Mardi 9 avril 2019
La répression, ADN de l’armée algérienne ?
Depuis 1980, année qui a connu de gigantesques manifestations en Kabylie contre le régime algérien, les marcheurs ont été, jusqu’à ce jour, invariablement pacifiques.
La répression de type colonialiste qu’ont subi le FFS et la Kabylie de 1963 à 1965 a fait de la violence un recours politique repoussoir et pour la région et pour l’ensemble du pays. En revanche, la réponse du pouvoir a été, quant à elle, de tout temps violente.
En 2001, alors que les associations et acteurs culturels et politiques préparaient, dans le calme, la commémoration du « printemps berbère » (expositions, conférences, marches), le jeune Guermah Massinissa fut lâchement assassiné au cœur de la gendarmerie. Une gendarmerie commandée à l’époque d’une main de fer par le général Boustila. Un général qui n’a jamais été inquiété suite aux 127 morts et des milliers de blessés qui ont suivi le meurtre originel commis à Beni Douala et dont il partage l’entière responsabilité avec Bouteflika.
Lequel Bouteflika a enterré le rapport accablant du professeur Mohand Issad qui a dirigé une commission d’enquête sur ces terribles événements devenus printemps noir. Les résultats préliminaires de cette enquête ont montré les responsabilités évidentes de la chaîne de commandement des forces de l’ordre et des services de renseignements dans les crimes commis.
C’est pourquoi, tout le monde s’interroge aujourd’hui sur les suites que donnera l’armée à l’insurrection populaire qui réclame la fin radicale du système mis en place depuis l’indépendance du pays. Une indépendance confisquée par le tandem Ben Bella Boumediene dont Bouteflika est le diabolique héritier.
Ce vendredi 5 avril 2019 a connu le 7ème soulèvement populaire. Un soulèvement massif et des manifestants déterminés. Le même record d’affluence a été observé partout dans les grandes métropoles régionales et dans les villes moyennes ou plus petites de tout le pays. Ce dimanche 7 avril, la diaspora a emboîté le pas à son pays d’origine comme à l’accoutumée. La Place de la République à Paris était noire de monde.
Alors que des rumeurs savamment distillées annonçaient un fléchissement de la mobilisation, la vigueur toujours plus grande du mouvement n’a pas échappé aux observateurs. Un tsunami humain a déferlé sur l’ensemble du territoire comme sur la capitale. Pourtant, des escadrons de gendarmes (encore eux) ont bloqué de nombreux accès pour empêcher des manifestants de l’intérieur du pays de converger sur Alger.
Les mots d’ordre de la foule sont restés clairs depuis le départ : » système dégage », « truhu ga3», «nous voulons un changement ». Bien sûr, le système en question, par l’intermédiaire de son représentant, le général-major Gaïd Salah, a répondu positivement à certaines requêtes de la rue : retrait du 5ème mandat, annulation des élections et départ anticipé de Bouteflika. Mais, à l’évidence, ces mesures si elles sont nécessaires, ne peuvent être suffisantes pour opérer la rupture réclamée à corps et à cris par la rue.
Le peuple algérien veut une alternance radicale et pour y parvenir, il refuse catégoriquement que les anciens apparatchiks, toujours en place, s’occupent de la période de transition sous-prétexte de respecter la constitution. Quand le contournement de celle-ci arrangeait bien les caciques du pouvoir, ils n’ont pas hésité à la violer éhontément à plusieurs reprises.
Devant l’exigence de la rue, l’armée, jusque-là pacifique commence, à montrer ses muscles et la police politique, désormais aux mains de Gaïd Salah depuis le départ de Tartag, semble reprendre ses coups fourrés. Tour à tour, on a assisté à des scénarios machiavéliques : des personnalités politiques plébiscitées par la rue et susceptibles de prendre en charge la phase de transition, ont été malmenées dans la rue pour tenter de les disqualifier. Il s’agit notamment de Maîtres Mokrane Aït Larbi et Mustapha Bouchachi, du Dr Said Sadi et de Karim Tabou. Même l’inclassable mais très populaire Rachid Nekkaz a subi les mêmes vexations.
Tous ont été l’objet d’attaques dans la foule pour faire croire qu’ils sont rejetés par les manifestants. Les meneurs de ces troubles ont, dans tous ces cas, opéré avec les mêmes méthodes. Cela montre bien la mise en scène par les mêmes chefs d’orchestre dont certains ont été très vite repérés par la foule. Au même moment, une opération digne des films de séries noires a été menée à Tizi-Ouzou. Plus de mille logements ont été, de façon concomitante, squattés dans toute la Wilaya mettant en difficulté les autorités municipales et semant le trouble dans la population.
À toutes ces tentatives de troubler la « fête », s’ajoutent l’interpellation du journaliste Méziane Abane, l’arrestation du Dr Kameldine Fekhar puis de son célèbre défenseur Maître Salah Dabouz et l’interception à l’aéroport d’Alger du militant Hocine Djidel sans compter toutes les barbouzeries qui ne sont pas médiatisées.
Le but de toutes ces actions est clair. Montrer que l’option répressive est toujours sur la table de l’état-major et que les articles 7 et 8 de la constitution invoqués par le général de corps d’armée Gaïd Salah sont polysémiques. L’interprétation de ces dispositions semble être du seul ressort des généraux décideurs. Un Président issu des rangs du système reste, du coup, la vraie fausse sortie de crise qui nous attend. Mais ils ont beau réunir à grande pompe les deux chambres du parlement en congrès, rien n’y fera. Le peuple algérien ne veut pas d’une reconduction du système militaro-apparatchik. L’Algérie mérite mieux que la guerre des tranchées qui se mène dans les coulisses.
D’autres vendredis de mobilisation attendent encore la jeunesse algérienne et ses aînés. C’est la seule voie possible pour éviter à l’Algérie de passer d’une situation calamiteuse à une issue épouvantable, de guérir de la peste pour sombrer dans le choléra. Ensemble, les enfants de l’Algérie peuvent réaliser le projet de salut public entamé depuis le 22 février 2019. Ça dépend beaucoup des jeunes mais des moins jeunes aussi.