23 novembre 2024
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Abassia Fodil : une martyre à Pyong-Yang

Abassia Foudil

A sa descente au port d’Alger, la très suffragette féministe française, Hubertine Auclair  (1848-1914) y voyait des « créatures sans âge, ni sexe, qui heurtent et détournent dans ce cadre féerique », dans une Alger où des êtres en haillons venaient d’être maman.

Ce sont les femmes d’expropriés, des « bouches affamées de trop dans leur tribu », des femmes que l’on insulte dans toutes les langues, par toutes « les races qui se sont installées sur le territoire de leurs pères », écrivait-elle dans Les Femmes arabes en Algérie (1900).

Un peu plus d’un quart de siècle après, l’Union des Femmes d’Algérie (UFA) mettra fin à l’assimilationnisme féministe des Franco-Musulmanes de Mme Tamzali, puisque dès octobre 1943, une nouvelle générations de militantes apparaît au foyer syndical de l’Hussein-Dey à leur tête Baya Bouhoune-Allaouchiche (9 avril 1920-7 juillet 2007) ajoutant sa petite touche à la lutte féminine de classe.

Les « Fatma » bellement vouées aux tissages domiciles et à la soumission naturelle des lois coraniques, c’est de la vieille marmite. De même pour les « Nafissa » qui, sous le haïk portaient leur corset et chemise à boutons !

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L’heure est à l’action en direction des femmes des bidonvilles d’Alger, à la mobilisation des femmes saisonnières de la paysannerie de Tlemcen, de la Mitidja et celles du Sersou. Les femmes des tabacs de Bastos ont donné le ton dès la création du PCA en 1936. Les femmes des dockers d’Algérie ont bien soutenu leurs époux durant les longues semaines de grèves, dont les revendications se sont multipliées entre l’augmentation salariale et le boycott des navires de guerre et d’armements à destination de nouvelles représailles coloniales.

Il y a lieu de noter fortement que la voix des femmes en Algérie ne s’est jamais tue, bien au contraire elle ne cessait de s’amplifier quotidiennement depuis des siècles. Des youyous qui ébranlaient les cieux au passage des corps meurtris de pères et de frères, à la guérilla urbaine bien stridente bien féminine, la lutte pour la liberté émancipatrice est bien contenue au sein du combat contre le joug patriarcal. Parmi ces voix perçantes, nous retenons celle de Baya Bouhoune-Allaouchiche, plus tard Baya Bouhoune-Jurquet, qui demeure une véritable encyclopédie du féminisme de classe en Algérie.

Nous retiendrons d’elle d’être la première femme algérienne à porter la voix du féminisme de classe de la colonie-Algérie en République populaire de Chine, tout juste après que Kateb Yacine soit rentré d’un séjour en URSS et son périple de 10 000 kilomètres. La présidente effective des Algériennes de l’UFA a, par la suite, ouvert la voie à Me Amar Bentoumi de s’imprégner de la construction de la Chine nouvelle, un chemin qui lui permettra d’être le futur relais entre le GPRA et le président Mao. La « lutteuse de classe » a aussi défriché le même chemin, combien tortueux, à un Boualem Khalfa qui porta la voix du prolétariat algérien au pays de l’aigle bicéphale, l’Albanie d’Enver  Hoxha (Khodja).

Faisant partie du Comité algérien de la Fédération Démocratique Internationale des Femmes (FDIF), Baya Bouhoune-Allaouchiche été déjà une des deux déléguées avec Andrée Ruiz, au Congrès international des Femmes de Budapest (Hongrie) qui s’est tenu du 1er au 6 décembre 1949. C’est bien cette FDIF que les Américains jugeaient comme «communiste » et pro-soviétique, qui a institué en son sein une Commission internationale des femmes sur les atrocités de guerre. La Commission d’enquête qui a déjà opéré en 1946, en Argentine, en Uruguay, au Chili et au Brésil afin de « recueillir systématiquement des informations sur les femmes dans les pays européens », tout en renforçant les alliances entre les organisations féminines locales dans la ligne anticolonialiste.

