22 novembre 2024
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Langue : du conflit à la coopération

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Langue : du conflit à la coopération

Un très intéressant article vient d’être publié, intitulé « Nationalismes et langues, l’expérience balkanique ». Il rend compte d’un cas historique récent : les effroyables guerres qui ont ensanglanté les peuples de l’ex-Yougoslavie. L’intérêt de ce texte est de montrer comment ces tragédies furent préparées et accompagnées par des conflits linguistiques concernant les idiomes parlés par les diverses « ethnies » composant ce pays. Les « purifications ethniques » eurent comme substrat et conséquence des « purifications linguistiques ». La partie dominante serbe mettait en valeur la langue serbe au détriment des idiomes des autres composantes « ethniques » du pays. Ces derniers, par réaction, revendiquaient leur langage comme facteur de résistance et d’affirmation de la valeur de leur propre identité historique-culturelle-religieuse.

On lit :

« L’intention est assez simple : prouver à tout prix, en utilisant non seulement «le nettoyage ethnique», mais aussi «le nettoyage linguistique», la thèse selon laquelle vivre ensemble est impossible(1). »

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L’auteur ajoute :

« Comme le remarque justement Ljubisa Rajic, d’un moyen de communication, la langue est devenue un moyen d’identification nationale, puis un symbole de la nation et enfin un moyen de sécession. »

En Algérie (et en Afrique du Nord), les conflits linguistiques ne se caractérisent pas par une situation semblable à celle de l’ex-Yougoslavie.

Cependant, en particulier en Algérie, des agents sociaux, actuellement minoritaires mais très agissants, et disposant de soutiens étrangers, s’activent de manière préoccupante.

Les uns veulent s’assurer la domination oligarchique sur la société entière, en s’appuyant sur la langue arabe classique et son corollaire, le Coran, interprété de manière unilatérale ; ces agents disposent de l’appui d’États arabes moyen-orientaux.

De l’autre côté, d’autres agents visent à une domination oligarchique semblable, sur la partie amazighe algérienne ; avançant l’ »identité » amazighe, ils en revendiquent l’indépendance et la formation d’un État souverain (2).

Et, derrière ces deux tendances idéologiques se trouvent, évidemment, les divers impérialismes, dont celui des USA hégémonique.

Ces deux forces algériennes internes se caractérisent par la prétendue « supériorité » de leur propre « ethnie » (donc sa « culture », dont la langue est l’expression), au détriment et à l’exclusion de l’autre « ethnie » (par conséquent de sa culture et de sa langue). Mépris et haine réciproques, sur fond de volonté de puissance dominatrice exclusive.

Entre ces deux forces prétendant à la suprématie de caste, se trouve le peuple, dans ses deux parties, linguistiquement arabophone et amazighophone.

La composante populaire amazighophone revendique le droit légitime à l’emploi de sa langue, toutefois de manière démocratique. Quant à la composante populaire arabophone, elle demeure encore indifférente en ce qui concerne le droit de promotion de sa langue maternelle, la dziriya, comme pour ce qui est de la revendication des compatriotes amazighes concernant leur langue maternelle.

Au-dessus de cette situation, les détenteurs de l’État (3), les partis importants ainsi que la majorité des intellectuels, de diverses tendances, veillent, cependant, à éviter que le problème linguistique se transforme en confrontation ethnique séparatiste, donc en guerre. Comme en toute guerre, la partie qui paie le prix en sang et en larmes est le peuple, quelque soit son « ethnie » ; et la partie qui en tire profit est une caste, quelle que soit son « ethnie ».

Confucius avait dit, en substance : apprendre des erreurs des autres est utile ; mais c’est encore mieux d’apprendre de ses propres erreurs.

Pour conjurer tout péril à la « yougoslave », il est indispensable qu’en Algérie (comme dans toute aire géographique où existe un problème d’idiome) l’instrument linguistique (ainsi que la culture et l’histoire) des uns et des autres devienne un moyen de vivre ensemble de manière harmonieuse, c’est-à-dire libre et solidaire.

K. N.

Email : kad-n@email.com

Notes

(1) Bozidar Jaksic, Nationalismes et langues, l’expérience balkanique, 19 décembre 2017, revue Les Possibles, No. 15 Hiver 2017. L’auteur fournit un exposé très intéressant sur le problème. Le texte est librement disponible ici: https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-15-automne-2017/dossier-nationalites-et-frontieres/article/nationalismes-et-langues-l-experience-balkanique?pk_campaign=Infolettre-1205&pk_kwd=nationalismes-et-langues-l

(2) À ce sujet, un exposé extrêmement intéressant éclaire la question : « Le droit à l’autodétermination se conquiert », de Nils Anderson, 19 décembre 2017, revue Les possibles, No 15, automne 2017. Notament le chapitre : « Droit de sécession et droit de séparation ». Librement accessible ici : https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-15-automne-2017/dossier-nationalites-et-frontieres/article/le-droit-a-l-autodetermination-se-conquiert?pk_campaign=Infolettre-1205&pk_kwd=le-droit-a-l-autodetermination-se

(3) Voir les mesures de décembre 2017 en faveur de la langue tamazight, et la reconnaissance de Yennayer, nouvel an amazighe, comme fête nationale, chômée et payée.

Auteur
Kadour Naïmi

 




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