Vendredi 3 août 2018
L’Algérie ou ce terrible sentiment d’infériorité culturelle
«Pourquoi notre cinéma peine-t-il à prospérer ?» Ce n’est pas seulement une question de sous, m’a confié récemment un Européen connaisseur et amoureux de l’Algérie.
C’est quoi alors ?, lui ai-je dit tout de go. «Je fais de fréquents allers-retours en Algérie depuis pratiquement le début des années 1970. A l’époque, le cinéma y était très florissant, malgré le peu de moyens à la disposition de ce secteur et l’amateurisme des réalisateurs. Partout, les salles de cinéma attirent des foules nombreuses, c’était le boom! «Quel en est le secret ?». «De la fierté à montrer ce que l’on a et de l’estime de soi». «c’est-à-dire?». «Je vais t’expliquer une chose : un commerçant ne peut jamais vendre un produit, s’il n’est pas convaincu lui-même de son utilité.
L’Algérie avait adopté une voie unique en Afrique du Nord dans ce sens-là. Ceux qui faisaient du cinéma à l’époque donnaient de la considération à ce qu’ils produisaient, aidés en cela par des autorités acquises à la cause de la culture, euphorie de l’indépendance oblige. Résultat : les films locaux sont très demandés!». «et tu penses que ce n’est pas le cas aujourd’hui?». «La semaine passée, j’avais assisté à Paris à une semaine culturelle consacrée au cinéma algérien, n’était-ce la présence de quelques Européens curieux de découvrir la culture du Maghreb, la salle aurait été quasi vide. Dommage!».
« A quoi cela est-il dû à ton avis?» «D’une part, au manque de publicité de la part des chargés de la culture au niveau de l’appareil étatique.
D’autre part, parfois on a l’impression que les réalisateurs eux-mêmes croient que leurs films intéressent peu le public et y mettent peu d’énergie pour les diffuser ! Comment veux-tu alors que les spectateurs viennent pour les regarder?». «Tu veux dire que c’est le manque d’encouragement des pouvoirs publics, du sponsor et de la publicité qui a freiné notre production cinématographique?». «Pas que ça! ça participe plutôt d’un sentiment d’infériorité culturelle». «Comment ça?» «Regarde! Moi par exemple, j’apprécie beaucoup des films algériens classiques tels que : Omar Gatlatou de Merzak Allouache «Tahia ya Didou» de Mohamed Zinet ou «Chronique des années de braise» de Mohamed Lakhdar Hamina. Des bijoux ! On y trouve de l’humour, de la comédie, du réalisme, de l’histoire et plein d’autres choses originales et enrichissantes. Malheureusement, tout ce trésor est ignoré ! Comme si on n’y retrouve rien de digne à voir ou qu’on a honte de ce que l’on a. Pire, certains considèrent tout ce qui vient de l’intérieur du pays comme ayant peu de valeur, un véritable désastre.»