En 1948, la même Commission mena un ensemble d’enquêtes sur la situation de la femme et de l’enfance en Inde, en Birmanie et en Malaisie. Voulant poursuivre leurs tâches au Viêt-Nam et  en Indonésie, elle a été confrontée au refus  catégorique de délivrer des  visas à la délégation par Paris et La Haye, les puissances coloniales à l’époque. C’est au sein de cette commission et après son élection à Alger, que la responsable de l’UFA-Oran, Abassia Fodil (1/3/1918-2/2/1962) représentera l’Algérie aux côtés de 21 femmes représentant 18 pays pour mener une enquête de terrain en République démocratique et populaire d Corée (RDPC) qui a subis l’agression des armées américaine et européennes sous le parapluie  de l’ONU, qui créa jusqu’à aujourd’hui, une situation ubuesque au sein d’une même nation.

C’est au mois de mai 1951 que Abassia Fodil se joigne à la délégation de femmes qui va parcourir quelques 24 000 kilomètres afin de dévoiler au monde les résultats de leurs activités, en publiant un rapport final intitulé tout simplement « Nous accusons », traduit dans plusieurs langues et soumis officiellement aux Nations-Unies. Si le rapport en question n’a été révélé à Séoul et au monde occidental qu’après que l’US Air Force n’ait déclassifier certains documents de sa guerre en Corée et que des chercheurs américains aient mené des enquêtes approfondies sur les massacres qui ont été commis par les forces combinées de l’ONU, en Algérie, le contenu de ce rapport a été bel et bien révélé dès le mois de juillet 1951 avec le reporter-témoignage de Abassia Fodil même. Au mois de juin de la même année, elle lance un cris en direction des femmes algériennes avec « Mères algériennes, j’ai vécu les bombardements de Pyong-Yang. Evitez à notre pays le sort de la Corée ! ».

« Je reviens de Corée »

Que dire lorsqu’une militante de la cause paysanne de l’ouest algérien aux côtés des sœurs Keïra et Yamina Nouar, jure solennellement de « porter un témoignage vrai de ce que j’ai vu en Corée. De ce que m’ont racontée, preuves à l’appui, des centaines de Coréens ». Elle ajoutera qu’elle a tenu parole et tentera d’essayer « de faire revivre pour tous les honnêtes gens de notre pays les diverses étapes » qui l’ont menée de « l’Algérie colonisée à ce qui fut le Pays des Martin Calme ».

Le 1er mai 1951, Mme Fodil est à Paris où elle rencontra la déléguée tunisienne et française de l’Union des femmes de France, afin de rejoindre Prague, lieu de rassemblement de l’ensemble des déléguées d’Europe. Mais, c’est la capitale française qui réserva une très mauvaise surprise à la militante algérienne.

Assistant aux côtés de dizaines de milliers de manifestants au défilé du 1er Mai, la police charge brutalement les Nord-Africains. « Dans la bagarre, je suis bousculée et brutalement matraquée. Je botte, ma jambe est enflée, mais j’ai l’immense bonheur de voir se réaliser dans la rue l’union des peuples d’Algérie et de France au coude à coude pour la même cause », dira-t-elle dans l’idée de cette lutte commune des deux classes ouvrières qui ont menés à cette occasion les mêmes combats de rues contre la répression policière.

Avant d’ajouter que « malgré le sang qui coule, la masse des femmes et des hommes avance, bousculant les policiers médusés », tandis que la jambe de Abassia enfle avec d’énormes souffrances. Elle mentionnera avec amertume, sa honte devant les questions qui lui seront posés en arrivant à Prague ou à Moscou. « Je dois répondre que j’ai été matraquée », relèvera-t-elle en une phrase qui laisse entendre toute l’humiliation qu’elle reçue touchant même son amour propre de femme. Souillée par la sauvagerie policière, Mme Fodil mettra quand même une petite « graine » bien narquoise, en disant que « je ravale ma honte et je dis la stricte vérité de mon peuple au beau pays de France… ». Un pays, que tous les militants et militantes d’Algérie remercient pour avoir fait d’eux des martyrs (es) de causes justes dans la différence politique qui les animaient depuis le génocide de mai 1945.

