Au Mali, Iyad Ag Ghaly a rencontré des représentants des groupes armés du Nord, signataires de l’accord de paix de 2015. Le ou les entretiens se sont déroulés en fin de semaine dernière, près de Kidal. Le chef du Jnim (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans), lié à al-Qaïda, souhaite concentrer les efforts de tous contre le groupe État islamique mais sans passer d’alliance formelle.
Certains parlent d’une grande réunion, d’autres d’une succession d’entretiens, entre mercredi et jeudi 26 janvier, à Djounhane, à une quarantaine de kilomètres de Kidal.
Plusieurs hauts cadres de différents groupes armés du Nord ainsi que des sources sécuritaires assurent qu’Iyad Ag Ghaly a rencontré trois personnalités de marque. La première, c’est Alghabass Ag Intallah : patron du HCUA membre de la CMA (ex-rebelles indépendantistes) et du CSP (qui rassemble les groupes armés du Nord signataires de l’accord de paix de 2015 conclu avec l’État malien, toutes tendances confondues).
La seconde, c’est le Général El Hadj Ag Gamou: Général de l’armée malienne et chef militaire du Gatia, groupe armé membre de la Plateforme (groupes armés du Nord ayant toujours défendu l’unité de l’État malien) et du CSP.
Enfin, la troisième, c’est Mohamed Ag Intallah: frère d’Alghabass, Amenokal (première autorité traditionnelle) de Kidal et membre du CNT, le Conseil national de transition (organe législatif de la Transition depuis le Coup d’État militaire d’août 2020). Une rencontre au sommet.
Certaines sources démentent toutefois la présence personnelle d’Alghabass Ag Intallah et du Général Gamou mais reconnaissent la participation d’« émissaires du CSP » ayant accepté, à sa demande, de discuter avec Iyad Ag Ghaly.
Pas d’alliance avec le CSP mais un ennemi commun: le groupe Etat islamique
Selon ces sources, Iyad Ag Ghaly a d’abord demandé aux groupes armés signataires de l’accord de paix de 2015 de concentrer leurs efforts contre le groupe jihadiste rival, la branche sahélienne du groupe État islamique, à l’offensive depuis bientôt un an dans le nord-est du Mali, principalement dans la région de Ménaka.
« Iyad ne veut pas faire alliance avec le CSP, les mouvements armés ne l’intéressent pas mais il veut l’assurance que le CSP ne prendra pas le Jnim pour cible », résume une source. Sur ce point, le chef du Jnim a obtenu satisfaction : « Il a eu l’assurance que le Jnim n’était pas la cible prioritaire du CSP, pour le moment », confirme un interlocuteur proche des participants.
Pacte de non-agression
Les différentes sources jointes par RFI assurent qu’il ne s’agit donc, en aucun cas, d’une alliance avec les jihadistes du Jnim mais d’une sorte de pacte de non-agression temporaire contre l’ennemi commun du moment, à savoir l’EIGS. Ce qui est d’ailleurs déjà le cas puisque ces derniers mois, si les groupes armés signataires n’ont jamais combattu aux côtés du Jnim, ils n’ont plus combattu que l’EIGS. Le groupe État islamique est responsable de massacres massifs de civils. On déplore plus de 900 morts en quelques mois, selon le décompte des communautés locales.
Le CSP considère donc le groupe État islamique comme la menace actuellement la plus forte pour les populations du nord du Mali. Une réunion est d’ailleurs prévue le 10 février prochain à Kidal, pour déterminer une stratégie commune de défense et préciser les contours d’une collaboration militaire des différents groupes armés signataires.
Le Jnim veut recruter parmi les communautés
Mais Iyad Ag Ghaly est bien en campagne de recrutement et il a aussi formulé une seconde requête : si le chef du Jnim ne demande pas de contribution au CSP, il sollicite en revanche celle des communautés et des chefs de fractions.
« Il veut des hommes et des moyens militaires, pose clairement un important chef communautaire du Nord, et il demande aux populations de le rejoindre. C’est ce qu’il avait fait à Ménaka, ces dernières semaines. Maintenant, il continue à Kidal. »
La rencontre d’Iyad ag Ghaly et de plusieurs notables touaregs de Ménaka avait même fait l’objet d’une communication du Jnim, il y a un peu plus d’une semaine, sur son organe de propagande Al-Zallaqa.
Selon les différentes sources qui ont accepté de se confier à RFI, Iyad Ag Ghaly cherche toujours des renforts et compte sur la fibre communautaire – voire sur les rivalités entre fractions – pour y parvenir.
C’est ce relai auprès des communautés qu’il aurait notamment demandé à Mohamed Ag Intallah, l’Amenokal de Kidal, qui rencontre régulièrement, de par sa fonction, les représentants traditionnels de la zone.
Califat islamique
Mais Mohamed Ag Intallah n’est pas seulement l’Amenokal de Kidal, il est également membre du CNT qui fait office d’assemblée législative en cette période de Transition. Selon plusieurs sources – toutes ne l’ont pas confirmé – Mohamed Ag Intallah aurait proposé à Iyad Ag Ghaly de jouer le rôle de facilitateur avec les autorités de Transition, pour de futurs échanges. Certaines sources affirment même qu’il était déjà présent à cette réunion avec le statut d’émissaire de Bamako. Sollicité par RFI, le ministère malien de la Réconciliation nationale n’a pas donné suite.
Au cours de ce ou de ces entretiens, Iyad Ag Ghaly aurait enfin précisé son projet de califat islamique : « Il souhaite l’instaurer dans trois zones : l’Azawad (terme local désignant les régions du Nord, les indépendantistes conférant à ce terme une notion administrative et pas seulement géographique, ndlr), le Macina (dans le centre du Mali, fief de la Katiba Macina dirigée par Amadou Kouffa, membre du Jnim, ndlr) et le sud du Mali », détaille une source.
Iyad Ag Ghaly aurait aussi assuré avoir « des soutiens à Bamako » et au sein des « grandes puissances », en allusion à la France et aux Etats-Unis. Des propos rapportés par plusieurs sources, certaines y accordant du crédit, d’autres jugeant qu’il ne s’agit que d’un élément de communication invraisemblable et infondé.
RFI