Jeudi 16 mai 2019
Le pouvoir serait-il dans l’impasse ?
Au lendemain de l’indépendance, la société entière se trouvait désorganisée, déstructurée, atomisée, fragilisée. C’est pourquoi, l’armée, seule force organisée du pays, a réussi à imposer une organisation étatique paramilitaire, fortement structurée.
L’Etat est une personne morale de droit public, c’est à dire une création de droit, donc en réalité une fiction juridique. Derrière ce voile, se trouvent des personnes physiques auto-investies de pouvoirs nécessaires au fonctionnement de cette entité abstraite qu’est l’Etat. Ce groupe de personnes n’a reçu aucun mandat des citoyens et par conséquent, il ne peut perdre son mandat en cas de mauvaise gouvernance. Il n’a de compte à ne rendre à personne.
Les évènements de l’été 1962 nous montrent que les cadres issus de l’armée des frontières et de l’administration coloniale sont les représentants d’une petite bourgeoisie partisane d’un Etat fort, fort par sa capacité à contraindre que par sa volonté à convaincre, se fondant sur la loyauté des hommes que sur la qualité des programmes, se servant de la ruse et non de l’intelligence comme mode de gouvernance.
Que ce soit dans l’armée ou dans l’administration, des secteurs éminemment improductifs, nous sommes en présence de dirigeants qui sont des hommes d’appareils ayant fait toute leur carrière dans l’armée et/ou dans l’administration, ils connaissent tous les mécanismes, tous les rouages, toutes les ficelles et dans lesquels les liens de vassalité l’emportent sur les qualités professionnelles.
Des hommes qui obéissent aux ordres et non aux lois. Ils sont constitués de fonctionnaires et non d’entrepreneurs, des gens qui « fonctionnent » et non qui « produisent », des hommes de pouvoir et non des hommes d’Etat. Ils raisonnent à court terme et non à long terme. Ils sont dans la tactique et non dans la stratégie. Ils réfléchissent à la prochaine élection et non au devenir des générations futures.
Un homme politique connu Sid Ahmed Ghazali affirma sans sourciller « nous sommes les harkis du système ». Les appareils qui les ont projetés au-devant de la scène n’ont pas pour vocation, de construire une économie productive ou de fonder un Etat de droit mais d’assurer la stabilité et la pérennité d’un régime politique autoritaire et bureaucratique devant résister « aux évènements et aux hommes ».
Des appareils étatiques aux soubassements idéologiques affirmées, financés exclusivement par la fiscalité pétrolière et gazière se passant de la contribution fiscale des citoyens comme dans toute nation qui se respecte. C’est la raison pour laquelle, les dirigeants n’éprouvent pas le besoin de rendre compte de leur gestion aux citoyens du moment que les gisements pétroliers et gaziers sont la propriété de l’Etat et non de la nation. L’Etat étant une propriété privée quant à la nation algérienne, elle est en gestation. L’armée est le principal instrument garant de la formation économique et sociale algérienne. Son activité s’étend à tous les secteurs de la vie économique et sociale. L’envoi des militaires dans le civil vise la constitution d’une sorte de club de managers sur lequel le pouvoir prend appui. Le sort de l’Etat est lié structurellement à celui des militaires, car seule l’armée est en mesure de faire un Coup d’Etat, c’est à dire substituer une équipe à une autre. La vision de l’Etat par l’armée se caractérise par le rejet de l’Etat libéral. Ses faveurs vont vers le modèle soviétique, un modèle obsolète. L’Etat prend corps à partir de l’armée, il s’impose donc à la société. Mais pour se mettre en place, il a besoin du soutien du peuple. Par conséquent, il lui est nécessaire de se référer à lui pour se légitimer.
L’Etat s’est institué propriétaire des gisements pétroliers et gaziers. Les revenus pétroliers ont permis d’assurer à beaucoup de ménages des ressources sans toujours exiger d’eux en contrepartie un travail productif. L’argent facile implique un travail facile.
Trop proche de l’Etat et fort éloignée de la société, l’intelligentsia a mis son savoir au service du pouvoir et ayant cédé aux attraits des fonctions d’autorité matérielles et symboliques, elle n’a pas cherché à formuler des questions esquivées par le discours d’autorité.
Transformant sa réflexion en simple sous traitance des décisions politiques, elle est devenue en revanche incapable de fournir des pensées libres et lucides, aptes à rendre compte de l’imaginaire collectif et des pratiques sociales. Le projet de modernisation s’enracine dans la guerre de libération. Il incarne l’indépendance du pays.
Il doit réaliser les espoirs d’égalité et de prospérité sociale c’est à dire tenir compte des aspirations populaires. Il doit réaliser les espoirs d’égalité et de prospérité sociale c’est à dire tenir compte des aspirations populaires.
Pour se reproduire, le pouvoir est obligé de produire du clientélisme. Le clientélisme occupe une place importante dans les mutations sociales dont l’enjeu principal réside dans le contrôle de l’Etat.
Le clientélisme ne peut être viable et notamment rétributif que s’il se greffe sur les structures étatiques. Il perpétue une situation de domination basée sur un accès inégal aux ressources et au pouvoir.