La France insoumise et Europe Écologie-Les Verts (EELV) ont conclu dans la nuit du 1er au 2 mai un accord pour les élections législatives de juin, tandis que les négociations avancent avec le Parti socialiste et le Parti communiste français.
« Si les discussions ne se finissent pas cette nuit, alors ça ne terminera jamais », avait lancé Jean-Luc Mélenchon ce dimanche après-midi durant le défilé parisien du 1er-Mai. Si les négociations en vue des législatives de juin se poursuivent avec le PS et le PCF, elles ont finalement abouti à un accord avec Europe Écologie-Les Verts. L’apothéose d’une journée qui a vu les partis de gauche se croiser dans une ambiance bon enfant rarement observée après des années de disputes.
Le Conseil fédéral d’EELV a validé l’accord négocié au cours des deux dernières semaines, par 84 voix pour, 10 contre, 8 bulletins blancs et une personne qui n’a pas participé au vote. Cet accord attribue notamment 100 circonscriptions pour le pôle écologiste, selon des sources proches des négociations. « On a réussi ce qui était impossible il y a plusieurs années », selon Julien Bayou, secrétaire national d’EELV.
On a pu beaucoup discuter et lever bon nombre d’ambiguïtés. En quelques jours, (…) on a réussi ce qui était impossible il y a plusieurs années. Sur l’Europe, nous nous sommes mis d’accord et nous avons levé des ambigüités, des craintes, des incompréhensions. Je pense qu’on répond aussi à une immense attente (…) qui va bien au-delà des cercles écologistes et de gauche. Il y a une attente de rassemblement, de dépassement, de création de cette bannière commune.
Exception faite du petit mouvement Générations qui a signé un accord avec LFI dès jeudi, les négociations entre LFI et EELV étaient les plus avancées des discussions bilatérales engagées par les Insoumis avec chacune des forces de gauche, après les 22% de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle.
Derniers compromis
Le week-end a permis de faire les derniers compromis : autour du rapport à l’Europe – « désobéissance » mais seulement à certaines règles économiques et budgétaires si besoin). C’était le point de contentieux principal sur le fond. EELV craignait le profil potentiellement « frexiteur » de LFI. Mais les Insoumis ont pu s’appuyer sur l’évolution bien réelle de leur doctrine depuis 2017. Plus question de brandir un plan B de sortie de l’Union européenne en cas de blocage. LFI a concentré les discussions sur le concept de « désobéissance » aux traités sur certains points qui bloqueraient l’application du programme.
Le partage des circonscriptions a été le sujet le plus âprement débattu. Les écologistes ont commencé par demander 32 circonscriptions sur les 100 les plus « gagnables ». LFI a répliqué avec une proposition deux fois moindre. Ce qui a provoqué le courroux d’EELV. Finalement, le pôle écologiste (EELV mais aussi Génération écologie de Delphine Batho et Générations fondé par Benoît Hamon) aura en tout 100 circonscriptions environ, dont autour de 30 (plus ou moins) gagnables. En cas de majorité à l’Assemblée nationale, « le Premier ministre serait issu du plus grand groupe à l’Assemblée, soit Jean-Luc Mélenchon », stipule l’accord.
Le nom de l’alliance n’était pas anodin aux yeux des deux parties et il a longtemps été soumis à des discussions. Pour LFI, il s’agissait de conserver « Union populaire », la marque identifiée à la présidentielle, où son candidat Jean-Luc Mélenchon a écrasé le match à gauche avec près de 22%. Mais EELV souhaitait à tout prix que soit inclus le mot « écologique ». Une demande longtemps refusée par les Insoumis, craignant que les socialistes et les communistes ne réclament à leur tour la présence de leur vocable. Ils ont finalement dû céder sur ce point en choisissant le nom fleuve de « Nouvelle union populaire écologique et sociale ».
Des négociations âpres pour un accord historique
Car les négociations n’ont pas été un long fleuve tranquille. Encore mercredi, le chef des écologistes Julien Bayou taclait les négociateurs insoumis jugés trop durs en affaire en conférence de presse. De leur côté, les Insoumis pointaient les « divergences internes » supposées d’EELV.
L’aboutissement de l’accord est historique. La France insoumise et Europe Écologie-Les Verts constituent les deux forces de gauche en dynamique depuis plusieurs années. La première aux présidentielles de 2017 et 2022. La seconde lors des élections intermédiaires depuis les européennes de 2019.
Un accord de LFI avec le Parti socialiste serait tout aussi historique, tant la brouille était profonde depuis le départ de Jean-Luc Mélenchon de Solférino en 2008. Mais il devra attendre. Les négociations ont commencé plus tardivement et se poursuivent logiquement dimanche soir.
La République en marche suit de près l’union de la gauche
Par Anthony Lattier
Du côté de la majorité présidentielle, il n’y a pas d’inquiétude majeure, mais une attention particulière. Chez LREM, on juge que cette union va dérouter une partie des électeurs de gauche car, selon une députée, elle se fait « au détriment des valeurs et projets politiques de plusieurs partis ». La question européenne, par exemple, est mise sous le tapis alors qu’elle est depuis des années un point d’achoppement entre insoumis et écologistes.
Un autre marcheur tacle un « accord de circonstance, purement électoral, qui risque rapidement de voler en éclat ». Malgré tout, cette union change la donne. Notamment parce qu’il y aura forcément plus de candidats de gauche qualifiés au second tour dans les circonscriptions, anticipe un macroniste.
Alors dans la majorité, on se rassure en pensant qu’au second tour, la bannière Jean-Luc Mélenchon devrait avoir un « effet repoussoir » chez les électeurs. Il n’empêche, beaucoup conviennent qu’il y aura plus de députés de gauche élus à l’Assemblée nationale. Pourquoi pas une centaine, dit-on, qui seront d’ailleurs des députés en mesure de ferrailler plus fermement contre le gouvernement et la majorité.
RFI