Il semblerait également que des familles Kouloughlis algériennes se soient installées, après la prise d’Alger en 1830, à Tanger et Tétouan, d’où l’influence ottomane dans cette dernière ville dont est issu Chakib Arslane.
De même, il paraîtrait que nombre de familles parmi les Djazaïris actuels soient des Kouloughlis, c’est-à-dire qu’ils sont d’origine turque : de Tlemcen à la Kabylie. Ces péripéties multiples et souvent douloureuses de l’Algérie contemporaine ne permirent pas à ce pays de s’affranchir de façon franche et résolue de la misère matérielle et intellectuelle, une fois l’Istiqlal conquis. Loin s’en faut.
A l’indépendance, années de misère alimentaire sur fond d’idéologie populiste et égalitariste gouvernementale. Et comment résister à cette irrépressible et vorace condition que la leur ? Malmenés sans ménagement par l’indigence, leurs parents étaient désolés de ne pouvoir leur offrir que de minces espoirs. Aqra fut le maître mot. En toutes circonstances. Etudier.
Le seul remède pour pallier les insuffisantes ressources de meurs géniteurs. Faire preuve de persévérance. De discipline. De patience. Et répéter à l’envi je veux réussir. Leitmotiv intarissable. Ces années de misère alimentaire leur furent servies sur fond de discours idéologiques. Le socialisme, promu huitième merveille du monde, allait les mettre sur la rampe de lancement de la justice sociale.
Enthousiasmés, tous les parents éludèrent bien des interrogations. La plus visible d’entre toutes, l’occupation des belles demeures par une infime minorité avec pour seul argument un grade (d’aucuns l’avaient obtenu sous les drapeaux français, parmi eux certains n’ont déserté l’armée française qu’en 1960-1961, soit à une année de l’indépendance). Et parmi eux, certains sont devenus des bourreaux de leur peuple.
Il est vrai qu’un peuple alors analphabète et illettré était une proie des plus faciles. Des dirigeants médiocres à souhait, vils et mesquins n’arrivaient pas et ne souhaitaient pas endiguer cette déferlante cupidité. Hallucinante réalité dont les séquelles se mesurent encore à l’œil nu. Quelle ignominie de la part de ces vaniteux dirigeants ! Et quels résultats quelques décennies plus tard ! Deux cent mille victimes d’une guerre civile pour le pouvoir nous dit-on, vingt cinq milliards de dollars de dégâts, cinq cent mille enfants traumatisés, deux cent soixante dix mille orphelins, six mille femmes violées, douze mille disparus. Et nombre de familles déplacées… Telles sont les conséquences des terrorismes. Triste bilan du libéralisme sauvage qui fit suite au socialisme affublé du sobriquet « spécifique ». Triste qualificatif. Voilà la réussite de nos dirigeants. Toujours imbus de leurs petites personnes. Jamais à cours de folie des grandeurs. Inamovibles momies au pouvoir. Incultes à souhait.
L’Algérie promue pays émergent ? Au siècle prochain peut être, me raillait l’ami Ameyar ; des pays sans grandes ressources naturelles et autrement plus accablés par la démographie réussirent. On comprend mieux pourquoi en revisitant leur passé. Au XVIIIe siècle, la Chine et l’Inde, nous dit-on, produisaient à elles seules la moitié des richesses mondiales et les connaissances scientifiques y étaient plus développées qu’en Europe (et ont fait l’admiration d’un certain Voltaire).
L’Inde actuelle, avec plus d’un milliard et demi d’habitants est candidate à la puissance mondiale grâce à sa matière grise, nonobstant maintes difficultés économiques. Il est vrai que trois cent millions de personnes y vivent avec un dollar par jour, avec près de la moitié de la population illettrée et une infrastructure insuffisante (dix fois moins d’autoroutes qu’en Chine).
La Chine avec près d’un milliard et demi d’âmes est d’ores et déjà adoptée comme seconde puissance mondiale : nucléaire, marchés fabuleux et développement économique avec un taux de croissance parmi les plus élevés du monde… Souvent une croissance à deux chiffres.
Il est vrai aussi que la mémoire ne saurait oublier l’or découvert dans les caves de la casbah d’Alger. Immenses trésors de la Régence d’Alger. Un butin chiffré à plusieurs centaines de millions de francs de l’époque. Le coup de l’éventail ? Foutaises et billevesées. Il s’agissait de constituer les fonds secrets de Charles X pour corrompre et retourner le corps électoral. Interrogeons-nous légitimement : Où sont passées ces sommes colossales ? Louis-Philippe, la duchesse de Berry, des militaires, des banquiers et des industriels, comme les Seillière et les Schneider, ont profité de cette manne. Le développement de la sidérurgie française doit ainsi beaucoup à l’or d’Alger… **(A suivre)
Ammar Koroghli-Ayadi, auteur-avocat
Email : akoroghli@yahoo.fr
**Pierre Péan : « Main basse sur Alger »