Une artiste franco-algérienne, Djamila Bentouis, est en détention depuis début mars en Algérie pour « appartenance à une organisation terroriste » en lien avec une chanson qu’elle avait composée pendant le mouvement de contestation du Hirak, a indiqué lundi une ONG de défense des droits humains.
Il faut croire que la « nouvelle Algérie », chère à Tebboune et ses ouailles ne plaisante pas avec les valeurs démocratiques ! Djamila Bentouis, 60 ans, mère de trois enfants, était venue de France faire ses adieux à sa mère mourante. Elle a été interrogée à son arrivée à l’aéroport d’Alger le 25 février puis de nouveau les jours suivants avant d’être placée en détention le 3 mars, a précisé la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme LADDH, sur sa page Facebook. Un autre, Mohand Berrache, militant associatif de 74 ans, a subi le même sort. Rentré de France, il a été arrêté et placé en détention provisoire à la prison de Koléa depuis le 15 novembre. Hocine Redjala, cinéaste et militant, également rentré de France l’été dernier, est depuis sous interdiction de quitter le territoire national. Des dizaines d’autres expatriés sont ISTN.
La détention de Mme Bentouis a été rapportée par le Comité national de défense des détenus (CNLD) et des militants de défense des droits humains.
«Organisation terroriste», selon la justice
Selon ces sources, l’incarcération de Mme Bentouis a été confirmée le 13 mars. Elle est poursuivie pour « appartenance à une organisation terroriste active à l’intérieur et à l’extérieur du pays », « atteinte à la sécurité et à l’unité nationale » et « incitation à attroupement non armé ».
« Ces accusations s’appuient sur des interprétations des paroles de la chanson qu’elle a écrite et chantée pendant les manifestations de solidarité au Hirak en Algérie », qui « dénonçait les arrestations et la répression qui s’était abattue sur les activistes », ont souligné les deux ONG. Cette accusation aussi grotesque et ahurissante est systématiquement utilisée par la justice que le régime de Tebboune a réduit désormais en un impitoyable instrument de répression.
Pour le site d’information Radio-M, « l’affaire Djamila Bentouis illustre une fois de plus la sévère répression qui s’abat sur les voix dissidentes en Algérie ».
La « kyrielle d’inculpations sévères (à son encontre, ndlr) repose sur une bien mince assise: les paroles d’une chanson », a estimé Radio-M.
Deux rapporteurs des Nations unies ont effectué des visites en Algérie en septembre et décembre 2023, réclamant à chaque fois une révision de l’article 87 relatif aux actes terroristes, sur la base duquel Mme Bentouis est détenue.
Le Hirak avait démarré en février 2019 par des manifestations pacifiques s’opposant à une cinquième candidature du président Abdelaziz Bouteflika (déchu en avril 2019 et décédé en septembre 2021), avant de s’élargir à des revendications de réformes politiques et de libertés accrues.
En février, Amnesty International a dénoncé une intensification de « la répression de la dissidence pacifique » en Algérie, appelant à « libérer toutes les personnes détenues uniquement pour avoir exercé leurs droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association ». Riposte internationale, une ONG algérienne basée en France, a à maintes reprises dénoncé la répression en Algérie. Son dernier rapport publié en janvier illustre la dérive autoritaire dans laquelle a plongé le pays sous l’ère d’Abdelmadjid Tebboune et le général-major Saïd Chanegriha.
Selon le CNLD, 228 personnes en lien avec le Hirak ou la défense des libertés individuelles, sont encore emprisonnées en Algérie.
Sofiane Ayache/AFP