24 novembre 2024
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A la bonne heure, les médias en France retrouvent le sens des mots

Tribune

A la bonne heure, les médias en France retrouvent le sens des mots

Les téléspectateurs ont dû remarquer que les journalistes des grandes chaînes  de télés lors de la diffusion en direct de l’hommage rendu au gendarme mort lors de la prise d’otages dans un Super U près de Carcassonne, que le mot ‘’djihadiste’’ avait disparu de leur vocabulaire. Ce mot à la mode jusqu’ici a été remplacé par une autre : terroriste.

Le président Macron, dans son allocution a lui aussi utilisé le mot terroriste en ignorant le mot djihadiste. Il est évident que les mots d’un président sont choisis avec la plus grande rigueur. Je me suis dit que ce changement de vocabulaire chez un président et l’ensemble des journalistes n’est pas fortuit. Un petit plaisir intérieur me traversa l’esprit et je me suis dit que le travail de beaucoup de journalistes algériens a fini par briser le mur d’ignorance et d’arrogance de ces donneurs de leçons qui trustent les grands médias en France. Oui du plaisir ressenti car j’ai modestement apporté ma petite pierre à briser ce mur.

Je me rappelle d’une prise de bec à la Sorbonne que j’ai eue avec le Ménard actuel maire de Béziers et ex-secrétaire général de Reporter sans frontières sur l’intox qu’il alimentait durant la tragédie vécue par les Algériens dans les années 90/200. Et puis il y a un texte publié dans un essai édité par Shihab à Alger intitulé ‘’Du balcon de l’exil’’. J’y dénonçais la politique d’un certain ministre de l’intérieur des années 90 qui ‘’livra’’ la banlieue à des ‘’islamistes’’ seuls susceptibles, selon les ‘’cerveaux’’ de son ministère, de maintenir la paix sociale dans des quartiers difficiles. ‘’Ses’’ islamistes firent une autre utilisation de cette ‘’faveur’’ et l’on découvre aujourd’hui le résultat de cette politique. J’ai aussi dénoncé l’utilisation de la notion de djihad dont on affublait ceux qui partaient en Syrie ou bien ceux qui commettaient des attentats en France même. J’ai aussi dans mes contributions dans la presse algérienne dénoncé la manipulation des mots comme islamiste ou djihadiste modéré, rebelle, révolutionnaire etc. Ceci pour dire qu’ailleurs dans la société française, il y a des gens qui refusent de se soumettre à ces manipulations. Ils ont fait leur cette phrase d’Albert Camus « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ». Ainsi ai-je eu l’occasion de parler sur la notion du djihad dans une communication dans un groupe qui travaillait sur le rapport du temps et du témoignage en psychanalyse. Voici donc un résumé de cette modeste communication :

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De l’influence du religieux sur les notions du temps et du témoignage

Les deux notions, (temps et témoignage) ne boxent pas en principe sur le même ring. Et pourtant, par une des ruses de l’histoire, il se trouve que les mots subissent aussi le poids du temps qui passe et les fait voyager d’une langue à une autre. Et parmi l’un de ces innombrables chemins qui les fait échouer dans d’autres rives ( la science et de la poésie/littérature) il y a celui de la religion. Le temps, cette insaisissable ‘chose’’ échappe à tout le monde, sauf à la religion qui s’inscrit dans ‘’l’espace de l’éternité’’. Elle a choisi donc de ‘’l’ignorer’’ pour pouvoir donner un sens à des notions ou à des mots à sa convenance qu’elle juge de son ‘’ressort’’. Elle n’a que faire de la philosophie de Spinoza pour qui « l’homme impuissant devant le temps, se satisfait d’imposer sa puissance à l’espace’’.

Venons-en à la notion du témoignage. Le mot témoin d’origine grecque a échoué dans la langue française sous le vocable de martyr avec une toute autre signification, laquelle langue française en y ajoutant la voyelle ‘’e’’ a introduit la notion de souffrance. De martyr à Martyre, ce petit ‘’e’’, change le sens du mot. Est-ce pour témoigner, de l’existence de Dieu que Jésus sur la croix par le biais de son martyre avec un ‘’e’ (souffrance) a payé pour valider son  témoignage. Voyant en islam, comment fonctionne la notion de martyr en tant que témoignage sans aucune référence à la souffrance. Pour comprendre le poids de la religion et la charge spirituelle contenue dans la notion de martyr, il faut savoir que pour les musulmans le Coran est Parole de Dieu. Dans cette langue la racine cha/ha/da/ va donner naissance à des mots dérivés. Et les mots de martyr et témoin sont identiques. Le martyr signifie chahid mais aussi témoin au sens grec….. Comment un même mot peut-il désigner deux choses différentes séparées par une subtile nuance ? Pour comprendre cette nuance, il faut faire un détour par un verset clé de l’islam qui alimente la charge émotive et spirituelle de la notion de martyr.

Le verset est le suivant ; La i la ha ilallah, Ashadou Mohamed Rasoul illah  (il n’y a de dieu que dieu,  témoignes (injonction donc) que Mohamed est son messager). Deux choses à remarquer dans ce verset :

1° il n’y a de dieu que dieu, ce n’est point une tautologie mais une insistance qui met l’accent sur l’unicité de Dieu. Cette notion ne souffre d’aucune discussion. Retenons, cette notion de l’unicité est une ‘’rupture’’ avec la trinité du christianisme ‘’Dieu, le Fils et le Saint Esprit’’. La reconnaissance et la soumission à ce verset du Coran fait de celui qui le prononce un musulman qui ne peut être excommunié et à qui on ne peut refuser la prière de l’absent à son enterrement

En revanche le statut de chahid (martyr) s’acquiert après un acte de sacrifice pour la cause de Dieu. Ce sacrifice ouvre des droits. Primo le chahid ne passe pas devant le tribunal du jugement dernier pour expier ses fautes. Pour le Chahid la voie est libre pour entrer directement au Paradis.

J’ouvre ici une parenthèse. Le fait de désigner aujourd’hui en Europe dans le discours médiatique et politique les terroristes de Daech ou d’el Quaïda de djihadistes est une faute politique. C’est une sorte de reconnaissance de la légitimité du combat des terroristes en question. Cette reconnaissance par leurs ennemis les renforce dans leur idéal et dans leur désir de se sacrifier. Remarquons qu’en Algérie par exemple, le mot djihadiste n’est jamais utilisé pour nommer les terroristes. On les appelle  «égarés’’ une notion péjorative car en islam cela veut dire qu’on est sorti de la voie de dieu.

Pour terminer, disons aux journalistes donneurs de leçons, qu’une guerre ne se gagne pas par la seule puissance des armes de guerre. Elle implique que l’on laisse de côté l’arrogance engendrée par ladite puissance et se mettre modestement à l’école de l’histoire…. ‘’Nos’’ donneurs de leçons se sont contentés d’avaler goulument les divergences entre deux de leurs ‘’spécialistes’’ de l’islam qui ont philosophé sur ‘’l’islam radicalisé’’ ou bien la ‘’radicalité de l’islam’’. On sait qu’un certain milieu adore dépenser sa salive dans ce genre de polémiques, polémiques qui n’ont jamais fait gagner une guerre mais font vendre des livres à des lecteurs qui veulent se rassurer.

Auteur
Ali Akika, cinéaste

 




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