22 novembre 2024
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Grève générale en Guinée : un conflit social qui a bousculé la junte militaire

Mamady Doumboya
Le colonel Mamady Doumbouya a pris le pouvoir en 2021.

Après la libération mercredi par la justice guinéenne d’un syndicaliste de la presse, dont l’incarcération avait suscité un tollé, les centrales syndicales ont annoncé la suspension de leur grève générale pour entamer des négociations avec la junte militaire.

Lancé le 26 février, ce mouvement social très suivi a occasionné la fermeture des banques, des écoles ainsi que de nombreux commerces dans la capitale Conakry durant trois jours. Il y a quelques jours la junte a dissous le gouvernement. Le chef de la junte au pouvoir a annoncé, lundi 19 février, par décret, la dissolution du gouvernement en fonction depuis juillet 2022, selon une vidéo diffusée sur la page Facebook de la présidence

Ce mouvement de grève est le plus important mouvement de contestation dans le pays depuis l’arrivée des militaires au pouvoir en septembre 2021 en Guinée.

En effet, la Guinée a connu trois jours de grève générale, à l’initiative des treize centrales syndicales du pays qui réclament la baisse des prix des produits de première nécessité, l’arrêt de la répression à l’égard des journalistes ainsi que de meilleures conditions salariales pour les fonctionnaires.

Mercredi 28 février, ses organisateurs ont annoncé la suspension du mouvement social après la libération par la justice guinéenne du syndicaliste Sekou Jamal Pendessa, secrétaire général du Syndicat des professionnels de la presse de Guinée (SPPG). Il s’agissait de l’une des principales revendications des syndicalistes, qui se disent désormais prêts à engager des négociations avec les autorités.

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Une accumulation de tensions a conduit à ce bras de fer frontal entre les centrales syndicales, soutenues par les principaux partis politiques et plusieurs organisations de la société civile, et le régime militaire dirigé par le général Mamadi Doumbouya, que ses opposants accusent de dérive autoritaire.

Accident industriel et inflation

Ce conflit social a éclaté dans un contexte économique compliqué pour la Guinée, qui a connu, il y a deux mois, le plus grave accident industriel de son histoire. Dans la nuit du 17 au 18 décembre 2023, une puissante explosion a détruit le principal dépôt de pétrole du pays, dans la capitale Conakry. Une catastrophe qui a fait 24 morts, plus de 200 de blessés et causé une grave crise d’approvisionnement.

Au lendemain de l’accident, la fermeture de stations essences par les autorités, pour éviter la spéculation, a provoqué la colère de nombreux Guinéens et des heurts ont éclaté dans la capitale. Si celles-ci ont depuis été réouvertes, le problème d’approvisionnement est loin d’être réglé. Car malgré l’aide du voisin ivoirien, qui s’est engagé à lui livrer 50 millions de litres d’essence par mois, le pays demeure privé de sa principale capacité de stockage d’hydrocarbures.

Cette pénurie a accentué une inflation déjà forte du fait de l’augmentation du coût des importations, liée à la période post-Covid-19, à la guerre en Ukraine, ou bien encore à la baisse du trafic maritime en mer Rouge.

Elle s’est ajoutée à un problème plus spécifique à la Guinée, que le gouvernement avait entrepris de résoudre. « Contrairement à ses voisins comme la Côte d’Ivoire ou le Sénégal, la Guinée n’imposait jusqu’ici pas de contrôle des prix sur les denrées. Chaque commerçant pouvait fixer librement le prix de ses marchandises, ce qui, dans une période de crise comme actuellement, peut poser de gros problèmes », explique l’économiste guinéen Mamadi Kaba.

Fin janvier 2024, un protocole d’accord a été signé entre le gouvernement et les acteurs du secteur économique pour imposer des prix plafonds sur certains produits comme le riz, l’huile ou le sucre. Mais cette mesure s’est accompagnée d’une hausse du prix moyen de ces denrées, provoquant là encore, des critiques à l’égard du gouvernement. « À un pas du ramadan, le mois de carême, ils augmentent encore le prix des denrées alimentaires », a déploré sur Djoma TV l’opposant Saidou M’Baye, en dénonçant l' »inexpérience » et les « ratages » du régime.

Guinée : le chef de la junte propose une période de transition

Médias et réseaux sociaux censurés

Outre les critiques sur la gestion économique du pays, des voix s’élèvent pour dénoncer une dérive autoritaire du pouvoir. Ces derniers mois, l’accès à Internet a été restreint dans le pays. Plusieurs réseaux sociaux ont été bloqués et des radios ont vu leurs ondes brouillées. Interviewé par RFI, Lamine Guirassy, journaliste, fondateur et PDG du groupe guinéen Hadafo Médias, a expliqué avoir découvert avec stupéfaction que des chansons rendant hommage à l’armée guinéenne avaient été diffusées en lieu et place de ses émissions sur sa propre fréquence. Plusieurs chaînes de télévisions ont également été suspendues par l’autorité de régulation des médias pour des raisons de « sécurité nationale ».

Le 18 janvier, alors qu’une manifestation devait avoir lieu pour protester contre ces restrictions, la Maison de la presse a été bloquée par les gendarmes et neuf journalistes ont été arrêtés. Reporters sans frontières avait dénoncé « une vague de censure sans précédent » et un « climat de terreur » visant à faire taire les professionnels de l’information.

Avec France24/agences

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