Dimanche 26 janvier 2020
A quand une enquête judiciaire sur la raffinerie d’Augusta ?
Au moment de l’acquisition de la raffinerie d’Augusta en Sicile, appartenant à ExxonMobil conclue en mai 2018, voici les informations qui ont été communiquées par le PDG de Sonatrach, Ould Kaddour par le biais du quotidien français « L’Echo » :
« L’accord que Sonatrach vient de signer porte sur l’achat de la raffinerie d’Augusta, en Sicile, d’une capacité de traitement de 175.000 bbl/j (soit environ 9 tonne/an) et de trois ports où les tankers peuvent accoster pour charger ou décharger du pétrole brut et des produits pétroliers en Italie, plus précisément à Augusta, Naples et Palerme ainsi que de leurs systèmes d’oléoducs associés, offrant une capacité de stockage supplémentaire 565.000 barils de gasoil 309.000 barils d’essence. » Le projet, ajoute-t-il, s’inscrit dans une stratégie de développement à l’étranger.
Rappelons que de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer une arnaque aussi bien du côté algérien que celui Italien et notamment la municipalité de la ville où se situe cette usine. On apprendra quelques mois après qu’ExxonMobil avait trouvé d’énormes difficultés de la vendre voilà plus de 3 ans à cause de la vétusté des installations. Il a été prouvé que le propriétaire de cette raffinerie de 70 ans subissait une perte en consentant des sommes importantes pour la mettre en conformité avec les normes environnementales.
Sans un examen minutieux du dossier par le conseil d’administration de Sonatrach et avec un accord du premier ministre de l’époque Ahmed Ouyahia, la transaction devait aboutir par un forcing sans livrer ses secrets. Durant sa conférence de presse, le président de la république actuel a affiché clairement son intention de jouer à la transparence pour toute transaction qui causerait des pertes au trésor public.
Quels sont les présumées pertes qu’une enquête pourrait déterminer ?
D’abord le montant réel semble être proche de 725 millions de dollars, ce qui s’écarte du montant avancé pourquoi ? En plus il y a eu engagements de Sonatrach pour « casquer » immédiatement le montant pour décontamination des sols et la prise en charge des stocks de produits qui n’appartenaient plus à la raffinerie. Uniquement à ce niveau et sans prendre en compte les rumeurs d’un financement occulte à partir de filiale de Sonatrach dans les Îles Vierges Britanniques, ce montant pourrait revenir à un milliard de dollars non compris les pertes d’exploitation et les investissements futurs dans la conformité environnementale.
De nombreux experts, repris par la revue “Pétrostratégie” de janvier 2020 « l’usine achetée est structurellement déficitaire, c’est pourquoi Augusta n’a été maintenu à flot, de
puis son acquisition, que par des fonds qui lui ont été injectés par Sonatrach, sans perspective de rentabilité. L’entreprise algérienne a même dû emprunter 250 millions de dollars auprès d’Apicorp pour la maintenance de l’usine et acheter le brut saoudien nécessaire à son exploitation.» Lorsqu’elle a été acquise les promesses qui ont été faites étaient celles de limiter les importations de l’essence et du diesel pour faire face à une consommation interne qui a dépassé aujourd’hui 18,3 millions de tonnes dont 12,6 de gas- oïl, 5,3 d’essence et 0,4 de GPLc et qui a contraint l’Algérie à importer plus de 3 millions de tonnes annuellement de ces produits pour un montant avoisinant les deux milliards de dollars pour combler le déficit.
Or, deux problèmes n’ont pas été pris en compte par les managers de l’époque et sur lesquels ils doivent rendre des comptes aujourd’hui. Le premier est que la raffinerie d’Augusta a été conçue pour le pétrole brut de qualité moyenne et lourde, et non pour le pétrole brut léger du type produit par l’Algérie. En conséquence, ces bruts ont dû être achetés à des tiers, car l’usine ne pouvait pas traiter le pétrole algérien.
Cette situation a été aggravée par le fait que Sonatrach s’était engagée envers ExxonMobil à ce que l’usine d’Augusta fournisse à cette dernière un volume donné de lubrifiants de base pendant une période de dix ans. En bref, le nouvel opérateur n’est pas libre d’exploiter les installations de l’usine selon ses propres besoins ou ceux du marché, la raffinerie devant calibrer ses installations pour respecter cet engagement décennal.
Il faut signaler que pendant que ce forcing pour cette acquisition s’opérait avec la complicité des dirigeants extraconstitutionnels, le secteur avait lancé et terminé un vaste programme de rénovation de ses raffineries dont le lancement officiel d’une nouvelle raffinerie à Hassi Messaoud.
La réhabilitation toutes régions confondues a fait passer la capacité totale de raffinage de 29,9 millions de tonnes à 30,7 millions de tonnes donc un gain 3,7 millions de tonnes. Cette réhabilitation a fait passer aussi l’essence de 3 à 4, 6 millions de tonnes et le gas-oïl de 7,8 à 9,3 millions de tonnes. Il est prévu de résorber le déficit totalement d’ici 2024, date de la mise en route de la raffinerie de Hassi Messaoud.
Maintenant l’achat de cette raffinerie devient plus un problème pour Sonatrach qu’une solution à la consommation interne en carburant. Pourquoi ? Le déficit en carburant ainsi réduit serait plus rentable de l’importer que de le raffiner à l’extérieur. Un tel traitement leur aurait coûté environ 15 $/tonne et le transport aller-retour environ 12 $ à 13 $ / tonne, soit un total de 90 millions de dollars par an au début, diminuant au fil du temps jusqu’à ce qu’il disparaisse complètement en 2024.
Calculé très approximativement, cela représente une charge de traitement maximale d’environ 400 à 500 millions de dollars, sur la période 2019-2024, soit moins de la moitié des coûts d’acquisition.
De plus, il y a les pertes d’exploitation annuelles récurrentes. Toute la question à poser aux initiateurs de ce projet qu’une fois ce déficit de consommation complètement résorbé : qui voudra acheter cette raffinerie et à quel prix ?