A machahou… Que mon conte soit beau et se déroule comme un long fil… Il y a de cela très très longtemps,
Dans un village paisible, baigné de tranquillité, un mal insidieux commença à se manifester. Les premiers signes furent subtils : des murmures dans le vent, des ombres fugaces dans les ruelles. Bientôt, ces manifestations étranges devinrent plus menaçantes. Les portes claquaient sans raison, des objets disparaissaient ou étaient retrouvés brisés. Les nuits étaient hantées par des hurlements lointains et inhumains, provoquant une terreur glaciale parmi les villageois.
La peur se transforma en paranoïa. Des accusations fusèrent, les voisins se méfiaient les uns des autres, soupçonnant une présence maléfique parmi eux. C’est alors que l’attention se tourna vers Maha, une femme solitaire aux connaissances en herbes et remèdes. Malgré son innocence, les superstitions et les peurs irrationnelles menèrent à une tragédie : Maha fut accusée de sorcellerie. L’imam avait poussé les villageois à mettre le feu un soir à sa maison. Maha périt au bûcher.
Mais avec sa mort, les phénomènes surnaturels ne cessèrent pas ; ils s’intensifièrent. Des spectres hantaient les rues, des voix accusatrices résonnaient dans les maisons. Il y a longtemps, les hommes du village avaient boudé les filles de La Vieille Titi. Titi était d’un autre village. Lorsque Mohand l’avait épousée et ramenée au village, les femmes du pays étaient jalouses de sa beauté. Elles parlaient d’elle en son absence. Elles la calomnièrent, la salirent. Titi donna naissance à quatre belles filles qu’elle éleva bien. Vers la puberté, aucun des garçons de leur âge ne les convoitèrent. Ils choisirent des filles dont les mères étaient des autochtones du village. Ils ourdirent un complot.
Un soir d’été, alors que leur maman était partie rendre visite à sa famille dans le village voisin, quelques jeunes forcèrent la porte de la maisonnée et abusèrent des filles. Au retour de leur mère, elles lui racontèrent la mésaventure. Mais quelle honte si on racontait ce qui venait de se passer ! Quelle abomination si le monde apprenait ce qui venait d’arriver ! Que faire ???
La maman réconforta ses filles, les garda recluses à la maison. Elle alla chercher les guérisseuses de son pays pour les faire avorter. Les femmes du village scrutaient ses allers et venues. Elles commençaient à se poser des questions sur l’absence des filles qui ne sortaient plus. Une vieille dame du village, la seule qui entrait chez Titi vendît la mèche. Les filles furent souillées à jamais.
La mère mourut peu de temps après de honte et de rumination. Les filles, esseulées, perdirent raison et s’évanouirent dans la nature et dans les bois. Personne ne les vit plus jamais. Personne ne s’en soucia !!!
Depuis ce temps, le village était maudit. La vérité commença alors à se dévoiler peu à peu. Certains villageois, rongés par la culpabilité, confessèrent le secret terrifiant : ils avaient conspiré contre Maha, motivés pour trouver un bouc émissaire et oublier l’ancienne malédiction des filles de Titi.
La véritable horreur révélée, le village se trouva pris dans une spirale de révélations et de confrontations. Les véritables coupables furent désignés, mais le mal était déjà fait. La vengeance de
Maha conjuguée à la malédiction des filles de l’étrangère Titi, bien que justifiée, ne connaissait aucune limite. Les innocents souffraient aux côtés des coupables, et le village, autrefois paisible, devint le théâtre d’une justice aussi cruelle qu’implacable. Un matin d’été, le village fut enveloppé de sirocco, ce sable qui venait du sud. Des jours entiers, les villageois vécurent sous une épaisse couche de poussière ocre. Tout le monde déambulait sans but ni raison.
Aucun ne put s’orienter. La confusion était générale. Quand la poussière se dissipa, le village était désormais habité d’hommes à moitié enterrés, mangés par la terre. En pays amazigh, un crime avoué, la terre vous mange à mi-corps…
Mon conte est clos. Qu’il i vous soit agréable de l’avoir lu.
Said Uqasi
A mi-corps, conte horrible, Yenayer 2974
« En pays amazigh, un crime avoué, la terre vous mange à mi-corps… »
On a dû avouer tellement de hauts faits de ce genre que même l’histoire s’en est mêlée, elle aussi nous a enseveli qu’à moitié. Et on cherche toujours l’autre moitié… jusqu’en Egypte , même au-delà.
De là où cette photo a été prise, vous pouvez voir la haute Kabylie à 360°. Il s’agit du village historique d’Aourir nath Ghobri. Des écritures lybiques, à la fontaine de Gaïa, à el Ghobrini, au royaume d’Ahmed ouel Kadi, en passant par la plus ancienne autoroute du Nil jusqu’à l’Atlantique, sans oublier les séjours du Roi Massinissa et des combattants de l’ALN/FLN et de la soldatesque française pendant la guerre d’indépendance. Là où cette photo a été prise est une petite terrasse découverte de la mosquée du village. C’est le point le plus haut qui se trouve à plus de 1000 mètres d’altitude.