Cette nouvelle façon de délivrer de la chimiothérapie chez les patients fonctionne comme des mini-bombes injectées directement au cœur des cellules tumorales. Elle limite ainsi les effets secondaires, même s’ils ne disparaissent pas complètement.
Ces trois cancérologues américains croisés vendredi 2 juin à l’ASCO, le congrès mondial du cancer à Chicago, ne se remettent pas des résultats des anticorps conjugués dans le cancer du sein, qui avaient déjà fait sensation l’an dernier. Chacun y va de son commentaire extatique : « résultats fantastiques », « bénéfices spectaculaires », « on a la chance de vivre dans un monde où existent les anticorps conjugués« .
Cette année, il y a, au programme du Congrès, pas moins d’une cinquantaine de résultats d’essais sur des anticorps conjugués. Le principe de cette thérapeutique consiste à utiliser de la chimiothérapie, mais plutôt que de la faire passer par le sang dans tout le corps, la chimio est envoyée pile sur la tumeur.
« On colle la chimiothérapie sur une fléchette, qui est en général un anticorps, qui va aller reconnaître une cible sur la cellule tumorale », déclare le professeur Benjamin Besse, directeur de la recherche clinique à l’institut anticancer Gustave Roussy de Villejuif
« Sur un anticorps, on peut coller plusieurs molécules de chimiothérapie, donc on va dire que la fléchette peut être assez chargée en molécules de chimiothérapie« , ajoute le professeur Besse. La fléchette est alors avalée par la tumeur et la chimio explose à l’intérieur, comme des mini-bombes.
Moins d’effets secondaires et un énorme champ des possibles
En visant uniquement la tumeur, cette technique permet de ressortir d’anciennes chimio rangées au placard. « Ce sont des molécules de chimiothérapie qui avaient été découvertes il y a longtemps mais beaucoup trop toxiques quand on les injectait directement dans le sang et qui avait été un peu oublié. Avec cette nouvelle structure de médicaments, on a pu ressortir ces médicaments très toxiques et en les ciblant directement sur les cellules tumorales, on limite au maximum les effets secondaires. »
Des effets secondaires, il y en a quand même malgré tout, car des résidus de chimiothérapie s’échappent de la tumeur, reconnaît le professeur Sara Hurvitz, de l’Université de Californie. Elle a mené un essai avec des anticorps conjugués dans le cancer du sein. « Cela a provoqué des nausées, des vomissements aux patientes qui les ont testés, des pertes de cheveux aussi et plus rarement, dans 10 à 12% des cas, des problèmes pulmonaires« .
Une session du Congrès du cancer de Chicago sera d’ailleurs dédiée dimanche 4 juin aux effets secondaires des anticorps conjugués et à la façon de les réduire. Car il y a des améliorations à trouver, on en est seulement à la première génération de cette thérapeutique, admettent les cancérologues. Ils s’enthousiasment sur cet énorme champ des possibles, avec peut-être, très rapidement, des applications dans les cancers du poumon et des ovaires.
Avancée majeure
C’est une avancée notable dans la recherche sur le cancer du sein qui a été présentée, dimanche 5 juin, au Congrès du cancer de Chicago (États-Unis) et publiée dans la foulée dans la revue médicale de référence New England Journal of Medicine. Une étude internationale (en anglais) a montré qu’un traitement fonctionnant jusqu’alors chez un nombre limité de malades est finalement efficace chez un plus grand nombre. Il pourrait à terme être prescrit à la moitié des femmes atteintes d’un cancer du sein.
Depuis un an, un traitement existe pour les patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique dont la tumeur présente une protéine en très forte quantité, la protéine HER2. Ces patientes sont seulement 2 000 à 3 000 en France. Tout l’enjeu, c’était alors de savoir si ce traitement anti HER2, une thérapie ciblée de nouvelle génération, fonctionnait aussi sur des malades qui ont également cette protéine, mais en quantité moindre. Et la réponse est oui, explique le professeur William Jacot, de l’Institut du Cancer de Montpellier (ICM), qui a participé à cette étude internationale : « Les résultats sont significatifs. Ces patientes vivaient six mois de plus en moyenne. Ça peut paraître peu, mais ça a vraiment fait un bond en avant qu’on n’avait pas vu depuis plus de quinze ans dans ce sous-type de maladies. » Six mois en plus pour des femmes à qui on donnait jusqu’à présent cinq ans de vie en moyenne.
Ce sont ainsi 5 000 patientes supplémentaires atteintes de cancer du sein qui vont pouvoir bénéficier de ce traitement ciblé anti HER2 – et peut-être bientôt encore davantage, se réjouit le professeur William Jacot : « C’est un énorme message d’espoir parce que quand on a ce genre de démonstration à des stades avancés de la maladie, l’étape suivante, ça va être d’essayer de le faire à des stades de plus en plus précoces. Et d’arriver sur des stades localisés à augmenter non plus la quantité de vie, mais les taux de guérison pour que plus de patientes puissent guérir à la fin. Et ça, c’est majeur, parce que ça représente globalement la moitié des femmes qui font un cancer du sein. » Soit en tout 30 000 patientes chaque année en France.
Avec Francetvinfo