Des voix s’élèvent déjà à Bamako pour s’interroger sur la visée réelle du communiqué du colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole des « autorités de la transition » rédigé à un rythme bien africain compte tenu de la jeunesse des militaires encore à la recherche d’une figure paternelle, un Fà (le père en bambara) bien salutaire.
Ainsi, le très raisonnable Youssouf Sissoko du journal L’Alternance du 29 janvier 2024, s’interroge sur l’attitude des « autorités de la transition » à se brouiller avec Alger après l’avoir fait avec le Sénégal et la Côte-d’Ivoire. En dénonçant unilatéralement les Accords d’Alger, le nouveau régime de Bamako met en péril les trois grandes régions du Nord où les populations sont fournies en denrées de première nécessité à 80 % par l’Algérie.
Nous pourrions nous interroger avec le confrère, va-t-on vers un retour aux années néfastes où le Nord-Mali criait famine ? Si la crise alimentaire « n’a pas sérieusement affecté les populations du Nord qui sont coupées du Sud à cause de l’insécurité, c’est grâce à l’Algérie », indique L’Alternance. Mais, au fait de quelle Algérie évoque-t-on face à une telle situation ?
Il est plus juste d’évoquer cette belle partie de l’Algérie qui a été et continue à se mobiliser en direction des Touaregs, composante essentielle de la nation malienne et de leurs alliés locaux, une composante algérienne bien solidaire et fraternelle qui a mobilisé son encrage millénaire pour maintenir un Mali uni et indépendant.
Donc, « vouloir ouvrir un front contre l’Algérie pourrait relever de l’ignorance de la géopolitique sous-régionale ou d’une mauvaise appréciation des enjeux », poursuit L’Alternance. Ce dernier estime encore que le Mali « pays en profonde crise multidimensionnelle depuis 2012, a beaucoup plus à gagner à s’entendre avec l’Algérie qu’à se brouiller avec elle ».
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Il y a certes, une certaine sagesse africaine qui se dégage de l’article, mais les jets émiratis, la profonde colonie des magnan francophiles, les « fourmis de feu » de la Wagner et autres agents dévastateurs du continent noir, sont bien là à s’accommoder des richesses du Grand Sahara dans son ensemble et ne se contentant pas seulement d’une petite cartographie coloniale enfouie entre les sables.
« Les autorités de la transition » de Bamako répliquait à la visite « officielle » d’un imam dont l’idéologie est une gymnastique rythmique, entre les minarets de Dubaï, ceux de Doha, d’Istanbul et de Riyad, mettant en péril la nation malienne et sa mosaïque ethnique et culturelle dans la voix de l’effacement. Si Alger a perdu ses matières grises dans la science diplomatique, Bamako s’enlise de plus en plus dans le sable mouvant des dépressions de son Histoire politique.
C’est bien au moment où l’on lance un dialogue inter-Maliens, que le colonel Maïga «cabotine » quelques muscles d’humérus en poussant le pays vers plus de fractionnismes que d’apporter un nouveau souffle à l’émancipation démocratique du Mali et à l’ensemble de la région. Il n’y a pas de honte à s’inspirer des acquis de l’Accord d’Alger « afin de corriger les failles et les manquements » (Sissoko) et gagner à sa cause quelques forces vives d’une Algérie qui, elle aussi, ne dialogue plus depuis 2012 et a effleuré d’être métamorphosé en un « royaume des Al-Aziz ».
Le Mali du « groupe Maïga » ne semble pas suivre le chemin de la véritable réconciliation dans le but d’un développement durable et serein. Bien au contraire, à Bamako on n’aime pas aborder les questions essentielles qui intéressent la mosaïque socioculturelle malienne, mais on fait appel aux fantômes de naguère : le général à la détente Moussa Traoré. Et ce journal Le Sursaut qui on fait un « grand homme d’Etat » et père de tous les Maliens.
Très vite, dans ce beau pays, que malheureusement beaucoup d’Algériens ne voient qu’à travers des clichés de la déchéance raciste, il y a bien des pensées rebelles qui rejettent le révisionnisme de l’histoire politique du pays. Le « papa » Traoré c’est surtout le tribalisme familial de la spoliation des richesses de l’ensemble des maliens. Le Traoré de l’incapacité notoire à tenir en main une économie au point de ne pouvoir payer les fonctionnaires, du vol et de la dilapidation des biens publics. Traoré c’est aussi la Bande des 14 qui a fui sans vergogne devant l’insurrection touareg qui voulait un Mali démocratique avant qu’elle ne sombre dans le banditisme méhariste et le vol des richesses aurifères pour le compte de la plateforme financière émiratie.
Mohamed-Karim Assouane, universitaire