Survenues soudainement lundi et mardi sur les deux pipelines, Nord Stream 1 et 2 en mer Baltique, ces fuites seraient la conséquence d' »actes délibérés », selon le Danemark.
Des bouillonnements en pleine mer. Dans des circonstances troubles, les gazoducs Nord Stream 1 et 2 reliant la Russie à l’Allemagne ont été subitement touchés par des fuites, en mer Baltique, lundi 26 et mardi 27 septembre. Les autorités des différents pays concernés n’ont pas trouvé d’explications à ce stade mais n’excluent pas l’hypothèse d’un sabotage. Conséquence de la guerre en Ukraine, les pipelines ne sont pas opérationnels, mais tous les deux sont encore remplis de gaz.
Trois fuites « extrêmement rares » et inexpliquées
Trois fuites ont été détectées par les autorités suédoises et danoises. Une première a été identifiée lundi sur Nord Stream 2, puis deux autres, le lendemain, sur Nord Stream 1. Elles sont localisées au large de l’île danoise de Bornholm, en mer Baltique, en deux points séparés de plus de 70 km : l’un dans les eaux territoriales suédoises, l’autre dans les eaux danoises.
« Les fuites de gazoducs sont extrêmement rares », a commenté dans un communiqué le directeur de l’Agence danoise de l’énergie, Kristoffer Böttzauw. Assez rares pour obliger les autorités à « augmenter le niveau de vigilance », a-t-il ajouté. Le niveau d’alerte a été porté à orange, le deuxième plus élevé. La navigation est interdite dans un rayon de cinq milles nautiques (environ neuf kilomètres), ainsi que leur survol dans un rayon d’un kilomètre.
Des mesures concrètes pour augmenter la sécurité des usines et des installations du gazoduc vont devoir être instaurées par les entreprises du secteur, notamment concernant l’accès, la surveillance et la bonne tenue des installations.
Selon les autorités, les incidents sont sans conséquences pour la sécurité ou la santé des résidents des îles danoises voisines de Bornholm et de Christiansø. L’impact environnemental devrait lui être local et limité, selon les premières évaluations.
Des « actes délibérés », selon Copenhague
« Il est difficile d’imaginer que c’est accidentel », a estimé mardi la Première ministre danoise, Mette Frederiksen, n’excluant pas un possible sabotage. Mardi soir, elle a affirmé que ces fuites étaient dues à « des actes délibérés » et qu’elles devraient durer « au moins une semaine ».
Les autorités russes se disent « extrêmement préoccupées par la situation ». De son côté, l’exploitant des pipelines, le consortium Nord Stream, dépendant du géant Russe Gazprom, a dit ne pas avoir pu voir ni évaluer les dégâts, mais a reconnu le caractère exceptionnel de la situation. « Un incident durant lequel trois tuyaux éprouvent simultanément des difficultés, le même jour, n’est pas ordinaire », a déclaré un porte-parole à l’AFP.
Les autorités allemandes n’ont pas officiellement réagi, mais une source proche du gouvernement, citée par le quotidien allemand Tagesspiegel, déclare que « tout parle contre une coïncidence » et en faveur d’une « attaque ciblée ».
Des explosions sous-marines entendues
Le Réseau sismique national suédois (SNSN) a déclaré mardi qu’une trentaine de stations suédoises de mesure de l’activité sismique avaient enregistré « deux puissantes explosions sous-marines », aux endroits des fuites de gaz sur le pipeline Nord Stream. Une donnée qui alimente l’hypothèse d’un sabotage.
La première détonation a été captée à 02h03 lundi matin et la seconde à 19h04 lundi soir, aux deux endroits où des fuites ont été signalées respectivement à 13h52 et 20h41, a détaillé le directeur du SNSN, Björn Lund, à la télévision publique suédoise. Il précise que la zone est rarement utilisée par l’armée, qui n’a pas indiqué procéder à des exercices à ce moment-là, « comme elle le fait habituellement ».
Kiev dénonce « une attaque terroriste » planifiée par Moscou
Les autorités ukrainiennes ont, elles aussi, réagi à l’annonce des fuites. Pour Kiev, elles seraient le résultat d’un acte terroriste piloté par Moscou. « La fuite de gaz à grande échelle de Nord Stream 1 n’est rien de plus qu’une attaque terroriste planifiée par la Russie et un acte d’agression contre l’Union européenne », a affirmé sur Twitter le conseiller de la présidence ukrainienne, Mykhaïlo Podoliak.
Il a également ajouté que la Russie souhaitait « déstabiliser la situation économique en Europe et semer la panique avant l’hiver », sur fond de craintes d’une crise énergétique sans précédent dans les prochains mois. « La meilleure réponse à un tyran (…) ce sont des chars pour l’Ukraine », a-t-il encore écrit sur Twitter, appelant à plus de livraisons d’armes occidentales à l’armée ukrainienne pour faire face aux troupes de Moscou.
Des gazoducs au cœur d’un bras de fer géopolitique
Les deux pipelines font l’objet d’une bataille géopolitique ces derniers mois. Construit en parallèle au gazoduc Nord Stream 1, le pipeline Nord Stream 2 était destiné à doubler la capacité d’importation de gaz russe en Allemagne. Mais sa mise en service a été suspendue par Berlin, en représailles contre l’invasion de l’Ukraine par Moscou. Gazprom a par ailleurs progressivement réduit les volumes de gaz livrés par Nord Stream 1 jusqu’à la fermeture complète du gazoduc à la fin du mois d’août, accusant les sanctions occidentales d’avoir retardé les réparations nécessaires du pipeline.
Avec Francetvinfo