Arrivée à Moscou, Mme Abassia Fodil fera la visite avec les autres déléguées d’un orphelinat qui recevait les enfants de la patriotique russe, âgés de 3 à 7 ans. Situé dans un joli bois de pins, en dehors de Moscou, décrira-t-elle. L’été, on les emmènera dans les fermes, à la campagne, ils sont au nombre de 55 fermes de vacances avec des crèches modernes et équipés. Abassia Fodil songe avec un cœur serré « à l’affreux destin des petits enfants de l’Algérie », ceux qui meurent de faim et de froid.

Elle a été tellement impressionnée par l’accueil chaleureux et inoubliables que les Moscovites leurs ont réservé qu’elle se rappela encore une fois, son Algérie où « lorsque nous accueillons modestement une déléguée  d’un groupement progressiste quelconque, on nous fait un pouvoir pour cause de « tapage ».

Durant l’itinéraire sibérien de Moscou à Tchita, les Soviétiques ont affrétés deux avions, l’un pour le transport des déléguées et l’autre pour leurs bagages et des denrées de premières nécessité. De la ville sibérienne à Moukden les Chinois s’occuperont de la prise en charge de la mission d’enquête de la FDIF. Interrogés par certaines déléguées, les pilotes soviétiques leurs diront : « Qu’ils ne nous accusent pas de passer secrètement en Chine ! ». La Chine populaire, à peine sortie de sa lutte contre le colonialisme japonais, de sa grande révolution paysanne et d’une lutte contre le régime réactionnaire de Tchang-Kaï-Tchek, que l’ONU du général McArthur, les Britanniques, les Français, les Turcs et autres alliés des yankees, mettent tout un subcontinent sous embargo et un contrôle aérien bien stricte.

Mme Fodil arrive à Moukden, ville de l’est de la Chine et proche de la frontière nord de la Corée populaire. Elle n’est qu’à trois heures de la guerre qui a touché de nombreuses villes frontalières chinoises et à Moukden, elle rencontra la présidente de la Fédération des femmes de Chine qui l’a remerciée particulièrement, elle qui est venue de si loin et « elle nous dit son espoir de nous voir mener à bien notre enquête en Corée ». Au sein même de la délégation chinoise, elle rencontra un représentant coréen qui l’informa sur les plus grands massacres qui ont été commis à l’encontre de la population civile.

A An-Toung et au cours des 11 mois qui ont suivi l’invasion de la Corée par les Américains, les avions US ont survolé la ville chinoise plus de 150 fois, la bombardant constamment ainsi que ses environs, plus de 40 fois en jetant plus de 1000 bombes sur les populations et les infrastructures de tout genre.

Au sujet de cette ville-martyre de la Chine populaire, Mme Fodil notera qu’une « de nos camarades s’étonne. Elle ne peut en croire ses yeux ; comme elle demande à voir les destructions et qu’on le lui refuse pour l’instant, à cause du secret des opérations, elle n’est pas loin de penser à une supercherie. – Vous verrez An-Toung à votre retour de Corée », lui a-t-on répondu. En effet, précise Abassia Fodil, elles verront la ville en question à leur retour de Corée « avec ses quartiers détruits, les entonnoirs creusés par les bombes » que du 7 au 12 avril ont fait 109 morts, 40 blessés graves et 385 blessés légers, entre femmes en enfants.

«  Cette fois-ci, nous allons à pied »

Abassia Fodil quittera avec les autres membres de la Commission, la ville frontalière d’An-Toung pour entrer à pied dans les terres coréenne que le fleuve Yalu sépare. Un fleuve d’un kilomètre et demi qu’elles traverseront la nuit sur une jonque « éclairés par instants de la lumière d’une lampe électrique aussitôt éteinte qu’allumé ». L’arrivée au bord de ce fleuve s’est faite à pied et dans le noir absolu. C’est ce qu’il lui fera dire qu’elle « sent la peur m’étreindre tant je ressens la présence éminente de la guerre ». Après une traversée de trois quart d’heures, «  nous n’y voyons goutte et sommes sérés les unes contre les autres ». Habillée en militaire, elle et ses collègues de la Commission, Abassia arrive à Sinuiju et elle se rendra à la Maison de la culture, « elle aussi a été bombardée,  mais la vie continue sous terre, dans les caves ».

