L’affaire Saïd Djabelkhir, cet islamologue algérien condamné à de la prison ferme pour « offense à l’islam » connaîtra-t-elle une issue heureuse pour l’accusé ?
Rien n’est moins sûr quand on connaît la bigoterie chronique dont sont atteints les hauts cadres de l’État algérien, cour constitutionnelle incluse.
En attendant le jugement et le verdict de cette cour, dix-neuf intellectuels et essayistes, parmi lesquels Boualem Sansal et Djamila Benhadid, invitent, dans une tribune, la Cour constitutionnelle algérienne à censurer la loi ayant conduit à la condamnation de l’islamologue pour « blasphème » (*).
Dans les prochaines semaines, la Cour constitutionnelle algérienne jugera le cas de l’islamologue Saïd Djabelkhir, condamné le 21 avril 2021 à une peine de trois ans de prison et à une amende de 50 000 dinars pour « offense à l’islam » et « dénigrement du dogme » et « des préceptes de l’islam » en vertu de l’article 144 bis du Code pénal algérien réprimant le blasphème.
En cause : l’affirmation, par ce docteur en philosophie, que certaines pratiques musulmanes seraient antérieures à l’islam et d’origine païenne, et que le contenu du Coran et des hadiths n’auraient pas la valeur d’une science exacte.
Qu’y a-t-il de faux en telle affirmation ?
Cette affaire est importante car pour la première fois la Cour algérienne se prononcera sur la conformité à la Constitution de la pénalisation du blasphème et, à travers elle, sur les limites religieuses portées aux libertés d’expression et de recherche scientifique en Algérie. Elle intervient alors que la liberté de conscience a été supprimée de la Constitution algérienne en 2020.
C’est donc l’heure de vérité pour la justice constitutionnelle algérienne qui entame ses premiers contrôles de constitutionnalité des lois a posteriori. L’acquittement de M. Djabelkhir marquerait une nouvelle ère pour la justice. Ce jugement sera une référence dans la jurisprudence algérienne et déterminera fortement le sort des libertés publiques dans le pays.
Les signataires de cette tribune appellent les autorités algériennes à garantir les libertés d’expression et de recherche académique, conformément au droit international, notamment au Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par l’Algérie en 1989 : “Nous souhaitons exprimer au peuple algérien nos vœux et notre soutien pour qu’il jouisse des droits et libertés universellement reconnus. Nous l’invitons à réconcilier son identité religieuse avec la garantie des droits fondamentaux”.
Quant à nous, les éternels pessimistes du fait algérien, inutile d’attendre le résultat du procès pour deviner que la cour constitutionnelle ne se laissera pas intimider par quelconque tribune ou quelconque tribun ! Comment s’attendre à ce que nos honorables magistrats désavouent un article du code pénal qu’ils ont eux-mêmes élaboré ? Car, au-delà du procès Djabelkhir, c’est bien de l’abrogation de l’article 144 bis qu’il s’agit !
Kacem Madani