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Affaire Boualem Sansal : le délire du pouvoir et de ses relais

Boualem Sansal

Boualem Sansal

À l’accusation d’atteinte à l’intégrité nationale par Boualem Sansal vient aujourd’hui se rajouter celle d’atteinte à la loi sur la réconciliation nationale par Kamel Daoud.

Le délire dans lequel est plongé le régime crypto-militaire à travers sa marionnette, le président Tebboune, est chaque jour plus inventif pour s’engouffrer dans le marasme de la violence et des ténèbres.

J’avais fortement critiqué l’irresponsabilité de l’attitude des deux auteurs à provoquer le soutien de l’extrême droite qui voulait entendre ce qu’elle voulait entendre de la part de deux Algériens connus et talentueux. Non pas sur le fond de leurs paroles (j’en partage de nombreuses) mais par la satisfaction donnée avec trompettes et tambours à ceux qui ont une interprétation plus orientée.

Par l’arrestation de Boualemn Sansal, je voudrais invoquer l’une des plus belles et des plus justes réflexions par Hannah Arendt sur le phénomène de dilution des responsabilités dans un régime de barbarie. Je vais la paraphraser en même temps que la décliner au sujet de la circonstance des cas des deux écrivains.

Les agents de la sécurité intérieure qui sont venus à l’aéroport pour arrêter Boualem Sansal diront qu’ils ont exécuté les ordres.

Les responsables de la police judiciaire diront qu’ils exécutent une commission rogatoire du juge d’instruction sous l’autorité d’un procureur.

Le procureur invoquera les consignes du ministre de l’Intérieur qui lui-même est sous ordre de l’autorité du président de la république qui vous dira que la justice est indépendante.

À leur tour, les juges se prévaudront de l’argument qu’ils appliquent la loi pour prononcer la culpabilité et la sentence.

Les représentants du parlement pourraient dire qu’ils ont voté des lois en conformité avec les principes généraux de la démocratie mais qu’ils ne sont pas responsables de leur détournement à des usages contestables. En réalité, ils ne vous diront rien, ils sont nommés par les autorités qui leur demandent de voter ce qu’on leur demande de voter dans le silence des bras levés.

Enfin, les gardiens de la prison vous diront qu’ils viennent tous les matins pour un boulot légal qui est légitime de faire pour la subsistance de la famille et qu’ils n’ont en conséquence aucune responsabilité.

En fin de compte personne n’est responsable d’une vaste barbarie puisque les responsabilités sont diluées dans une longue chaîne de décision.

C’est ce qu’on appelle de la lâcheté par refus de prendre ses responsabilités. Et au plus haut rang de cette lâcheté, les plus hauts responsables du pays.

Menacer d’incarcérer des citoyens pour des raisons fallacieuses est la forme la plus représentative de la lâcheté humaine.

Boumediene Sid Lakhdar

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