Samedi 13 juillet 2019
Acte 21 : une escalade verbale de trop ?
La surenchère sous toutes ses formes : novembriste, identitaire, religieuse parfois même idéologique est devenue un discours prioritaire qui éloigne de l’essentiel pour lequel le mouvement de dissidence populaire a été déclenché légitiment un 22 février 2019.
Rappelons que depuis la capitulation du GPRA imposée par le groupe d’Oujda en 1962, le peuple algérien a été conduit d’une manière directe ou indirecte par un pouvoir militaire jour où ce déclic du cinquième mandat lui a fait comprendre que sa liberté effective ne l’atteindra que lorsqu’il se débarrasse de ce « système » instauré depuis pour édifier lui-même un Etat de « droit, républicain et citoyen. C’est de cette humiliation qu’on a tenté lui imposée que le peuple s’est soulevé d’une seule voie : # Errahlou gâa. Il faut reconnaitre qu’à ce jour de nombreux acquis ont été réalisé par un effort conjuguée entre les citoyens et leur armée, lesquels citoyens n’ont pas cessé de lui faire appel dès les premiers instants. Cet accompagnement de l’institution militaire devait créer les bases de ce débat en se débarrassant de l’essentiel : l’arrêt inconditionnel du processus du cinquième mandat et encore plus, mise en échec de la tentative de sa prolongation en obligeant Abdelaziz Bouteflika à la démission. La neutralisation de la « Issaba » qui conduisait le pays par des artifices extraconstitutionnels et surtout la lutte sans merci contre la corruption qui a vu défiler de hauts responsables devant la justice voire même emprisonnés, restent des actifs considérables pour entamer une deuxième république telle qu’elle est souhaitée plus haut. Il est évident et tout le monde l’aurait compris que les ramifications de ce « système » même s’il est en déconfiture, n’ont pas totalement disparus. Tout dépendra de l’édification de cet Etat que tout le monde rêve et envers lequel tout il converge. Pour atteindre cet objectif consensuel, sont apparues des divergences non sur ses finalités mais plutôt sur sa marche à suivre pour l’atteindre qu’on peut « caricaturer » en deux courants. Le premier avec ses arguments, dont le temps constitue le principal, soutient l’idée d’une « transition présidentielle. »
En termes simples, il faudrait créer les conditions favorables pour une présidentielle libre et transparente pour faire sortir un président qui lui appartiendra au cours de tout un mandat de procéder aux réformes nécessaires pour édifier un Etat. Pour cette aile, les changements vers une deuxième république ne devraient pas toucher les constantes nationales mais revoir les mécanismes de l’équilibre du pouvoir et surtout le verrouillage de la constitution pour la protéger contre la violation aux grés des circonstances et des hommes. Revenir à une nouvelle constituante, c’est rejeter ce qu’il y a de positif dans l’existant et ouvrir la boîte de Pandore qui permettra aux virus de s’incruster dans cette cohésion populaire formidable. L’autre courant quant à lui s’appuie sur le fait que des personnalités emblématiques de l’ancien régime sont toujours dans le rouage, estime que pour atteindre ce but visé, il faut faire table rase de tout ce qui existe peu importe le temps que cela prendra, l’élaboration de nouvelles règles dans une nouvelle constitution est la voie la plus sûre de se débarrasser de l’ancien régime.
1- Si c’est à ce niveau que se situe le débat, alors pourquoi cette surenchère ?
L’armée qui épouse la première approche aurait pu dans ses discours continuer d’étaler ses arguments sans être obligée de menacer qui que ce soit et barrer la route à quoi que ce soit (01) pour « chauffer » ce que l’institution militaire et le pouvoir en place appelle une minorité.
