23 novembre 2024
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Centenaire du Traité de Versailles : un traité de paix qui déclare la guerre

RAPPEL

Centenaire du Traité de Versailles : un traité de paix qui déclare la guerre

Le 28 juin 1919, il y a cent ans, fut signé le Traité de Versailles dans la célèbre galerie des glaces du château. Jamais l’expression « Gagner la guerre n’est pas gagner la paix » n’aura trouvé plus bel exemple qu’un traité de paix qui créa par ses conditions les germes d’une déflagration future qui allait de nouveau saigner l’Europe.

En cette commémoration je ne peux éviter de rappeler la plus grande leçon que nous retenons de ce célèbre traité qui, accompagné d’autres, confirma la paix au lendemain de la première guerre mondiale entre les principaux belligérants européens et les États-Unis (même si ces derniers s’en retirèrent ultérieurement). 

C’était pourtant écrit dès le départ que ce traité était une véritable déclaration de guerre à une Allemagne qu’on a voulu humilier à un tel point que le régime nazi et son réveil hégémonique ultérieur peuvent être qualifiés de logiques. On peut l’affirmer sans y adjoindre la moindre excuse pour l’horreur de la réaction allemande et légitimer l’inacceptable. 

Par cette affirmation je veux dire que si les alliés avaient souhaité créer le régime nazi, il ne s’en seraient pas mieux pris. Une conclusion qui fait l’unanimité de tous les historiens. Et dans cette monumentale erreur, la France fut en première ligne car c’est elle qui paya le tribut le plus lourd en hommes et en désastre économique et qui fut la plus intraitable pour exiger que «L’Allemagne paye ».

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Tout d’abord, le décor de la pièce de théâtre comme symbole de l’humiliation. La France a souhaité signer ce traité au même endroit que celui imposé par les Allemands pour l’humilier en la forçant à y signer la capitulation de 1870.

Dans le même ordre d’idée, la date précise du 28 juin fut choisie symboliquement car elle est la date de l’attentat de Sarajevo, le jour de l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, héritier de l’Empire austro-hongrois. Tout le monde sait que l’enchevêtrement des alliances de l’époque ont conduit à une escalade dans laquelle chacun des États signataires devait apporter son soutien militaire à la partie menacée, jusqu’au déclenchement d’une guerre généralisée. Le point de départ de l’escalade fut l’attentat de Sarajevo.

En 1870, les Allemands avaient choisi ce lieu prestigieux car il représentait la mémoire de la puissance royale depuis Louis XIV et ses guerres européennes. Ce petit jeu entre les deux puissances rivales n’en finissait pas dans l’histoire, nous pouvons relever également la fameuse signature de l’armistice dans un train que les uns avaient choisi comme décor de la capitulation, exigé par les autres, dans les mêmes conditions pour la revanche.

En fait, si nous élargissons la vision temporelle, cette séquence du château de Versailles, en 1870 puis en 1919 est le reliquat d’une bataille historique séculaire. Le royaume de France et ce qu’on appelait le « Saint empire germanique » (le nom actuel de l’Allemagne n’existait pas encore ni sa délimitation territoriale contemporaine) fut une querelle continue de batailles, de conquêtes territoriales et de traités signés pour être aussitôt foulés au pied.

Et c’est justement durant ces siècles de face à face des deux puissances que se sont déclarés des litiges territoriaux profonds par lesquels chacun revendiquait une parcelle de territoire qu’il considérait comme sienne. L’Alsace et la Lorraine furent la cause majeure des déclarations de guerre puisque la France reprendra ce qu’elle pensait avoir perdu par la force illégale en 1870. 

Si cette explication que nous venons de donner est le terreau d’une rivalité séculaire, la première guerre mondiale rajouta au désastre car ce fut une boucherie et un cataclysme pour les infrastructures de la France. C’est la raison pour laquelle, de tous les signataires, c’est la France qui voulait définitivement mettre un genou à terre à ce voisin qu’elle considérait comme dangereux et coupable du pire.

Il ne suffisait donc pas aux alliés et, répétons-le, surtout à la France, d’humilier l’Allemagne, fallait-il encore qu’elle paye les conséquences matérielles que son acte a causé. Et les  indemnisations exigées furent considérables.

L’Allemagne fut écrasée par un diktat des plus terribles sans oublier les humiliations que furent l’interdiction d’avoir une armée (tout au moins qu’elle ne puisse plus être un danger pour les autres) et celle de subir une invasion territoriale ultérieure pour sanctionner un pays qui ne respectait pas les conditions rigoureuses imposées.

Tout cela, on pouvait le deviner, fut la cause inéluctable de la seconde guerre mondiale car la doctrine du national-socialisme (le nazisme) est née et a prospéré dans un climat de haine et de vengeance allant jusqu’aux extrêmes que nous connaîtrons avec la seconde guerre mondiale.

Si la cause en est certaine, il fallut un catalyseur pour la mener au bout de sa logique revendicatrice. Il apparut avec la terrible crise économique des années trente, héritée de la crise américaine de 1929. Le peuple allemand fut littéralement asphyxié par une dette de guerre qu’il ne pouvait honorer et qui avait mené jusqu’à la misère  profonde de la population.

Le peuple allemand s’est donc entièrement donné à la doctrine nazi qui lui promettait une revanche en retrouvant la gloire et la dignité passées.  Hitler avait compris combien il était facile de soulever un sentiment de reconquête nationale, voir jusqu’à récupérer les anciennes frontières de l’empire allemand.

Voilà pourquoi les jeunes lycéens s’approprient en cours d’histoire l’une des plus grandes leçons pédagogiques sur la nécessité de ménager les traités de paix afin qu’ils ne tombent plus dans les travers que le monde avait connus avec cette tragédie du traité de Versailles, stupide et dangereusement humiliant.

La leçon fut au moins apprise par un homme qui allait éviter de reproduire l’idiotie du traité de Versailles. Il s’agit du général américain Mac Arthur qui, lors de la défaite du Japon, a insisté et obtenu de son Président (peu convaincu au début), de ne pas humilier le grand peuple japonais dans sa terrible défaite.

Non seulement l’idée fut de ne pas s’en prendre à l’Empereur (destitution et/ou jugement), incarnation identitaire du plus haut rang de la nation, les États-Unis ont contribué à faire du Japon la grande puissance économique d’après-guerre et, surtout, jusqu’à nos jours, l’allié le plus fidèle dans une zone pacifique dont nous percevons l’enjeu contemporain.

Deux traités de paix, deux stratégies différentes, voilà ce que la commémoration du centenaire du Traité de Versailles me pousse à rappeler.

Mais cette leçon du traité de paix ne semble pas entièrement assimilée lorsqu’il y a une tentation d’intervention dans des pays étrangers au motif d’y ramener l’ordre et d’arrêter une menace potentielle. Les situations ne sont pas comparables, bien entendu, mais il y a tout de même un des éléments de la leçon du Traité de Versailles qui peut être évoqué, la nécessite de préparer la paix.

Or, par deux fois en un délai court, en Afghanistan et en Irak, les États-Unis ont su gagner une guerre mais ont échoué à « gagner la paix » comme ce fut le cas au Vietnam. Même si le traité de Versailles ne porte pas sur une erreur identique, on voit bien que les grandes puissances on toujours du mal à « bâtir la paix ».

 

Auteur
Boumediene Sid Lakhdar, enseignant

 




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