22 novembre 2024
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Marseille ou le fatalisme jusque dans l’éducation.

L’oeil de Zina

Marseille ou le fatalisme jusque dans l’éducation.

Marseille est un véritable laboratoire de sociologie : les inégalités criantes, les rapports de force inversés à la proportion de la population, les intérêts de minorités prévalent au détriment du bien commun.

L’hyper-centre de Marseille, son vieux port, son fort, sa vue sur la mer est un peu comme ces bistrots chics de la capitale dont on préfère ignorer l’asservissement des pakistanais en cuisine. Belle vitrine mais arrière-boutique interdite aux clients.

On peut serrer les dents ou s’armer de la colère provoquée par l’injustice pour se battre.

Cette semaine j’ai fait le tour des rendez-vous militants de la cité phocéenne. Des débats sur l’Algérie aux débats sur les municipales françaises de 2020. Deux points communs : l’envie de faire bouger les lignes et le désespoir de ne pas y arriver.

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Dans les réunions algériennes, la moyenne d’âge est élevée, la majorité masculine. Dans les réunions françaises, la moyenne d’âge est un peu moins élevée et la majorité est blanche. Je me suis alors demandée où étaient les citoyens marseillais de deuxième génération ? Ceux dont les parents sont arrivés d’Algérie ou des Comores. Où d’ailleurs.

S’ils ne se mobilisent pas sur le pays de leurs parents, qu’en est-il du leur ?

40% des Marseillais n’ont pas voté aux dernières municipales. Parmi les 18-30 ans le pourcentage est explosif puisqu’il frôle les 60%. Ces jeunes sont un peu comme les travailleurs clandestins des arrières cuisines parisiennes : ils n’ont pas l’habitude qu’on leur demande leur avis. Ils ne se battent pas non plus pour en avoir un et le défendre.

Il y a quelque chose de culturel dans cette posture passive. Bien entendu, elle n’est pas aidée par le contexte politique qui ne leur ai pas spécialement favorable. Mais un fléau bien plus interne sévit.

J’ai été amenée à rencontrer des jeunes lycéens marseillais, majoritairement enfants, d’immigrés, et quand je leur demandais ce qu’ils voulaient faire de leurs vies, je n’ai eu que des réponses court-termistes : «La vente, la restauration, VTC ou posséder un bazar».

Pas de créativité, pas d’ambition, pas d’horizon.

On pourrait penser que c’est une question de moyens. Mais même au sein de l’Intelligentsia et des classes sociales plus favorisées, il y a quelque chose de l’ordre de la soumission et du fatalisme chez les Algériens d’origine.

Jeune fille, on m’a toujours fait comprendre que je devais être discrète, ne pas parler fort, ne pas me faire remarquer, avoir des bonnes notes mais ne pas s’en vanter, briller sans illuminer. Bien réussir mais éloigner l’œil.

Derrière ces injonctions parfois schizophrènes, il y a un désir d’intégration réussie mais surtout la soumission de la dernière génération de colonisés que constituent nos parents.

Notre dialecte n’est pas «une vraie langue», notre pays est « chaotique »…Pour mes oreilles d’enfant, «aarab» était un adjectif négatif trempé à toutes les sauces.

Quelque chose me dérange intellectuellement dans cette posture. Être à la fois nationaliste et hyper complexé ça marche pas. Et merci la crise identitaire. Il est temps de s’affranchir des pratiques d’autoflagellation.  Mes enfants j’aimerais leur dire que s’ils veulent, ils peuvent déplacer des montagnes. J’aimerais le dire à vos enfants aussi. Il faut que parents ET enfants fassent la paix avec leur identité. Les premières graines de confiance en soi se trouvent dans l’éducation.

Ils sont 150 000 électeurs potentiels ici à Marseille. De quoi déplacer plusieurs montagnes : la corruption, le clientélisme, la pauvreté.

Auteur
Zina Mebkhout

 




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