A quoi cela servirait une confrontation dans les conditions actuelles sur lesquelles nous reviendrons après. Jusqu’à présent et de l’avis de toute la classe politique, la société civile et l’ensemble du mouvement de dissidence populaire des mardis et de vendredis considèrent que les arrestations opérées lors des manifestations sur des jeunes qui ont porté les drapeaux amazighs et les déclarations publiques du commandant Bouregâa et le Général Benhadid sont incontestablement de simples opinions liées au respect de la liberté d’expression alors pourquoi cette surenchère du vieux général : «Ceux-là qui considèrent le fait de porter atteinte à l’emblème national et manquer de respect au drapeau national, symbole des chouhadas et source de fierté de toute la nation algérienne ; je dis que ceux-là mêmes qualifient ceux qui ont failli envers le peuple et la patrie de prisonniers politiques et de prisonniers de l’opinion. Est-ce raisonnable ? Se croient-ils aussi intelligents au point de pouvoir duper le peuple algérien avec ces inepties et ces manigances ? Croient-ils que le peuple algérien permettra à quiconque d’insulter son emblème national ? Ceux-là ne sont pas les enfants de ce peuple et ne savent guère sa vraie valeur, ni ses principes ou le degré de son attachement à son histoire nationale. C’est là la mentalité des corrupteurs, car un esprit impur génère une opinion impure et altérée, un comportement vicié et une attitude immorale. Telle est la nature des choses.»
Cette manière de voir les choses pourrait être comprise par la majorité et elle est désormais nombreuse que l’armée se montre «arrogante» envers elle. Pourquoi ? Jusqu’à présent aucun membre de la société algérienne à part le discours de l’armée et probablement une partie du système judiciaire qui approuvent l’emprisonnement des jeunes porteurs des drapeaux amazighs, Bouregâa et Benhadid. Le délit de porter atteinte à l’unité de la nation et celui du moral de l’armée est irrecevable dans la forme et dans le fond. Les raisons évoquées auparavant sont irréfutables.
De l’autre côté, c’est aussi une surenchère chauffante de considérer que le vice-ministre de la défense en dénonçant ceux qui réclament dans leurs pancartes « un Etat civil et non militaire » reconnaît explicitement « un coup d’Etat militaire en cours » n’est pas juste non plus car même s’ils ne méritent pas le qualificatif « traître » peut-être, que le chef d’état-major viserait plutôt une « ingratitude » de certains d’ignorer l’accompagnement de cette institution pour réaliser des acquis considérables depuis le début de cet évènement. Dans l’une ou l’autre de cette escalade verbale incitative, l’objectif attendu par tout le monde s’éloigne et devient de plus en plus difficile. Pourquoi ?
2- Les conditions économiques évoluent de plus en plus difficilement
Aujourd’hui, à l’heure où nous écrivons, le baril du pétrole a réagi positivement à la baisse des stocks américains pour s’établir à 68,86 dollars le baril. En valeur absolue et étant donné les circonstances de la période écoulée, l’économie nationale est relativement soulagée mais cela ne règle pas son déficit budgétaire. En effet, l’économie algérienne reste parmi les plus vulnérables à la fluctuation des prix du baril de pétrole.
Selon une estimation très récente faite par l’agence d’information financière Bloomberg qui cite, elle même le Fonds Monétaire International (FMI), elle a besoin pour équilibrer son budget d’un prix de 116,4 dollars le baril, limite qui ne peut être atteinte qu’en cas d’un conflit géostratégique grave comme celui de la poudrière du Moyen-Orient.
Or, il n’y a pas que Poutine qui refuse une telle option mais Donald Trump aussi en pleine campagne pour un second mandat, ne veut pas un carburant cher pour ses électeurs américains. Le problème de l’Algérie, le Venezuela, l’Iran et le Nigeria est encore aggravé par une chute de leur production pour des raisons particulières à chaque pays, parfois techniques dans d’autres cas politiques comme c’est le cas de l’Iran.
Le gouvernement qui avait pour tâche de gérer les affaires courantes, s’est avancé à arrêter le processus de la planche à billet sans améliorer pour autant ses recettes fiscales. Il est donc probable si l’on se mette pas tout de suite au travail et maîtriser cette crise politique, le chao économique sera inévitable, auquel cas tout le monde sera perdant sauf ceux qui poussent de l’extérieur, autant s’entendre de l’intérieur.
R.R.
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