Elle est entièrement gênée face aux remerciements des femmes coréennes « devant ces femmes qui dominent le malheur et les larmes : c’est nous qui devrions les remercier de lutter pour notre idéal de paix et de liberté ». à peine achevée cette rencontre, que l’on annonce une de ses interminables alertes aux avions-bombardiers yankees que « nous nous préparons à rejoindre par groupe les abris où nous devons passer la nuit », rappelle la militante algérienne.

Profitant de repli momentané, Abassia Fodil évoquera l’amitié et les relations qu’elle a faite lors de ce périple de tous les dangers. Elle évoque la journaliste et l’écrivaine  Gilette Ziegler, la déléguée française et celle de la Belgique en rappelant qu’elles ont déjà vécus des heures semblables durant l’occupation nazi, tout en évoquant la déléguée soviétique qui fut au commande d’un char durant leur guerre patriotique. Toutes ces femmes « nous enfumaient d’habitude leur courage » et vers 10h du matin, une nouvelle alerte est annoncée. Cinq bombardiers US survolent la ville, mais « pour une fois, ils ne jettent pas de bombe ». Mais la ville de Sinuiju et ses environs ont bien connus les 8, 10 et 11 novembre la destruction et dès le premier jour, de 2100 bâtiments, et de 6800 maisons, tuant 5000 personnes dont 4000 femmes et enfants. En plus, nota Abassia, « 3500 blessés ne pouvaient trouver asile dans les trois hôpitaux, détruits eux aussi. Sur dix-sept écoles primaires, une seule subsistait à notre départ de Corée ».

Lors d’un meeting tenu dans un abri souterrain et en présence de la Ministre de l’éducation, madame Che Den Suk, une des illustres partisane de la guerre de libération contre l’occupant japonais et de Mme Pak Den Al, présidente des femmes de Corée, Abassia Fodil interviendra afin d’apporter la voix des Algériennes en disant qu’au nom de l’Algérie, elle leur « apporte la salut du peuple algérien. Je leur dis que, bien que leur pays soit à des milliers de kilomètres du nôtre, nous pensons constamment à son peuple, que nos manifestations se font au cri de « La Corée aux Coréens ! ».

Au terme de ce reportage-témoignage, Mme Abassia Fodil et sous la forme d’une pensée, lança sont « Je songe à mon pays, je songe aux Algériens opprimés qui vivent dans une misère qui est la honte de ce temps, alors que l’abondance pourrait s’installer dans tous les foyers du monde. Je songe aux Algériens mes frères qui ont commencé leur  grande lutte de libération et qui connaitront un jour, j’en suis sûre, l’abondance et le bonheur par leur travail et par leur héroïsme. Et je ne puis que danger avec horreur à ce qui se passerait dans ce pays, notre pays, mes frères, si tout à coup la guerre éclaté » (Alger-Républicain, 20/7/1951).

Le lendemain de la parution de la dernière partie de ce témoignage, les avions US continuaient à bombarder la ville chinois d’An-Toung et ses environs, une razzia aérienne qui s’est poursuivie le long des négociations de Kaesong qui ont menés au parte d’un même pays et d’une même nation.

Mohamed-Karim Assouane, universitaire.

1 COMMENTAIRE

  1. C’est terrible, le nombre de fautes de grammaire et conjugaison dans votre texte. Je noterais que la condition des femmes sous-classe’es en Algerie, etait note’e a l’Ouest essentiellement, chez ben-bella, boutessrika et Co. des marocains aux heritages INCOGNITOs !!!
    Cela dit, tandis que les conditions considere’es a l’epoque etaient celles de TRAVAUX MANUELS, en ces temps-ci, c.a.d. post-independence, il s’agit de Labeur, pas seulement non-paye’ mais comme habibettes de mouh et ses compagnions. Travail des hanches et de l’entre-jambes. On ne leur confisque pas leur salaires, mais leur s enfants ! Competition oblige, faut monter l’effectif des SNPs !!!

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