Lundi 4 mars 2019
Lettre de Bouteflika : une nouvelle diablerie
« Ceux qui rendent une révolution pacifique impossible, rendent une révolution violente inévitable». John Kennedy (1)
Alors que lui-même est entre la vie et la mort dans un service de réanimation des hôpitaux de Genève, le dossier de candidature de Bouteflika a été déposé au Conseil constitutionnel dont le président avait prêté serment de fidélité au candidat lors de sa nomination par lui quelques jours plus tôt.
Les médecins de l’hôpital suisse connaissent la réalité physique et mentale de Bouteflika mais, étant tenus au secret médical, ils ne répondront pas aux questions que le monde se pose sur ce candidat de l’Au-delà.
Ils ne sauraient, cependant, lui délivrer le certificat médical d’aptitude nécessaire à son dossier. Qui l’a fait ?
Dans un premier temps, nous avons tous pensé que c’était là l’incroyable, irresponsable et provocatrice réponse du pouvoir aux millions d’Algériens sortis manifester : « Nous aurons le 5e mandat, et si vous n’êtes pas contents la mer est devant vous ! ». Sans avoir besoin de préciser que la « la répression est derrière vous ! », la chose étant sous-entendue dans la réponse.
En cette soirée mémorable du 3 mars 2019, nous avons assisté à deux séquences de substitution de personnes : Rachid Nekkaz, faux candidat tombé du ciel au Rachid Nekkaz, mystérieusement évaporé, et un non-candidat, Mr Zaalane, à un candidat indu, Mr Bouteflika.
La première a fait rire aux éclats, et la seconde grimacer car elle révélait une face inconnue du personnage, la repentance – reconnaissance de ses péchés – suivie d’une promesse de rédemption – se racheter.
Le mal qu’il a fait en vingt ans, peut-il le rattraper en quelques mois ? Ou n’est-ce là qu’une nouvelle diablerie pour assurer ses arrières, protéger les siens et leurrer l’histoire en revêtant au dernier moment l’habit du père de la nation bienveillant et bienfaisant ?
Cette lettre écrite par on ne sait qui, puisque lui est entre les mains de la médecine genevoise, sans quoi il serait rentré, veut nous enfermer dans un choix étriqué entre lui et quelques candidats improvisés ayant repris à leur compte l’argument-maître du pouvoir : le peuple a la possibilité d’accepter ou de rejeter « démocratiquement » le 5e mandat par les urnes. Ils espéraient être élus… par défaut.
Les Algériens qui se sont mobilisés contre le 5e mandat ne vont pas rentrer chez eux en demandant pardon à la « démocratie » d’avoir failli lui manquer de respect, et au repenti Bouteflika d’avoir failli le priver d’un « droit de l’homme ».
Ils vont rejeter ces arguties et sa lettre avec une plus grande détermination pour conforter l’avantage déjà acquis : ils savent que la répression n’est plus une option pour le pouvoir qui demande un délai de grâce pour organiser sa sortie et préserver ses biens et les siens.
Bouteflika a proposé et le peuple va disposer.
Les premières réactions – manifestations nocturnes qui se déroulent au moment où j’écris – indiquent que sa proposition a été rejetée et qu’il faut par conséquent trouver rapidement une autre solution que le traquenard tendu par lui.
Nous en avons suggéré une dans notre précédent écrit : il démissionne le plus tôt possible, l’intérim est assuré par le président du Conseil de la nation et l’élection présidentielle reportée conformément aux dispositions pertinentes de la Constitution.
N.E. B.
Note
1) Citation rapportée par un ami de la page, Ahmed Ch, dans un commentaire sur ma page Facebook