23 novembre 2024
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Révolution du sourire et citoyenneté

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Révolution du sourire et citoyenneté

“Une république n’est point fondée sur la vertu ; elle l’est sur l’ambition de chaque citoyen, qui contient l’ambition des autres.” Voltaire

En Algérie, comme dans beaucoup de pays musulmans, le régime politique est toujours plus qu’un système de gouvernement et l’ordre qu’il instaure ne consiste pas seulement en une bonne ou en une mauvaise ordonnance des choses. En politique, partout dans le monde, il doit toujours être question du citoyen. Il y va de son intérêt, de son destin, et du sens de son existence.

On ne saurait trop le répéter, en ces temps de crise généralisée, où les gouvernements comme les administrés, ont tendance à n’avoir recours, pour la solution de leurs conflits, qu’aux seuls aménagements de la technique. Ce qui permet d’éluder les choix décisifs, mais nous abandonne constamment au bord de l’abîme. Que l’on songe à ces absurdes parties de cache-cache, appelées conseils des ministres ou conférences de presse ou réunions interministérielles, au lamentable pourrissement de notre drame. 

Non seulement le mode de gouvernement et les décisions politiques dessinent la physionomie d’un pays mais, d’une certaine manière, tentent de façonner la conscience de chacun. Il est sûr que j’ai le souci de marquer une distinction irréductible entre la conscience privée avec son intériorité inviolable, ses choix personnels qui viennent du plus profond et qui visent plus haut que la simple horizontalité de l’histoire, et la conscience publique qui est l’une des dimensions essentielles de la conscience humaine, sans pour autant en épuiser la substance et la portée.

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Je sais aussi très bien que ces deux combinaisons communiquent — qu’entre l’interne et l’externe, entre le privé et le public, entre l’intime et l’historique, se font de constants et féconds échanges. Car de notre vision et de nos options politiques découlent inéluctablement des modalités de pensées, des habitudes caractérisées, des vertus et, évidemment, des vices.

Il est facile de constater que les femmes et les hommes, même dans leur vie privée, sont à l’image de leurs gouvernements ou de leurs rêves politiques. C’est ainsi que l’on peut dire d’un individu, dans son comportement quotidien, au travail, en famille, en amour, qu’il est « fasciste » ou qu’il est « démocrate ». L’Homme de la République que Charles Péguy a dépeint, et qu’il a si subtilement incarné, est une figure d’humanité, aussi riche et peut-être plus complète que celle du sage antique ou du héros des grandes aventures.

C’est ainsi que le hirak est apparu. C’est sous cet aspect que la Révolution du sourire s’est mise en branle le 22 février 2019 parmi les espoirs des jeunes Algériens. En fait, cet aspect recouvre l’essence même de la démocratie.

Le projet fondamental d’un Etat démocratique — ce qui permet d’en reconnaître l’authenticité, plus que les mécanismes institutionnels — consiste précisément dans la volonté patiente et efficace d’engendrer l’homme à la vie publique, dans un effort d’éducation, humaine et spécifiquement politique, pour rendre chaque citoyen lucidement responsable du destin de son pays, et propre à l’exercice de la parcelle du pouvoir qui lui revient.

Car il est de la nature du pouvoir, dans un régime démocratique, d’être partagé entre gouvernants et gouvernés.

Il circule dans le corps de la nation, des uns aux autres, et nul — citoyen, élite ou fraction — ne peut s’en emparer, ni s’en charger en solitaire, même pour le bien de tous. Le rôle des institutions est de fixer objectivement les règles et les organes de cette circulation.

Le désintérêt des citoyens pour leur vie politique, quelle qu’en soit la cause, l’appel d’un gouvernement à une mise sous séquestre de la liberté d’expression des journalistes et des opposants, l’interdiction d’émettre quel qu’avis que ce soit pour peu qu’il soit en contradiction avec celui de ceux qui dirigent le pays d’une main de fer, le désir de ne voir qu’une seule tête quel que soient la complexité et la gravité des difficultés rencontrées, au nom d’un prétendu intérêt national, la confiance aveugle en la toute-puissance d’un clan, sont autant de symptômes d’une maladie mortelle, de vices majeurs qui minent la démocratie.

On ne peut juger de la vigueur de la démocratie que dans le degré de développement et à la qualité de conscience politique des citoyens qui la composent. Savoir, lucidité, intérêt éclairé et participation effective sont les composantes de cette conscience, que la démocratie, sous peine pour elle de mourir, se doit d’entretenir sans cesse, par la communication du gouvernement sur sa politique, par les propositions claires des partis, par les explications pédagogiques des grands organes d’information libres et indépendants du pouvoir.

Auteur
Kamel Bencheikh, écrivain

 




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