Le jeudi 19 juin 2025, Aix-en-Provence accueille le congrès de l’AEGES (Association pour les Études sur la Guerre et la Stratégie) avec un panel au titre évocateur : « Prométhée aux Enfers : permanences et mutations de la guerre chimique aux XXe et XXIe siècles ». Au cœur des débats : les usages, les mémoires, mais aussi les silences entourant les différentes formes de guerres chimiques à travers l’histoire, notamment durant la conquête coloniale de l’Algérie.
Parmi les temps forts de panel accueillie par Sciences Po Aix, l’intervention très attendue du professeur Mostéfa Khiati. Intitulée « Les enfumades lors de la conquête de l’Algérie : état des connaissances », elle revient sur une des pratiques les plus controversées de la guerre coloniale française : l’usage d’asphyxies et de gaz dans les grottes où se réfugiaient les populations civiles. En érudit de la mémoire algérienne, Khiati exhume, à partir de sources rares, cette violence de masse longtemps reléguée aux marges de l’histoire officielle. Elle sera accompagnée d’une intervention du Dr. Christophe Lafaye sur les traces et stigmates de la guerre chimique pendant la guerre d’indépendance algérienne (1954-1962).
L’Algérie n’est pas seulement objet d’étude mais aussi pleinement actrice de cette rencontre scientifique. La chercheuse Lina Leyla Abdelaziz de l’université de Batna 2, clôturera la journée par une intervention de synthèse proposant un autre regard sur la guerre chimique aux XXe et XXIe siècles.
Le panel, co-organisé par le Professeur Pierre Journoud, le docteur Christophe Lafaye et la docteure Lina Leyla Abdelaziz, s’ouvre avec quelques mots d’accueil du professeur émérite Jean-Charles Jauffret et une introduction générale du docteur Olivier Lepick, spécialiste international des armes chimiques. Il est structuré autour de trois tables rondes, l’une sur les aspects méthodologiques et les origines de la guerre chimique, une autre sur les atteintes environnementales et une dernière sur les formes contemporaines de la guerre chimique. Ce panel réunira une dizaine de chercheurs venus de France, d’Allemagne, du Cameroun ou encore d’Algérie.
Si les interventions sur le Cameroun, l’Algérie et le Vietnam sont d’un grand intérêt comparatif, la présence algérienne dans ce dispositif intellectuel souligne un regain d’intérêt scientifique et mémoriel pour les violences chimiques coloniales. Ce retour du refoulé colonial dans les études stratégiques interroge aussi bien les pratiques passées que les responsabilités présentes, dans une période marquée par de nouvelles conflictualités au Moyen-Orient et en Afrique.
Avec ce congrès, l’AEGES ouvre un espace critique où les voix du Sud, encore trop marginales dans les sciences de la guerre, prennent enfin leur juste place ».
Djamal Guettala en collaboration avec Dr Christophe Lafaye