Jeudi 27 juin 2019
Ali Mebroukine : Y a-t-il une responsabilité collective dans les malversations ? (Vidéo)
« La loi (le code pénal, ndlr) doit être amendée et complétée parce que les dispositifs de sauvetage des entreprises en difficultés, notamment ceux relatifs au sauvetage de l’emploi, sont surtout destinées à des entreprises publiques », a fait savoir ce mercredi sur les ondes de la radio chaîne 3 le professeur Ali Mebroukine, spécialiste en droit des affaires, à propos de la solvabilité des entreprises dont les patrons sont incarcérés dernièrement pour malversation, détournement de fonds ou corruption.
Lors de l’émission L’invité de la rédaction, le professeur Ali Mebroukine explique que la question à poser est celle de savoir s’il existe, au niveau de ces entreprises, des gestionnaires qui ne sont (ou pas) concernés par ces actions pénales de leurs patrons, pour savoir s’ils peuvent continuer l’activité de ces entreprises ou bien c’est l’ensemble du management qui est responsable de ces malversations commises et auquel cas l’entreprise ne peut être gérée que par une personne qui est extérieure à cette entité.
Que peut-on faire si les dispositions législative ne concernent que le secteur public ? Peut-on considérer que le sauvetage de ces entreprises n’est pas possible ou faut-il espérer des mécanismes puisque le Premier ministre a donné des orientations en ce sens pour sauver des entreprises souffrant concrètement pour préserver les postes de l’emploi ?
Le gouvernement a pris des décisions importantes dont l’objectif est – idem pour tous les pouvoirs publics du monde dont ceux des pays en économie de marché – de sauver l’emploi. Or, les seuls mécanismes existant dans la loi concernent soit la mauvaise gestion de l’entreprise sans qu’il y ait malversations ou infractions commises, soit du fait des entreprises dont le carnet de commande en voie d’évaporation et ne pouvant recouvrer leurs créances et là elles sont réellement en difficultés.
Celles-ci vont s’adresser à la justice – à la demande de l’entreprise – pour bénéficier de tous les avantages du règlement judiciaire, soit de la part de tous les créanciers (qui ont prêté de l’argent à cette entreprise) et qui s’inquiètent de son devenir. La justice, pour sa part, va désigner un juge commissaire, qui, à son tour va désigner un syndic pour gérer provisoirement cette entreprise.
Comme pour tout site productif, il faut alors : soit proposer l’entreprise (viable) à des repreneurs. Soit l’Etat peut mettre le paquet pour nationaliser – mais temporairement – en attendant de trouver un repreneur, citant le cas de Tonic Emballage qui a été racheté par l’Etat.
Le Pr. Mebroukine ne manquera pas de souligner qu’on n’est pas dans le code du commerce mais plutôt dans le cadre de responsables qui ont commis des délits : abus de biens sociaux, fausses déclarations, faux et usage de faux, escroquerie, etc.
Depuis 2004, rappelle l’orateur, on a introduit dans le code pénal la responsabilité pénale des entreprises stipulant que si le juge estime que tous les gestionnaires d’une entreprise en défaut par rapport au trésor public, à ses clients ou à ses créanciers alors tous les responsables incriminés sont passibles de sanctions requises et éventuellement la fermeture de l’entreprise, voire sa disparition.
Comment gérer le dossier de ces entreprises dont les détenteurs sont incarcérés justement pour malversations ?
Pour rassurer, le professeur Mebroukine estime que les cas de figures qui défrayent la chronique aujourd’hui, seules les personnes en détention sont les uniques responsables des délits commis à l’ignorance des autres gestionnaires de leurs entreprises respectives. Toutefois, se pose-t-il la question de savoir où était le commissaire au compte au moment de ces infractions ?
Pour rappel dans le commerce, quand les signaux ne sont plus au vert le commissaire au compte intervient systématiquement pour alerter de défaillance dans la gestion et par ricochet remettre les pendules à l’heure.
«Ces entreprises ne sont pas en difficultés », explique encore le Pr. Mebroukine ajoutant qu’elles étaient plutôt des entreprises qui ont des carnets de commandes, voire prospères d’un certain point de vue, soulignant que « les crédits alloués ont été certes consentis illégalement, en violation de certaines règles prudentielles édictées par la Banque d’Algérie », et de supposer aussi que « parfois il s’agit de remboursements qui n’ont pas eu lieu ou parfois on n’a pas fait les contrôles qu’il fallait ».
Ceci étant su, il conseille qu’il est dans l’intérêt du gouvernement de mettre en œuvre une législation spéciale qui prévoit le sauvetage des entreprises qui équivaut le sauvetage de l’emploi.
«La gestion revient, à la faveur de ces textes de loi, de facto à un administrateur désigné, assisté en cela par un ou plusieurs créanciers de l’entreprise », indique-t-il, tel qu’il est prévu par la loi en vigueur.