Dimanche 13 janvier 2019
Affaire Khashoggi : l’hypocrisie des investisseurs internationaux (I)
Il y a quelques mois, le royaume était dans la tourmente. Et l’assassinat du dissident et éditorialiste au Washington Post dans les locaux du consulat d’Arabie Saoudite à Ankara avait dégradé son image.
Le coût de son Credit Default Swap (CDS), un indice de protection contre un défaut de paiement d’un emprunteur, avait même bondi de 10 points de base pour atteindre 100 points de base après la disparition mystérieuse du journaliste. Un certain nombre de dirigeants de grandes entreprises et institutions financières avaient boudé la deuxième édition du « Davos du désert».
Subitement, les choses semblent prendre une autre tournure et donne ainsi l’impression que le monde occidental, pays, institutions et bailleurs de fonds ont joué le jeu de l’oubli pour boucler un assassinat odieux dans une enceinte diplomatique.
Ainsi, le royaume a sollicité depuis ce début d’année 2019, pour la première fois, depuis l’affaire Khashoggi les investisseurs internationaux qui cachaient hypocritement leur jeu. Il a obtenu plus que ce qu’il a demandé, près de 27 milliards de dollars de souscription.
Pour Mohamed Ben Salmane, c’est un test réussi. Le mercredi 10 janvier, les investisseurs se sont arrachés les titres. Le succès de l’opération n’était pas garanti il y a à peine quelques mois. Le Royaume est venu solliciter les investisseurs étrangers, avec l’appui de plusieurs banques internationales : BNP Paribas, Citi, HSBC et JPMorgan.
Le plus gros gestionnaire d’actifs saoudien, NCB Capital, a aussi participé à l’opération. Selon Bloomberg, Riyad vise au moins 7,5 milliards de dollars répartis sur deux tranches. La première à 10 ans s’élèverait à 4 milliards de dollars et devrait afficher un rendement de 4,48 % soit 175 points de base de plus que celui des Trésoreries de même échéance. La deuxième, d’un montant de 3,5 milliards à 31 ans, paierait 5,31 % soit 230 points de base de plus que les obligations d’Etat américaines.
Le royaume cherche à mettre toutes les chances de son côté pour mener à bien cette opération. Il est le premier de la région à se présenter, bénéficiant ainsi d’une poche de liquidité non entamée chez les investisseurs. Il a également offert un prix attrayant. Au rendement annoncé pour la tranche à 30 ans, les obligations feraient ressortir une prime de nouvelle émission de 30 points de base.
Un surcoût que Riyad est prêt à payer pour convaincre les investisseurs de participer à cette levée de fonds plutôt que d’acheter sa dette existante.
Si cet objectif de 7,5 milliards de dollars était atteint, Riyad bouclerait en une seule opération près d’un quart de son programme de financement obligataire de l’année, et la moitié sur le marché international. L’Arabie saoudite envisage de lever 120 milliards de riyals (32 milliards de dollars) pour financer un déficit budgétaire de 35 milliards de dollars cette année, lié à une augmentation de 7 % de ses dépenses.
L’opération va également accroître le volume d’obligations saoudiennes, alors que le Royaume devrait rejoindre, d’ici fin septembre, l’indice JP Morgan rassemblant les obligations souveraines sur les marchés émergents.
Après une première émission record de 17,5 milliards de dollars en octobre 2016, l’Arabie saoudite a progressivement accru son endettement à 50 milliards de dollars. A suivre les arrangements sur les prix du baril entre MBS et Trump au détriment des membres de l’OPEP.