algériens qui seront missionnés à conduire cette période de transition salutaire à la Nation. Le consensus doit être le fruit et faire l’objet d’une large communication avec le principal acteur qui est et demeurera le Peuple. Le peuple devra accorder son plébiscite et donner mandat aux institutions enrôlées dans ce processus à l’occasion d’une marche nationale dont le jour sera fixé et communiqué. L’objectif étant aussi de couvrir les institutions appelées à concourir au processus par leurs soutien et accompagnement en y accordant toute la légitimité voulue.
Enfin, la crise est présentement évidente et serait préjudiciable aux intérêts de la Nation si tous ensemble, nous ne nous érigeons pas en un seul corps à l’effet de préserver l’État national et construire ensemble une Algérie nouvelle propriété de toutes et de tous. Toute âme patriote se doit d’être consciente des enjeux, de se hisser à la hauteur de la lourde responsabilité qu’elle a devant l’histoire, d’assumer le rôle que lui dévolue son appartenance à la Patrie. Tahya El Djazair
Gloire et éternité à nos Martyrs
Colonel Chabane Boudemagh
Président de l’Organisation des Patriotes Algériens (non agréée)
Ancien Responsable Services spéciaux DRS/ANP Vendredi 12 avril 2019