25 novembre 2024
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France-Algérie : « Je t’aime… moi non plus » (*)

REGARD

France-Algérie : « Je t’aime… moi non plus » (*)

Le regard de la France conquérante sur l’Algérie colonisée puis décolonisée n’a pas changé : «Nous allons apporter les lumières aux hommes de barbarie ». Nous, nous sommes des hommes des lumières et vous êtes les hommes des ténèbres, qu’il faut éclairer par notre savoir, notre démocratie, notre liberté d’expression.

Dans les bouleversements qu’a connus la société algérienne, on insiste toujours sur les conséquences de la colonisation rarement sur la phase de décolonisation. Le transfert du pouvoir perpétuait indirectement le système de dépendance économique et culturelle vis-à-vis de la métropole.

Avec la colonisation, l’Algérie s’est trouvée défigurée urbanisée au nord sans industrie créatrice d’emplois, concentrée sur la bande côtière sans agriculture vivrière, centralisée dans la décision, ignorant la population autochtone, et tournée vers la métropole par l’exportation des hydrocarbures et ouverte à l’importation de produits de subsistance. Ce schéma d’aménagement du territoire initié par De Gaulle dans sa politique de pacification sera poursuivi et amplifié par l’Algérie indépendante dans sa politique d’industrialisation et d’urbanisation à marche forcée.

La reprise du plan de Constantine en est la preuve évidente. Industrialiser la bande côtière cultivable relativement bien arrosée et se rapprocher de la métropole pour remplir son couffin. Le regroupement des populations dans les villes permettant de mieux les contrôler en est un autre exemple. Le transfert du pouvoir perpétuait indirectement le système de dépendance économique et culturelle vis-à-vis de la métropole.

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Il s’agissait pour la France d’imposer à l’Algérie indépendante un ordre politique et juridique qui garantisse la prééminence de ses intérêts stratégiques. On peut dire qu’elle a réussi admirablement son pari. En imposant des institutions dont la logique de fonctionnement était radicalement opposée à celle de la société algérienne, et en refoulant l’islam dans le domaine privé pour en faire une valeur refuge des déshérités, le colonisateur préparait en fait la société postcoloniale à l’échec de la modernisation.

L’indépendance politique n’avait pas suffi à elle seule à briser les liens de dépendance tissés à travers 132 ans de colonisation. L’Etat centraliste et ostentatoire dérivé du modèle colonial a suscité le régionalisme, les dérives de l’intégrisme de ceux qu’il enferme dans un nationalisme formel et dans un rituel religieux sans esprit novateur.

Si la recherche de l’indépendance fut un principe légitime, les pouvoirs mis en place n’ont pas toujours respecté les aspirations populaires qu’elle impliquait.

La décolonisation a donné naissance à des entités étatiques artificielles dominées par des régimes politiques autocratiques et despotiques sans légitimité historique ou démocratique qu’ils soient monarchiques, militaires, ou policier veillant jalousement sur leurs frontières c’est-à-dire leur espace de domination politique, économique et culturelle.

L’Algérie et la France vivent le passé au présent, elles en sont malades, d’une maladie qui semble incurable. Dans la tourmente qui enfante de nouvelles sociétés ou qui les étouffe dans l’œuf, les situations semblables créent des jugements semblables.

En traitant les « autochtones » de «bougnols », des « moins que rien », (fainéants-nés, des voleurs-nés, des criminels-nés, des menteurs-nés), la France a fait de l’humiliation et de la soumission des techniques de maintien de l’ordre colonial. L’histoire se répète, les mêmes causes produisant toujours les mêmes effets.   

Cette gestion autocratique, anarchique et irresponsable de la société et des ressources du pays n’est nous semble-t-il pas étrangère à l’influence et l’attraction de la France sur/par les « élites cooptées » du pays, aujourd’hui vieillissantes pour la plupart, maintenue en activité malgré leur âge avancé et pour la plupart finissent presque tous dans un lit d’hôpital parisien.

Elle est belle la République qui caricature le sacré et profane l’histoire, sa propre histoire. Elle est courageuse cette Algérie nouvelle qui s’engage dans une transition politique et économique laquelle demandera du temps et de l’argent pour se mettre en branle. Le temps presse, l’argent fait défaut. On ne vit pas d’amour et d’eau fraîche. 

Dr A. B.

(*) Le titre est une citation de Serges Gainsbourg

Auteur
Dr A. Boumezrag

 




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