Après avoir fait marcher son partenaire algérien dans les années 2000 sur le projet de la mise en place d’un gazoduc long de 4000 km et qui part du centre de collecte nigérian du Delta traversant le Niger et l’Algérie dans le but d’approvisionner l’Europe en gaz, le même pays semble tergiverser aujourd’hui pour viser à la fois le Maroc et l’Algérie et dans les deux cas de figure on est resté comme en septembre 2001 au stade de la faisabilité.
Rappelons cette l’idée qui a germé en Algérie et a fortement séduit l’Union européenne a fait l’objet d’un mémorandum d’entente (Mou) d’un projet évalué par la patrie algérienne à 7 milliards de dollars puis de bout en bout réévalué à 3 fois plus soit 21 milliards de dollars à cause des coûts des sociétés de services.
Ce projet a trainé durant les années 2000 durant lesquels les prix du baril et partant celui du million de British Thermic Unit MMBTU qui lui est indexé étaient faibles pour descendre jusqu’à 20 dollars le baril ne permettait pas d’apprécier la rentabilité de cette ouvrage en dépit de la communauté européenne qui insistait à sa réalisation pour réduire sa dépendance du gaz russe.
A partir de 2008, lorsque les prix du baril ont atteint des niveaux impressionnants dépassant parfois les 147 dollars le baril, cette question était reprise avec une attention particulière surtout pour les deux pays de l’OPEP l’Algérie et le Nigeria qui engrangés des recettes plus qu’importantes et fortement soutenus par les Etats de l’Union Européenne (UE).
A cette date, l’Algérie a pris à cœur ce projet au-delà du stade de faisabilité technique mais surtout de la disponibilité des réserves pour apprécier le retour sur investissement d’un projet aussi capitalistique. La partie algérienne avait demandé avant de passer à la phase purement technique d’abord d’évaluer le potentiel de réserves en gaz du Nigeria par un cabinet indépendant spécialisé dans le domaine.
La partie nigériane avait refusé car le pays et sa National Oil Company ne sont pas propriétaires de ses réserves mais l’ensemble de ces réserves sont constituées de gaz associés que les exploitants ne veulent pas vendre pour des raisons qui leurs sont propres et contractuellement valables.
Depuis, la question fondamentale sur un gazoduc transsaharien appelé communément TSGP bute à ce niveau des réserves sue lesquelles les officiels nigérians ne veulent pas donner les détails car officiellement les 5520 milliards de m3 de réserves en gaz disponibles au Nigeria ne sont que des gaz associés exploités par des compagnies privées depuis plus d’un demi-siècle. En termes simples, le pays, ne disposant pas de gisements purement gaziers comme Hassi R’mel en Algérie ou Z’hor en Egypte, avance à qui veut l’entendre des chiffres de réserves dont il n’a aucune souveraineté sur leur exploitation.
Depuis, la partie algérienne a jugé ce projet trop risqué par une disponibilité de gaz à transporter, difficile à circonscrire auquel il fallait ajouter le vandalisme de la région pétrolière du Delta nigériane où s’accumule le gaz par la population locale. Par ces causes, ce projet a perdu de son ampleur puis progressivement abandonné carrément.
Il fallait attendre beaucoup plus tard en 2021 lors du 23e congrès tenu à Houston aux Etats-Unis durant lequel le ministre du Pétrole, nigérian Timipire Sylva avait annoncé publiquement que le Nigeria aspire à booster les réserves du gaz naturel de 191% à 600 Trillon de pieds cubes au cours des prochaines années.
Il a déclaré : « Nous avons beaucoup de gaz au Nigéria. Nous avons actuellement 206 000 milliards de pieds cubes de réserves de gaz, un volume découvert accidentellement alors que nous cherchions du pétrole. Si nous nous efforçons vraiment de rechercher du gaz de manière ciblée, nous trouverons jusqu’à 600 000 milliards de pieds cubes de gaz »
Cette nouvelle est bien tombée dans un contexte quasi-post-Covid-19 et où la discussion vers une énergie propre et surtout respectueuse de l’environnement où le gaz jouera un rôle important pour l’atteindre. Ceci a relancé encore une fois ce projet mis en veilleuse depuis deux décennies.
Un projet resté à l’étude de faisabilité
Il est alors proposé au Maroc dont le fonds spécial de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) devait signer un accord pour un financement de 100 millions de dollars pour booster l’étude justement de sa faisabilité. Mais avec un changement total d’itinéraire selon le ministre nigérian du Pétrole Timipire Sylva qui le situe comme une extension de gazoduc qui va du Sud du Nigéria au Bénin, au Ghana et le Togo en service depuis 2010 pour continuer le piping jusqu’au Maroc.
Cette semaine il y a eu une visite d’une délégation algérienne conduite par le ministre du l’Energie algérien dans la ville d’Abuja au Nigéria pour relancer l’ancien itinéraire qui passe par le Niger lui aussi présent à cette rencontre.
Il se trouve que la délégation algérienne est restée jusqu’à présent et malgré l’expérience passée dans ce projet au stade de la faisabilité avec en plus une procédure accélérée sans aucun détail sur les réserves. Mais tout porte à croire qu’il s’agit pour les uns et les autres d’un simple fait d’annonce pour séduire les pays européens en grande difficulté d’approvisionnement en gaz à cause de la crise ukrainienne. S’agit-il d’une autre affaire à suivre ?
Rabah Reghis
Note complémentaire sur le sujet
https://www.sikafinance.com/marches/nigeria-les-reserves-de-gaz-naturel-pourraient-tripler-a-600-000-milliards-de-pieds-cubes_31777https://www.lepoint.fr/afrique/nigeria-maroc-le-projet-de-gazoduc-s-accelere-03-06-2022-2478180_3826.php