24 novembre 2024
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La médecine, le syndicat, l’opposition, et inchallah…

Certains ont des pulsions sexuelles. De ce côté-là je gère, Docteur. J’ai plutôt des pulsions nostalgiques. Et quand ça m’envahit, j’ai pour me calmer besoin d’urgence d’entendre les « frères » arabo-berbéro-musulmans parler dans leurs langues maternelles, les originelles, les vraiment vraies.

Je me précipite alors dans un quartier « chénou » pour les écouter à loisir, et je consomme avec boulimie les radios et télés communautaires.

C’est ainsi que j’ai découvert un nouveau signe de ponctuation verbale : inchallah. Mes « frères » insèrent quasiment après chaque mot un inchallah, genre : « je suis malade, in challah je vais guérir. J’ai été licencié mais inchallah je trouverai bientôt du boulot. Et puis, le gouvernement va inchallah me lâcher la bride inchallah. Il me la tient ferme depuis que j’ai posté un ouf sur FB. In challah tout s’arrangera, j’ai l’espoir, inchallah ».

J’entends Allah dire : « c’est bon, c’est bon, j’ai compris, pas la peine d’en faire des tonnes d’inchallah ».

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Je m’étais dit que ça suffirait peut-être pour Allah si on lui mettait seulement un inchallah au début, ou à la rigueur un inchallah au début et un autre à la fin. En espagnol (dans l’écrit), on procède ainsi en mettant pour les phrases exclamatives un point d’exclamation au début (inversé) et un autre à la fin (¡ et !), pareil d’ailleurs pour les phrases interrogatives (¿ et ?). Je n’irai pas jusqu’au blasphème en proposant d’inverser à l’espagnole l’inchallah du début. Diable !

Ce qu’il ne faut surtout pas faire, c’est de traduire dans une autre langue ce genre de phrases saturées d’inchallah. Cela donnerait en français (je n’ai que cette langue sous la main) ceci :

« Je suis malade, je vais guérir si Dieu le veut. Après, si Dieu le veut je trouverai du boulot. Et puis, le gouvernement va, si Dieu le veut, me lâcher la bride si Dieu le veut. Il me la tient ferme depuis que j’ai posté un ouf sur FB. Si Dieu le veut tout s’arrangera, j’ai l’espoir, si Dieu le veut ».

Question : s’il advenait que Dieu hésite à vouloir ?

Il faut donc impérativement toujours prévoir un plan B.

À bientôt.

Inchallah !

Achour Wamara

7 Commentaires

  1. Il n’est pas rare d’entendre en Kabyle coupler le vénérable «ma yevgha rebbi» (si dieu veut) avec incalla. ˋma yavgha rebbi ncalla´.
    Textuellement : si dieu veut que dieu veuille.
    Dans l’esprit c’est : si le grand dieu veut que alla veuille. Rebbi étant à la base la traduction de Agellid ameqqran (le plus grand des dieux); alla, c’est que alla. Et, vu comme ça, j’avoue que ça me convient

  2. Les kabyles disent ma yevgha rebbi n’challah parce qu’ils n’ont aucune idée du sens de n’challah, in cha’a Allah, si dieu le veut. Ils ne savent pas que c’est une répétition. Du moins je parle des kabyles qui n’ont pas appris l’arabe classique à l’école. Quand j’étais petit personne dans ma famille ou au village ne savait qu’Allah voulait dire Dieu ou rebbi. On n’entendait le mot Allah que dans des expressions comme Allah ya rebbi, allah-allah, wellah. On ne savait même pas qu’on jurait par Dieu quand on disait Wellah. J’ai entendu des vieux sacrifier un coq ou un mouton en proférant les paroles « ’llahou kakbar » sans avoir la moindre notion de ce que ça pouvait bien dire. Nous croyions que c’étaient des formules magiques, sans sens particulier, dans les langues mystérieuses des esprits invisibles.

    Par ailleurs, il existe une tendance dans l’usage du kabyle de faire ce genre de répétition même quand on le sait: « Attention balak ghourek hadr’ imanik !! » ou « Itsousemma ye3ni sitadir mehsouv belli… »

    • En effet, je me souviens d’un temps pas si loin que ça ou allah, notamment pour les femmes, est un saint comme les autres.
      C’est cela le panthéon (jmaa liman) kabyle.

  3. Azul,
    Oui, surtout ne pas oublier de rajouter *enchallha ouella heb rabi*…tout le temps.

    Quand on vous dit enchallaha, cela veut dire que vous pouvez attendre et attendre !!!! et attendre longtemps et pour ne pas dire vous ne l’aurez jamais ce qui est promis…

  4. Tout à fait normal que les arabophones algériens s’expriment de la sorte puisque l’arabe nord-africain est presque systématiquement du berbère traduit mot-à-mot en arabe, et le contenu sémantique des mots est le même. C’est pour ça qu’on peut généralement traduire mot à mot dans l’autre sens, de l’arabe vers le berbère, sans le plus souvent avoir de problèmes, alors qu’il serait plus difficile de le faire de l’arabe algérien vers l’arabe classique ou celui des moyen-orientaux. Prenons par exemple la façon de raconter une histoire ou une blague: en kabyle « yennyak a sidhi, yella yibwas yiwen w-ergaz… » en arabe algérien ça donne « gal lek ya sidi kayenwahed enhar wahed erradjel… » Dès les premiers mots, un moyen-oriental se demanderait qui c’est celui-là qui m’a dit (yennayak, gal-lek) ? Etrange façon de parler pour un moyen-orientale. Ensuite « wahed erradjel » (traduit de yiwen w’ergaz): en arabe du moyen orient ou classique, on ne dirait jamais « wahed erradjel » mais tout simplement radjoul – radjouloune, sinon « wahed erradjel » n’a pas de sens. Si on disait « wahed radjel » à la rigueur, ça voudrait dire « l’un était un homme » mais wahed erradjel, rien. Pure traduction du berbère.
    Et il y a aussi ce que radjel/argaz veut dire dans l’esprit d’un algérien et celui d’un moyen-oriental. Ce n’est pas tout à fait 100% la même chose. En arabe algérien il y a toujours le sens de virilité, pas seulement un membre du sexe masculin.
    Et c’est sans compter le vocabulaire partagé par les berbères et les arabophones algériens. Pas étonnant qu’un kabyle apprend l’arabe algérien presque sans essayer.

  5. Merci Monsieur Wamara! dans cet article bien articule, vous avez exprime ce que j’ai toujours pense. Quel est ma bête noire en Algerie? C’est l’usage intempestif de « in challah » and « ida hab rabbi ». C’est une reflexion d’une attitude seculaire, celle du manque d’engagement et de la peur de l’échec.
    Par exemple, quand vous fixez un render-vous avec quelqu’un, il vous repondra surement « In Challah ». Manque d’engagement!
    De la meme facon, un malade se souhaitant une meilleure sante doit instinctivement ajouter « in Challah » de peur que son souhait ne soit pas suffisant.

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