22 novembre 2024
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Algérie : gouverner c’est importer, gérer c’est dépenser 

 

Palais du gouvernement

L’économie algérienne est une économie largement ouverte sur l’extérieur, les exportations d’hydrocarbures constituent l’unique possibilité sinon l’unique recours au financement d’un vaste programme d’investissement et d’importation.

Les recettes pétrolières et gazières représentent 98 % des revenus en devises du pays et couvrent plus de 75 % des besoins des ménages, des entreprises et des administrations. Etant propriétaire des gisements pétroliers et gaziers, l’Etat a donc le droit de s’approprier la rente qui la conforte dans la gestion de l’économie et de la société. L’existence d’une rente importante a permis aux salaires d’absorber l’ensemble des pertes de productivité ; le développement du pouvoir d’achat n’est pas suivi d’une offre substantielle et finit donc par aller gonfler la demande d’importation.

La prodigalité peut être largement montrée à travers une logique distributive particulièrement due à une politique d’emplois improductifs et des salaires sans rapport avec les normes d’encadrement et de productivité. L’Etat, en généralisant le système de distribution sans contrepartie productive offre des avantages aux favoris du système c’est-à-dire à la couche au pouvoir et à sa périphérie.

Pour bénéficier de tels avantages, il suffit de jouir d’un « capital relations » assez important, il n’est pas besoin d’avoir davantage d’argent. Plus encore, ces nouvelles fortunes se développent sous la protection de l’Etat qui leur réserve l’accès à ce marché. L’abondance des ressources a permis de reléguer à l’arrière-plan tout effort en offrant à une population un minimum rendu possible par un environnement international favorable. C’est la politique de « la carotte au bout du bâton » qui va s’installer durablement en Algérie pratiquée tant localement que par l’étranger.

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L’absence d’autorité légitime maintient le niveau de production et de productivité au plus bas, un niveau de gaspillage et de dilapidation au plus haut et un niveau d’instruction et de formation au plus bas.

De plus, il suffit de considérer les graves dysfonctionnements dont souffre actuellement l’Algérie pour se persuader qu’une forte croissance de revenu en devises ne mène pas nécessairement au développement économique. La légitimité historique s’amenuise sans disparaître pour autant.

Une hérédité sociale semble se mettre en place et par laquelle se transmettent des positions de domination et se perpétuent des situations de privilèges. L’erreur de la stratégie algérienne de développement réside à notre sens dans l’automatisme qui consiste à vouloir se débarrasser de ce que l’on a au lieu de l’employer productivement chez soi. La finalité de l’économie fût ainsi dévoyée, car il ne s’agissait pas d’améliorer ses conditions de vie par son travail mais par celui des autres grâce au relèvement des termes de l’échange avec l’extérieur.

Or, il nous semble qu’une amélioration des termes de l’échange avec les pays développés ne peut être acquise que par une valorisation du travail autochtone. L’insertion dans le marché mondial fragilise l’Etat algérien soumis aux aléas de la conjoncture mondiale. La richesse pétrolière et gazière a façonné tout un comportement social à l’égard de la consommation, des investissements, de l’emploi et du monde des affaires.

Le pays s’est mis à « importer » le développement (industrie industrialisant) pour finir par « importer » la survie (vaccin anti-covid-19), évolution qui a entraîné une expansion considérable du secteur des services et de l’administration et une quasi-disparition des activités traditionnelles comme l’agriculture, l’artisanat, la pêche etc… Les revenus pétroliers ont gagné le secteur privé via les dépenses gouvernementales, toute une série de mécanismes de redistribution ont débouché sur la création de fortunes privées. La rente énergétique est responsable des profondes modifications des structures économiques et de leurs caractéristiques sociales.

Au cours de la décennie 70, l’explosion des prix pétroliers avait amené les gouvernements à supposer que la croissance des revenus pétroliers se poursuivrait à des taux très élevés d’où le recours abusif à l’endettement. De telles attentes ont entraîné une estimation erronée des perspectives futures et encourager une idée fausse étant donné le manque de ressources autres que le pétrole ou le gaz.

L’idéologie du développement, la construction de l’Etat et le décollage économique ont eu comme conséquence la démobilisation de la société et son indifférence vis à vis des problèmes du pays. Tout un comportement social à l’égard de la consommation, de l’emploi, et du monde des affaires a été façonné par la rente énergétique. Elle a donné naissance à une véritable débauche des dépenses publiques et à une grande auto-complaisance en matière de politique économique et sociale. Elle a constitué un soporifique en masquant toutes les insuffisances en matière de production et de gestion. Elle a donné naissance à une classe de privilégiés assoiffés de richesses matérielles surtout d’origine étrangère.

Les variations constitutionnelles, la confection des lois et les pratiques institutionnelles ne sont tendues en réalité que vers la consolidation et la mainmise de la petite bourgeoisie sur l’Etat, les sources d’accumulation, et les prébendes distribués par le capital international.

L’Etat devient une réalité incontournable pour survivre ou s’enrichir. Les solutions technocratiques fondent l’exclusion de larges segments sociaux de l’Etat et du processus de développement. L’histoire postcoloniale démontre en effet que l’Etat dans son extension  a réussi à dominer la société et non à la servir.

Trop gouverner, c’est mal gouverner, trop importer, c’est mal importer, trop dépenser, c’est mal gérer, trop bâtir, c’est mal bâtir. Cette situation est appelée à être dépassée au fur et à mesure que les agents économiques et sociaux prennent conscience de leur autonomie et au fur et à mesure que l’économie devient productive, féconde et créative.

Dr A.Boumezrag

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