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jeudi, 6 novembre 2025
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Abed Abidat : « Montrer la vie qui nous entoure, qui nous touche »

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Nous avons rencontré Abed Abidat pour la première fois à la librairie Transit, à Marseille, lors de la présentation de son livre 8 Mai 1945. L’émotion et la rigueur de son regard m’avaient alors frappé : une photographie ancrée dans la mémoire, nourrie d’une conscience historique aiguë.

Quelques mois plus tard, je le retrouvais, cette fois en tant qu’éditeur, au Salon du Livre de la Métropole, fidèle à son engagement pour une photographie citoyenne et sociale.

À travers Images Plurielles, qu’il a fondée, Abed Abidat explore l’humain, les territoires et les traces de l’Histoire. Ses livres et expositions font surgir les mémoires enfouies, les visages des oubliés, les récits que l’on tait. En 2018, il est retourné dans sa cité d’enfance, les Aygalades, pour y initier Comme une résurgence, un projet participatif qui restitue, à partir d’albums de famille et de portraits, la dignité et la beauté d’un quartier souvent caricaturé.

Cette double rencontre a ouvert un dialogue sur la responsabilité de l’image face à l’oubli et aux silences de l’Histoire. Nous revenons ici, dans cet esprit, sur le parcours d’Images Plurielles, sur la démarche éditoriale d’Abed Abidat et sur la manière dont la photographie peut devenir un outil de transmission.

Le Matin d’Algérie : Qu’est-ce qui vous a motivé à créer Images Plurielles et à concentrer vos activités sur la photographie contemporaine ?

Abed Abidat : Images Plurielles est née du désir de diffuser les travaux de photographes qui n’avaient pas la possibilité de montrer leurs images au plus grand nombre. Avec un groupe de photographes, nous avons décidé de créer cette maison d’édition il y a plus de 25 ans. Ensuite, tout a été une histoire de rencontres. Il y avait aussi cette envie de montrer, à travers les expositions ou les éditions, la vie qui nous entoure, qui nous touche.

Le Matin d’Algérie : Votre ligne éditoriale met l’accent sur l’Histoire, la mémoire et les populations vulnérables. Comment choisissez-vous les projets que vous publiez ?

Abed Abidat : Les propositions arrivent de différentes manières. Parfois, c’est une envie personnelle de traiter un sujet d’actualité ou de revisiter une histoire contemporaine. Dans ce cas, je cherche les photographes qui travaillent sur ces thématiques : je consulte les agences, regarde sur Internet, visite des expositions. D’autres fois, ce sont des photographes qui me contactent avec des projets en phase avec la ligne éditoriale d’Images Plurielles ou qui méritent d’être mis en lumière parce qu’ils abordent des sujets peu traités ou méconnus.

Le Matin d’Algérie : Vous combinez édition de livres, coffrets photos et diffusion d’expositions. Comment ces différents supports se complètent-ils ?

Abed Abidat : En général, lorsqu’un livre ou un coffret est édité, nous l’associons à une exposition que nous produisons ou que le photographe met à notre disposition. L’exposition est un excellent outil pour mieux diffuser le livre et prolonger son impact.

Le Matin d’Algérie : Votre maison mène également des actions sociales et des ateliers auprès d’adultes et d’enfants. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Abed Abidat : Avant de devenir éditeur à temps plein, j’étais éducateur, et je suis toujours photographe. J’utilisais déjà la photographie comme outil de communication dans mes actions sociales : ateliers photos avec des chibanis dans les résidences Alotra, en milieu carcéral ou dans des foyers d’enfants. Cette démarche s’est poursuivie avec Images Plurielles. C’est un savoir-faire que je continue à transmettre à de nouveaux publics.

Mes dernières actions ont eu lieu à Alger, plus précisément dans la Casbah et à Bab El Oued, où nous avons organisé des ateliers photo avec des enfants et des adolescents. J’y ai même installé un labo photo argentique pour former des adultes à cette pratique.

Le Matin d’Algérie : Le projet Comme une résurgence à la cité des Aygalades est particulièrement emblématique. Quelle a été votre démarche pour constituer cette mémoire photographique ?

Abed Abidat : Ce projet a commencé à la suite d’un appel lancé par le FASILD sur le thème “Identités, parcours et mémoire”. Il s’agissait de créer des actions numériques autour de la mémoire de l’immigration. Avec une sociologue, nous sommes allés à la rencontre des acteurs sociaux de ce quartier, qui s’avérait être ma cité d’enfance. Le but était de laisser une trace écrite et visuelle consultable par tous.

Aujourd’hui, le site existe toujours et j’espère pouvoir l’enrichir. C’est un projet que nous aimerions d’ailleurs reproduire ailleurs.

Le Matin d’Algérie : Quels sont les principaux défis d’une maison d’édition indépendante centrée sur la photographie contemporaine ?

Abed Abidat : Le principal défi pour une maison d’édition est de réussir à produire un ouvrage, mais surtout de trouver les moyens de le faire vivre après sa sortie : le diffuser le plus largement possible. Les conditions sociales et économiques actuelles rendent le travail d’éditeur de plus en plus difficile. Pour certains, c’est désormais une question de survie.

Le Matin d’Algérie Comment travaillez-vous avec les photographes et les artistes pour donner vie à leurs projets ?

Abed Abidat : Cela doit être une véritable collaboration, du début jusqu’à la fin du projet, si les conditions le permettent. La construction du livre se fait ensemble, et même après la publication, car la phase de diffusion est capitale. Le photographe doit se sentir en confiance avec son éditeur.

Le Matin d’Algérie : Quels projets récents ou à venir illustrent le mieux l’esprit et la mission d’Images Plurielles ?

Abed Abidat : Le prochain projet, qui paraîtra fin novembre, est particulièrement emblématique. Il s’agit d’une monographie consacrée à la photographe palestinienne des années 1920, Karmeh Abboud, la première photographe arabe professionnelle du Moyen-Orient. The Lady Photographer. C’est un projet initié en 2022, qui évoque la mémoire d’un lieu et d’un témoignage. L’objectif est de raconter une autre histoire, effacée par les bouleversements géopolitiques — celle de la Palestine d’avant la Nakba de 1948.

Le Matin d’Algérie : Comment percevez-vous l’évolution de l’intérêt du public pour la photographie contemporaine et les questions sociales qu’elle aborde ?

Abed Abidat : J’ai toujours constaté un fort intérêt pour la photographie contemporaine. Aujourd’hui, le champ est encore plus vaste grâce à l’évolution des techniques et à la diffusion numérique : réseaux sociaux, plateformes, applications…

Il y a trente ans, il existait peu de médias dédiés à la photo, mais leur contenu était souvent d’une grande qualité. Aujourd’hui, l’offre est plus large, mais beaucoup de productions sont “accompagnées” d’un flot d’images assez médiocres.

Le Matin d’Algérie : Quels conseils donneriez-vous à de jeunes éditeurs ou photographes souhaitant valoriser des voix et territoires méconnus ?

Abed Abidat : C’est déjà une très belle initiative que de vouloir aborder des sujets peu traités. Mon conseil serait de démarrer prudemment, sans prendre trop de risques, et d’avancer étape par étape. L’essentiel est de garder la passion et la rigueur du regard.

Propos recueillis par Djamal Guettala 

Images Plurielles 

https://www.imagesplurielles.com/fr

communication@imagesplurielles.com

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