27 novembre 2024
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Dissidence populaire : Entre rêve et réalité

REGARD

Dissidence populaire : Entre rêve et réalité

Les marcheurs, toutes générations confondues, assoupis depuis plus de 57 ans s’extirpent de leur sommeil dans les ténèbres et marchent tels des somnambules pendant plus de 45 jours. Dans leur merveilleux rêve, debout, ils imaginent et visualisent une foule de belles choses.

Ils voient leur beaux enfants sourire aux dents, chanter, danser s’exprimer, vivre et croire de nouveau à leurs pays, à l’aimer, à ne plus vouloir le quitter. Ils se sentent contrôler leur devenir. Comme ces personnes au caractère trempé et à la volonté féroce,  qui sont maîtres et architectes de leur destin. Malgré la foi séculaire qui les habite, ils croient durs comme fer au libre arbitre. Ils fraternisent avec leur police et leur armée. Ils projettent au monde, en grandeur réelle, l’Algérie de demain comme elle est réellement : jeune, rayonnante, dynamique, pacifique, grande, généreuse, caustique, plurielle, avant-gardiste.

Durant leur périple, sur leur chemin, ils discutent s’expliquent, ils chantent et disent leurs volontés. Ils désirent reprendre leur histoire à l’endroit même où elle s’était arrêtée en 1962. Ils n’ont cure de la constitution à laquelle ils n’ont pas participé. Mais, ils jouent le jeu, ils s’y collent. Leur armée y tient. Ils ont tout de même une exigence : le départ des 4B qui symbolisent le système qu’ils abhorrent. Et voilà qu’ils ouvrent leurs yeux égarés, un mardi 9 avril, pour se rendre compte que leur message n’a pas été entendu. Ils regrettent d’avoir été naïfs, se culpabilisent.

Au terme d‘une séance grotesque, réunissant les deux chambres, présidé par un personnage tout aussi ubuesque et qui n’aura pas duré plus de 10 minutes, un président de la république par intérim est désigné. Celui-là même qui a fait couler beaucoup d’encre. Un certain président du sénat dont la démission a été clamé et réclamé sans interruption durant toute la protesta.

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Les algériens n’y croient pas leurs yeux et se retournent instinctivement vers leur armée. Ils sont, comme ce naufragé pris de panique qui s’accroche à tout ce qui passe. Dans ces moments, la survie du noyé dépend de sa capacité à garder son sang-froid, son calme. Il doit d’abord repérer la rive, trouver le meilleur itinéraire pour s’y rendre, nager doucement afin de préserver ses forces, puis faire la planche et recommencer sans se lasser.

Le cri de secours lancé à l’armée va-t-il être entendu ? Est-il vraiment utile de l’exprimer ? N’est-il pas seulement l’alibi tant attendu ou le stratagème employé afin de récupérer encore une fois les lauriers d’une victoire qui appartient au peuple algérien ? N’est-ce pas une manière de pérenniser un système rejeté ? N’est-ce pas une autre tentative d’habillage, de déguisement, de cette même force qui spolie les libertés et qui inhibe toute forme de développement économique depuis l’indépendance ?

Il ne faut pas perdre de vue que le combat des manifestants dépasse aujourd’hui les limites nationales. Il est nécessaire de le situer dans son contexte régional et mondial. Le silence assourdissant des pays arabes, durant le 30ème sommet de la ligue arabe le 30 et 31 Mars à Tunis, est plus qu’édifiant.

L’ellipse faite par ses membres sur la situation en Algérie est des plus révélateurs. Ce réveil algérien, annonciateur de changements profonds et géostratégiques a beaucoup de raisons d’effrayer les gouvernants arabes maghrébins et africains. En Tunisie il a déjà commencé à faire de l’effet : Béji Caid Essebsi renonce à la présidentielle. La répression discrète au Maroc ne s’est pas fait attendre. Le mouvement inattendu du maréchal Haftar en Libye, appuyé par des avions émiratis ayant décollé d’une base égyptienne, et présenté comme un danger imminent pour l’Algérie, n’est pas dénué d’arrières pensées. Ces évènements, apparemment isolés, peuvent être interprétés comme un début de conséquence de la revendication algérienne.

L’Europe et à sa tête la France s’est toujours accommodé de ces régimes dictatoriaux, les a soutenu et souvent porté au pouvoir. Les Etats-Unis de Trump agissent exclusivement selon les intérêts économiques et nationaux américains. L’Afrique est aujourd’hui au centre de toutes les convoitises. Une guerre sans merci s’y livre entre les grandes puissances, par personnalités locales interposés, afin d’en contrôler les richesses. Les gouvernants de ces contrés agissent et réagissent dans une logique de préservation de leur pouvoir. Les revendications citoyennes et les intérêts nationaux passent en second plan.

Le grand changement historique que réclament les manifestants en Algérie, s’il aboutit, ébranlera surement les pouvoirs arabes et africains.  Il aura pour conséquence, une probable remise en cause de certains intérêts et sera le prélude d’une redistribution des cartes. Les grandes puissances ne voient pas ça d’un bon œil. Le mouvement populaire et pacifique pour la liberté, entamé depuis près d’un mois et demi par les algériens, devient la cible unanime de tous ces régimes arabes dépassés, de certaines puissances étrangères et de leurs affidés.

Devant cette situation, qui se complique de jour en jour, les réponses politiques apportés par les uns et les autres sont très en deçà des attentes  de nos manifestants. Elles ne sont pas à la hauteur des aspirations du peuple. Les marcheurs, en quête d’une réelle démocratie en Algérie innovent en Afrique et dans le monde arabe. Comme toutes les nouvelles idées qui viennent perturber l’ordre établi, cette volonté de vouloir décider de son sort, de choisir ses gouvernants, de se construire un avenir meilleur, importune et inquiète.

Dès son réveil brusque aujourd’hui, après sa formidable marche, le peuple algérien sort de son rêve et se retrouve en face des dures réalités de ce monde. Les intérêts économiques y priment. Les idéaux tel que la liberté, la justice, l’égalité, les valeurs humaines universelles y occupent une place de plus en plus petite. Les manifestants doivent l’assimiler.

Ils savent aujourd’hui que la lutte est loin d’être terminée, que les hostilités ne font que débuter. Cette synergie nationale entre les hommes et les femmes de ce pays aurait pu, pourrait être transformée en une très belle victoire pour les marcheurs ainsi que pour tous ces peuples spoliés.  Pour cela il faut se dépasser, aller plus loin que jusqu’au bout, cultiver cette force populaire et pacifique qui a surgi des entrailles de la terre d’Algérie, la diriger dans la bonne direction, ne pas se laisser berner et corrompre.

Comme à son accoutumée, l’Algérie dans sa singularité, a toujours été à l’origine des combats libérateurs et elle le demeurera.

Cet épisode macabre de l’intronisation d’un homme rejeté par tout un peuple n’est qu’une énième piètre manœuvre, d’hommes tout aussi vils, afin de répondre aux injonctions de leurs maîtres.

Auteur
Djalal Larabi

 




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